En ces temps mouvementés de discussions autour des rythmes scolaires, pendant lesquelles tous les rythmes sont mélangés : ceux des parents (et donc des entreprises), des restaurateurs, des moniteurs de ski, des enseignants et autres conducteurs de TGV… ah oui, et ceux des enfants, on les oublierait presque ! Bref, en ces temps mouvementés donc, que dit-on justement du temps ? Quel temps est donné aux apprentissages ? Quel temps est donné aux apprenants ?

Quand on se penche sur le développement du tout petit enfant, on comprend combien il est important de lui laisser faire les choses à son rythme, dans son ordre à lui, quand il est dans sa zone proximale de développement, si on reprend les termes de Vygotski. Et pourtant, dès l’entrée à l’école, il semble que la priorité va à la progression imposée par les programmes (surtout depuis ces dernières années où l’on a laissé un peu de côté les cycles) et non à la progression de chacun. Que d’énergie dépensée lorsqu’il serait si aisé de simplement laisser avancer l’enfant !

Le témoignage d’André Stern dans son livre «…et je ne suis jamais allé à l’école» est éclairant sur ce sujet : l’auteur décrit ses divers sujets d’occupation en insistant sur le fait qu’il pouvait passer des jours sur tel ou tel jeu/activité/apprentissage avant de passer à autre chose… pour y revenir ensuite quelques heures, jours, mois ou années plus tard.

«Durant les mois où je me consacrais à la littérature, dévorant livre sur livre, il est évident qu’il ne me restait que peu de temps pour d’autres occupations»

et plus loin

«Ayant achevé en une journée de labeur indivisible, la construction du bulldozer, je m’employais à la démonter consciencieusement, avant de suivre les indications pour la construction de deux autres machines»

André Stern aura ainsi appris les apprentissages dits fondamentaux sans côtoyer d’enseignant ou d’éducateur autres que ses parents, prêts à répondre à ses interrogations au fur et à mesure qu’elles se présentaient. Et il aura aussi appris le travail du métal, la lutherie, l’astrologie, l’algèbre, etc, etc. Quelle leçon sur les capacités des enfants à se donner les moyens d’apprendre ! Et quelle leçon pour nous parents sur la confiance que nous pouvons leur accorder : nos enfants «sauront», en leur temps ! À condition de le leur laisser…

Dans le film Agora, qui traite d’un conflit scientifico-religieux dans l’Alexandrie de l’époque romaine, Hypatia philosophe agnostique, tente d’approfondir le modèle géocentrique de Ptomlémée pour déterminer les lois exactes qui régissent l’univers. Nous sommes témoins tout au long du film de ses recherches et lorsqu’enfin elle arrive à la révélation, point d’orgue de son cheminement, j’en ai presqu’eu des frissons !
Et je me suis prise à rêver d’une école qui laisserait le temps à chacun de redécouvrir les concepts fondamentaux de notre univers…

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MarieLou