Les ouvrages d’Adele Faber et Elaine Mazlish, ce sont de petites mines d’or ! J’adore le style pratico-pratique, les récits d’expérience et la bienveillance, l’humanité, qui se dégagent de leur vision, inspirée par les ateliers auxquels elles ont elles-mêmes participé avec le psychologue Haim Ginott.
Après avoir entamé la lecture de Parents épanouis, Enfants épanouis il y a plus d’un an (j’en avais parlé ici), quelques idées m’étaient restées, une certaine attitude mais… je trouvais que ma mise en pratique manquait d’intuitivité (le correcteur semble me dire que ce mot n’existe pas mais je vais superbement l’ignorer).
Du coup, il y a quelques mois, je me suis décidée à m’inscrire aux ateliers Faber & Mazlish, organisés près de chez moi (merci Sandrine !), sur le (vaste) thème : « Parler pour les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent« . J’avais le grand espoir de remplacer peu à peu les automatismes hérités de mon enfance par des automatismes que je juge plus positifs et respectueux.
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Les ateliers sont donc organisés en 7 séances à thèmes. Le premier de ces thèmes a trait au fait d’aider les enfants aux prises avec leurs sentiments pénibles.
Je ne veux pas « spoiler » les ateliers – même si je reste persuadée que peu importe ce que je dirai, rien ne vaut d’y participer soi-même – mais surtout raconter combien leur mise en pratique à la maison avec Pti Tonique me paraît parfois spectaculaire (oui, rien que ça) (je te vends du rêve, je sais !).
Parmi les outils évoqués lors de cette première séance, il y en a 2 que j’utilise maintenant régulièrement :
- décrire le sentiment plutôt que le nier (en réalité, je connaissais déjà cet outil depuis qq temps, je m’efforçais de l’utiliser notamment pour reconnaitre la peur et la colère mais jamais cela n’avait autant porté ses fruits),
- et utiliser l’imaginaire pour donner à l’enfant ce qu’il ne peut pas avoir.
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Un petit exemple rigolo, faisant appel à l’outil de l’imagination, starring Pti Tonique, 33 mois and myself (whatever mon âge) :
Nous sommes en voiture. Nous sommes allés rendre visite à une gentille maman (lectrice du blog – Coucou Anne-Laure !) à 45 min de chez nous. A l’aller, j’avais vu des poules sur le bord de la route mais Pti Tonique n’ayant pas un temps de réaction assez court, il les avait loupées, le temps que je lui dise de regarder. Du coup, on s’était promis que je les lui montrerai à nouveau au retour. Manque de bol, pour la même raison qu’à l’aller, il les rate.
Of course, la première fois, ça passe. La 2e fois, c’est trop. Grosse frustration, déception, début de pleurs, il VEUT voir les poules. En plus, sa soeur s’est endormie et j’ai tout sauf envie qu’il la réveille avec ses gémissements et râleries (tu le sens là, le stress qui monte?)
Après avoir tenté de le raisonner : « Attends, peut-être qu’on va en voir d’autres, bla bla bla, etc« , je tente le tout pour le tout :
- Bah oui, c’est vrai ça, elles sont où les poules ?!
- Oui, elles sont où ? reprend-il en se redressant dans son siège et en regardant de tous côtés
- Bah alors les poules, vous êtes où ? On vous cherche nous ! Pti Tonique n’a même pas eu le temps de vous voir ! Allez, venez les poules ! Nous on veut les poules ! Nous, on veut les poules !!
Là, c’est l’extase, il se met à réclamer les poules avec ferveur et en rigolant. Je continue dans mon délire :
- Oh nooon ! Mais les poules elles n’arrivent pas à nous rattraper, elles ont de trop petites pattes !
Et il enchaîne, à ma grande surprise :
- Bah faut prendre une voiture les poules !
Et le délire continue de plus belle : je m’étonne de ce que les poules aient une voiture, il répond qu’elles vont aller en acheter une. Je demande si les poules ont des sous, il répond que oui. Puis on se demande si toutes les poules vont pouvoir tenir dans une voiture, il répond qu’elles vont aller acheter un camion. Puis qu’il va aussi falloir un camion pour les coqs.
A un moment, j’ai un (petit) doute, je me demande s’il ne s’attend pas (vraiment) à voir les poules nous suivre en camion. Mais c’est alors qu’il me dit en pointant le doigt par sa fenêtre « Oh regarde, sont là les poules, elles nous suivent !!! »
Après ça, il a été question que les poules nous suivent jusqu’à la maison, qu’elles viennent prendre le bain avec nous et qu’elles dorment dans le salon. Pti Tonique leur avait d’ailleurs acheté un lit qui était dans notre coffre. Etc etc.
Bon, faut pas manquer d’énergie hein, c’est sûr !! Parce que Pti Tonique, il adore les délires et après, il lâche plus. On a parlé des poules pendant un bon moment et il les a même à nouveau évoquées pendant les jours qui ont suivi, comme de nouvelles amies imaginaires.
Et franchement, le trajet en voiture fut bien plus agréable que si l’échange était resté sur un dialogue de sourd « j’essaie de le raisonner/il s’en fout, il est frustré » puis « il râle/je m’énerve » et enfin « sa soeur se réveille et pleure/je suis encore plus énervée et on finit le trajet dans les cris et les pleurs »…
[Attention, séquence honnêteté : je ne suis pas capable de jouer le jeu tous les jours, à n’importe quel moment. Il y a des jours où je n’ai pas le courage de me lancer là-dedans, c’est clair ! Des jours où les idées ne viennent pas, où je ne suis pas d’humeur. MAIS je sais que j’ai cet outil à ma disposition et il marche plutôt bien. C’est franchement salvateur de l’avoir toujours « à portée de main ».]
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Je trouve que l’intérêt de ces ateliers, c’est que le nombre de séances permet d’avoir un retour sur sa mise en pratique personnelle, afin de se réjouir des succès et de comprendre ce qui n’a pas fonctionné lors des tentatives infructueuses. Cela permet aussi de mieux comprendre certains éléments psychologiques des rapports humains, applicables pas seulement dans les rapports parents-enfants mais aussi dans les rapports quotidiens entre adultes. Cela permet de comprendre pourquoi le fait d’accompagner le sentiment est plus rassurant pour celui qui l’éprouve que de l’entendre nier
Exemple vécu : « il ne faut pas avoir peur, le chien est gentil tu sais, etc » => CERTES, mais l’enfant a peur quand même et en essayant de le rassurer, on ne fait que lui dire « tu ne DEVRAIS PAS avoir peur ». Il ne s’en trouve pas vraiment aidé. Si on lui dit « je vois que tu as peur du chien, viens, je te porte et on va se mettre un peu plus loin », il y a fort à parier qu’à force, il finira par se rendre compte de lui-même que le chien ne lui fait rien et fera des tentatives d’approche, à son rythme.
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Ce qui n’est pas inné chez moi, c’est de me dire que de nommer le sentiment, de le reconnaître, ne va pas l’amplifier ou donner l’impression à mon interlocuteur que je remue le couteau dans sa plaie, comme l’évoque très bien cet extrait du livre :
Il semblait y avoir une limite interne à cette tendre théorie qui suggère d’accepter les sentiments de nos enfants. Ca fonctionne certainement pour les petits problèmes, comme un doigt égratigné, un jouet perdu ou une déception à la suite de l’annulation d’un pique-nique pour cause de pluie. Mais que faire en cas de blessures graves, comme une vraie perte, la mort d’un animal de compagnie adoré, ou un rejet de la part d’une amie ? Est-ce approprié ou même utile de revenir sur ces sentiments ? Ne cause-t-on pas plus de tort que de bien en rouvrant ces blessures ?
[…] [Haim Ginott a dit] J’aimerais connaître le moyen de convaincre les parents que la souffrance peut entraîner de la croissance, que la lutte peut renforcer le caractère. Les parents veulent tellement le bonheur de leurs enfants qu’ils les privent souvent des expériences de maturation associées à la déception, à la frustration et au deuil. « Ne pleure pas, disent-ils, nous irons te chercher un autre chien ».
Si seulement les parents savaient qu’on des forces aux enfants quand on reconnaît leurs émotions pénibles, […] Quand votre enfant se coupe, rien sur la terre ne peut guérir la blessure immédiatement. On applique de l’antiseptique et un pansement, et on sait que le temps va se charger du reste. Pour les blessures de l’âme, c’est la même chose.
[…] le pouvoir de la mère ou du père qui admet la douleur de l’enfant, qui n’est pas détruit par cette douleur… le pouvoir d’un père fort, d’une mère forte, qui entend l’angoisse, qui comprend la peine et qui donne à son enfant, par le simple fait d’écouter, le message le plus profond de tous : c’est supportable. En effet, pourvu qu’une personne dans le monde puisse vraiment nous entendre, être vraiment attentive à nous, c’est supportable.
A. Faber et E. Mazlish, Parents épanouis, Enfants épanouis (p.48 et 49)
J’ai toujours une petite appréhension avant de le faire, la crainte de décupler des émotions que je ne saurai pas gérer ensuite. Mais en fait, pourquoi croire systématiquement que je vais devoir les « gérer » ? Les émotions ne sont-elles pas faites pour être vécues, à fond, avant de naturellement s’apaiser (lorsqu’il s’agit d’émotions négatives surtout) parce qu’elles auront été évacuées ? Ce qui doit être encadré et limité, disait en d’autres mots Haim Ginott, ce sont les actes, non les émotions.
Et ça, je devrais me le placarder sur les murs de la maison. Pour ne pas l’oublier, pour me détendre plus souvent à l’approche de ce que j’identifie par avance comme une « tempête » de mon fils, pour ne pas croire que repose sur moi la nécessité de canaliser quoi que ce soit.
Les émotions sont faites pour être vécues. Elles ont toujours un début et une fin, même les plus positives après tout. Tout comme la joie, tout comme le fou rire s’apaise de lui-même, tout comme un moment câlin n’est pas éternel non plus.
Même si ce n’est pas évident lorsqu’elles s’entrechoquent avec les nôtres (fatigue, agacement, …), nous tentons de laisser vivre les émotions de nos enfants, quitte à leur demander d’aller les exprimer plus loin si nous ne sommes pas capables de les supporter. Les émotions doivent être vécues et non tues, elles évacuent un trop-plein intérieur, elles permettent de rééquilibrer la balance « émotions/intellect » dans une situation donnée. Les émotions peuvent même nous sauver…
[…] un incident est survenu, qui a changé de façon permanente ma manière de penser. C’était par un après-midi torride de l’été. Julie [fille de la narratrice et auteure] est arrivée en trombe à la maison, son maillot de bain encore tout humide, le regard étrange.
« Nous avons eu beaucoup de plaisir à la piscine avec un grand garçon gentil que nous avons rencontré, a-t-elle dit. Il a joué au chat avec nous, dans l’eau. Puis après, il nous a emmenées Linda et moi, du côté des arbres. Il m’a demandé s’il pouvait lécher mes orteils. Il disait que ça serait amusant. »
Je retenais mon souffle. […]
« Je ne savais pas quoi faire. Linda pensait que c’était drôle, mais je n’ai pas voulu qu’il le fasse. Ca m’a fait sentir… Je ne sais pas…
– Tu veux dire que dans toute cette affaire quelque chose ne te semblait pas correct même si tu ne savais pas au juste ce que c’était ?
– Oui, a-t-elle fait d’un signe de tête. Alors j’ai couru jusqu’ici. »
J’essayais de ne pas lui montrer jusqu’à quel point j’étais soulagée. En prenant l’air le plus dégagé possible, j’ai ajouté : « Tu as fait confiance à tes sentiments et ils t’ont dit exactement ce que tu devais faire, n’est-ce pas ? »
C’est alors que j’ai été frappée par l’énormité de toute cette affaire. La confiance d’un enfant, par rapport à lui-même et à ses propres perceptions, pourrait-elle l’aider à assurer sa propre sécurité ? En démentant les perceptions de l’enfant, n’est-on pas en train d’affaiblir sa capacité de sentir le danger, de le rendre vulnérable à l’influence de ceux qui n’ont pas son bien-être à cœur ?
Le monde extérieur travaille fort en vue de rendre un enfant sourd à ses propres sirènes d’alarme.
« Pas d’importance sil n’y a pas de sauveteur ! Tu sais nager ! […]
– Ne te dégonfle pas. Tous les enfants l’essaient. Ça ne crée pas d’accoutumance. » […]
Se pourrait-il même que la simple survie d’un enfant dépende parfois de la confiance qu’il accorde à sa petite voix intérieure ?
A. Faber et E. Mazlish, Parents épanouis, Enfants épanouis (p.61 et 62)
Une version plus complète de cet article et truffée d’exemples (et même un entre Mr Sioux et moi, tellement la communication bienveillante est utile entre tous les humains, petits et grands) est à lire sur mon blog !
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Previously, on Les Vendredis Intellos :
Des résumés ou avis concernant les ouvrages comme les ateliers qui en sont issus, il y en a déjà eu plusieurs sur les Vendredis Intellos (liste non exhaustive) :
- une contributrice a présenté l’organisation et le déroulement des ateliers
- une autre a évoqué ici les alternatives à la punition (j’y reviendrai avec plein d’exemples d’ici quelques semaines, j’espère !)
- une autre enfin a parlé d’un des outils proposé pour susciter la coopération de l’enfant, et elle liste également de nombreuses autres contributions traitant des théories de Faber et Mazlish.
Super article, çà donne envie ces ateliers.
C’est vrai, que j’avais aussi lu quelque part (je crois que c’est dans » BRain rules for an smart child » dispo en français), que c’était excellent pour le développement de l’enfant, d’accompagner ses sentiments, de mettre un nom dessus plutôt que de les nier… D’ailleurs, moi aussi je le fais de temps en temps avec mon petit de 3 ans 1/2 qui commence à piquer une colère quand il a perdu Tétine ou Doudou..;alors on crie dans toute la maison pour que l’objet courre et revienne nous rejoindre !! ça apaise les sanglots direct ! mais comme tu dis, cela demande de l’énergie… et effectivement pas toujours envie..
PS : le lien vers ‘les alternatives à la punition » est erroné !
Oui, c’est exactement le genre de choses qui marchent aussi avec mon fils, le font rire et oublier le « drame » qu’il éprouve. Finalement, c’est peut-être facile à cet âge car il suffit de les faire rire ou imaginer pour arriver (le plus souvent) à dissiper les choses difficiles ;-)
ps : lien corrigé ! (et le suivant aussi par la même occasion, oups !!)
Merci ;-) !
Un chouette article qui me parle beaucoup.
Merci beaucoup pour cette très belle contribution chère amie!! Ahlala que j’ai envie de prendre le temps d’en suivre moi aussi, de pouvoir partager avec d’autres (et peut être aussi de convaincre pleinement MrD de l’intérêt de la chose, au delà du simple respect qu’il manifeste pour ce choix éducatif…).
Quand tu parles des souffrances qu’on cherche absolument à supprimer chez nos enfants et nos proches, au point de les nier, je me demande si nous ne sommes pas en quelque sorte dupés par notre propre empathie… je ne crois pas en effet que ces comportements procèdent d’une mauvaise intention: nous souhaitons authentiquement que ceux que nous aimons ne souffrent pas. Mais la souffrance (ou l’inconfort) que nous procure leur souffrance nous aveugle, et nous réagissons d’une façon qui nous semble les protéger et nous protéger. Le droit à la reconnaissance des sentiments (pour mes enfants, les autres et pour moi-même) a été quelque chose qui m’a beaucoup ébranlé, quelque chose que j’attendais depuis longtemps et qui en même temps m’a rendue soucieuse des conséquences: pour mes enfants, cela correspond à ce que tu décris (peur que cela renforce le sentiment, peur de ne pas pouvoir gérer ensuite) mais aussi pour moi-même (peur de ce que je m’autoriserai enfin à ressentir alors que je l’avais bien pansé et dissimulé des années durant…).
Je confirme, le coup d’utiliser l’imaginaire fonctionne super bien avec mon garçon, même tout petit. Et effectivement, j’y vais franco (le biscuit réclamé à 18h20 en rentrant de la crèche devient une tarte préparée par un éléphant à pois verts).
En revanche, je viens de finir le livre Parents épanouis… parce que justement, à force de prendre soin de ses besoins / émotions / etc, j’ai une certaine tendance à oublier les mien(ne)s et à être en colère. Bref, un peu de travail et de relecture sur les chapitres de la fin.
Merci pour cet article drôle !
J’ai vécu un peu la même chose ! Après avoir naturellement adopté cette attitude d’écoute permanente, je me suis retrouvée en phase d’épuisement et de saturation il y a quelques mois. Du coup, j’ai un peu rejeté la méthode, avant de me rendre compte que ce n’était pas elle la fautive mais bien ma capacité à écouter mes besoins et à les faire reconnaitre aussi par mes enfants, à certains moments. Ce qui n’empêche pas de rester à leur écoute, y compris pour dire « j’entends ton besoin mais je suis trop énervée pour y répondre pour l’instant », comme l’évoque les auteurs dans certains passages :-) Merci pour ton témoignage !
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