paternites_imposees

Le titre est accrocheur, et alors qu’on  s’intéresse beaucoup à la grossesse et à l’accouchement sous l’aspect santé des femmes, alors que les femmes ont acquis de haute lutte le droit de disposer de leur corps par la contraception et l’avortement, qu’en est-il pour l’homme ?

Quelle est son choix à devenir père ?

Et c’est intéressant que ce soit Mary Plard, avocate féministe qui aborde ce sujet.

« C’est vrai que j’ai souvent eu à lutter dans ma carrière et dans ma vie contre la domination masculine,mais dois-je pour autant réserver ma pugnacité à la défense des femmes ? Dois-je faire payer aux hommes le parcours de combattant qu’ils m’ont imposé et les laisser au leur ? Dois-je refuser de les aider au nom de leur identité sexuée ? Il est impossible de ne pas reprendre les armes en découvrant les histoires qui vont suivre. Elles révèlent que le combat pour la « paternité librement consentie » est l’envers du tableau de nos revendications de femmes en matière de maternité. Certains aspects de cette lutte moderne, empreinte d’égalité et de respect de l’autre se trouvaient déjà dans mes luttes d’hier contre la détresse humains, la solitude et la honte ».

La préface est rédigée par Renaud Van Ruymbeke. En voici un extrait :

« Ce livre est authentique, vivant, captivant.

Les hommes qui consultent Mary Plard voient en elle un ultime recours. Ils viennent d’apprendre par un SMS, une conversation téléphonique, une entrevue, ou, pis, une assignation en justice, qu’ils vont devenir pères. Ils sont perdus déboussolés, voire effondrés devant les conséquences imprévues -pour eux- d’une femme d’un soir. Ils sont parfois mariés, ou vivent une relation stable; ils peuvent aussi n’avoir aucun engagement envers une femme. Quelle que soit leur situation, un même fil les relie : en aucun cas ils n’ont voulu être pères.

Avec difficulté, ils expriment face à leur avocate, qui devient peu à peu leur confesseur, la détresse dans laquelle les plonge ce qu’ils considèrent comme une paternité volée, arrachée. »

Lorsque le premier « père malgré lui » est venu la consulter en tant qu’avocate, Mary Plard s’est d’abord plongée dans la loi. Et dans l’exposé de ce premier cas, elle relate l’évolution de la loi sur la famille, le passage de « l’autorité paternelle » à « l’autorité parentale » en 1970 .

Elle a aussi recherché les termes « enfant », « filiation », « paternité », »reconnaissance ».

Et il apparaît que le père a une place fluctuante :

  • une ordonnance de 2008,stipule que l’enfant né sans vie donne lieu à un acte de naissance sur production d’un certificat d’accouchement, sans que la loi précise de durée de gestation. Cet acte de naissance doit comporter les noms de la mère, du père, ainsi que leur profession et leur lieu date et lieu de naissance.Dans le cas d’un enfant décédé, le père est donc père y compris d’un fœtus
  • dans le cas d’un avortement, le père n’a bien sûr le droit ni de contraindre la mère à poursuivre sa grossesse, ni de lui imposer d’avorter. Cela paraît assez normal, puisqu’il s’agit du droit de la mère à disposer de son corps (Mary Plard décrit un cas de décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, s’opposant à un père qui voulait garder un enfant alors que sa femme voulait avorter)
  • pour faire un diagnostic biologique prélevé sur un embryon in utero, il faut le consentement par écrit des deux parents
  • l’accès à la procréation médicalement assistée n’est possible en France que pour les couples pouvant justifier de deux ans de vie commune
  • dans le cas d’une grossesse « normale », ce n’est qu’après la naissance que le père a une reconnaissance juridique au travers de l’acte de naissance.

Et c’est ainsi que l’un des « pères malgré eux » se verra refuser l’accès aux analyses médicales de la future mère qui l’affirme géniteur, et par là même à la preuve qu’il est réellement le père de l’enfant qu’elle porte.

Sur les différents hommes qui ont fait appel à elle, un seul est indéfendable, dans la mesure où il mène plusieurs vies parallèles avec plusieurs femmes, faisant croire à chacune à un rêve de vie commune qu’il ne désire aucunement.

Ce livre m’a beaucoup intéressée et questionnée. J’en ai beaucoup aimé le style d’écriture, le beau français, simple, clair et précis utilisé par l’auteur. Et mon féminisme têtu est remué par les questions posées du droit de l’homme à devenir père ou pas.

J’avais vu une interview de Mary Plard dans l’émission de « savoir plus santé » , et j’en parlais ici sur mon blog perso , cela avait évoqué pour moi les préconisations de l’ONU en matière d’éducation sexuelle   (doc complet téléchargeable) incluant la notion de « droit sexuel » qui comprend notamment le droit pour tous « de décider ou pas quand avoir des enfants ».

Je reprendrai pour conclure un propos de Mary Plard auquel j’adhère :

« Ce droit de choisir accordé à la mère comme au père est indiscutablement la clé de voûte de la rencontre entre l’homme et la femme au-dessus du ventre maternel, puis au-dessus du berceau. C’est ce droit que nous devons, nous les femmes d’aujourd’hui, reconnaître aux hommes d’aujourd’hui. »

Phypa