Au relais Assistante Maternelle, nous faisons parfois des sorties et des réunions entre grandes personnes sans les enfants.

En ce moment, nous sommes en plein brainstorming pour l’organisation de la journée Portes Ouvertes où nous présenterons aux parents toutes les activités que nous avons fait avec les enfants tout au long de l’année.
Nous aurons aussi le droit à un débat avec une diététicienne pour parler de tout ce qui est allergie alimentaire et un professionnel viendra nous parler des couches lavables car de plus en plus de parents en utilisent et en tant qu’assistante maternelle ou auxiliaire parentale, c’est bien de découvrir des choses qu’on ne connait pas forcément.
Certaines n’en ont jamais utilisé (moi, la première!) et d’autres ont eu à en utiliser mais sans que les parents prennent vraiment le temps de leur expliquer et à les entendre quand on ne connait pas et qu’on est habitué aux couches jetables, ce n’est pas facile.

Mais bon, je me disperse…
Tout ça pour dire que parmi les sorties entre grands et accessoirement professionnels de la Petite Enfance, nous avons pu assisté à une conférence sur le jeu et l’enfant.

Capture d’écran 2013-03-29 à 23.04.09Oui, c’était en novembre dernier mais il n’est jamais trop tard pour partager quelque chose d’interessant, non?

Je vous ai fait un petit compte-rendu de l’évènement.
L’intervenante était Anne-Sophie Casal, formatrice responsable du secteur petite enfance et psychologue spécialisée dans le développement de l’enfant au Centre National de formation aux métiers du jouet de Lyon.
Elle est également auteure de la rubrique « Jouer » du magazine L’AssMat et l’auteure du livre « Le jeu et l’enfant » dans la collection La Bibliothèque de l’assistante maternelle des Editions Vuibert.

« Laissez-les jouer »« Le jeu est indispensable à l’enfant. Il apparait aux yeux de tous comme un phénomène naturel fondamental pour son développement, son équilibre », nous dit Madame Casal.
« En tant que professionnels de la petite enfance, nous sommes tous convaincus de l’importance du jeu dans le développement de l’enfant. Mais tiraillés entre les attentes institutionnelles, les familles, les collègues et les enfants, on oublie trop souvent de proposer un environnement serein à nos petits joueurs.
Pour réintroduire le jeu dans les structures petite enfance, il est fondamental de s’interroger sur la place et le rôle des professionnels dans le jeu de l’enfant. »

Des enfants jouent.
Des professionnels les observent, les invitent à jouer, aménagent leur lieu de vie…
Ils s’interrogent :
Que faire jouer ou regarder jouer ?
Quels jouets, pour quoi faire ?
Doit-on laisser les enfants libres, autonomes ?
Que dire aux parents ?
Dois-je intervenir ?
Quand ?
Pourquoi ma collègue interrompt-elle tout le temps le jeu des enfants ?
Pourquoi les enfants cassent-ils les jouets ?

« La question de la place de l’adulte dans le jeu de l’enfant aurait paru bien saugrenue à nos aînés de quelques générations précédentes : le jeu était l’affaire des enfants, il paraissait naturel qu’il se déroule sans intervention des adultes.
Aujourd’hui cette question préoccupe tout un chacun, qu’il soit éducateur, animateur, assistant maternel ou même parent car chacun ressent le jeu comme une activité fragile à préserver, à protéger, à qualifier.
D’où vient cette nouvelle interrogation ? Aurions-nous perdu des savoir-faire élémentaires ? Serions-nous submergés par nos angoisses sécuritaires ? Sommes-nous devenus plus exigeants dans nos missions d’éducateurs ? A moins que le jeu n’ait subi des modifications dans son essence même ?
Certes non… En 30 ans les enfants n’ont pas changé (n’oublions pas qu’il a fallu 3 millions d’années pour passer de l’homo erectus à l’homo sapiens !). Le jeu reste un besoin essentiel pour celui qui grandit, et les adultes éducateurs ne sont sans doute ni plus ni moins consciencieux qu’autrefois. »

Pourquoi jouer ?
1/ Pour se détendre :
Les adultes ont différentes façons de se détendre : la lecture, la télévision…
Les enfants ont eux aussi besoin de se détendre.
Leur rythme est calqué sur celui des adultes : se lever tôt, se dépêcher, faire ci, faire ça.
Les enfants sont comme nous très occupés.
Pour l’enfant, la détente passe par le jeu libre.
Ce jeu libre lui permet :
2/ Découvrir son corps :
Les premiers jeux, comme se balancer,toucher ses pieds, saisir des choses, sont une manière de s’approprier son corps,de chercher ses limites
3/ Comprendre son environnement matériel:
Il va s’approprier le monde qui l’entoure en touchant, léchant, jetant…
4/ Comprendre son environnement social :
Ils vont pouvoir mettre en acte.
5/ Renforcer ses compétences :
Par exemple, en jouant, le bébé va pouvoir vérifier que quand il lance son hochet, il fait du bruit… il peut vérifier les propriétés des objets
6/ S’exprimer :
En jouant, l’enfant peut exprimer librement sa colère, son incompréhension, son amour…
Mais nous devons faire attention à ne pas toujours interpréter le jeu de l’enfant ; il n’a pas toujours les mots pour s’exprimer, donc il met les choses en acte (exemple : si un enfant qui va avoir un petit frère ou une petite soeur jette un poupon dans la poubelle en jouant, c’est peut-être pour exprimer tout simplement ses
angoisses, et non pas par violence ou agressivité…)
Il faut donc lui laisser cet espace pour s’exprimer.
7/ S’affirmer.
8/ Développer sa capacité à être seul :
C’est important pour lui d’être autonome, de s’occuper seul. C’est dans cette aire de jeu qu’ il va pouvoir développer son autonomie.
9/ Rencontrer l’autre :
C’est dans le jeu qu’il va échanger, s’inviter, négocier…

Aujourd’hui, le jeu n’est pas quelque chose d’évident. Il y a beaucoup de stéréotypes autour du jeu : soit on le voit comme une simple occupation, un passe-temps ; soit on attend quelque chose de très (trop) éducatif. Mais le jeu détente, plaisir, n’est pas évident aujourd’hui !

(On attend généralement beaucoup des jeux « éducatifs ». Hors, dans les jeux de questions/réponses, on n’apprend pas forcément. C’est la mémoire à court terme qui intervient, donc souvent on retient la question, mais pas la réponse.
La garantie
d’apprendre quelque chose avec les jeux éducatifs n’existe donc pas !)

Qu’est ce que le jeu?
Jouer est une activité, si, si.
Johan Witzinga (historien néerlandais ayant étudié l’influence du jeu sur la culture européenne) donne comme définition du jeu : « Une action libre, gratuite, incertaine, improductive, fictive, hors de la vie courante, et pouvant absorber le joueur ».
Nous insisterons ici sur trois points : le jeu est une action libre, fictive, et l’enfant est acteur.
1/ Action libre :
L’enfant doit rester libre de choisir son jeu, et de s’arrêter quand il en a envie. On a tendance à recentrer l’enfant vers le jeu (« Tu viens juste de sortir les légos ; joue encore un peu avant de passer à autre chose… ») ; donc quelque chose qui était au départ un plaisir devient une contrainte.
2/ Action fictive :
Pour Freud, le jeu s’oppose à la réalité. Quand on joue, c’est pour de faux. »Le jeu, c’est du sérieux, mais c’est pour de faux ».
(ce n’est pas parce que l’enfant joue à la maîtresse sévère, que sa maîtresse est sévère !)
Le jeu est un moyen de prendre pouvoir sur son environnement, d’intervenir sur les autres et sur le monde ; donc attention aux interprétations ! ! Notre rôle n’est pas d’évaluer, ou d’interpréter ! !
3/ L’enfant est acteur :
Il faut laisser l’ enfant acteur dans le jeu, donc attention à ne pas trop intervenir .
Quand l’adulte secoue le hochet devant le bébé, cela lui procure peut-être du plaisir, mais le bébé n’est pas acteur !
Il est important aujourd’hui de redonner cette place d’acteur à l’enfant.

Comment laisser jouer l’enfant?
Pour pouvoir laisser jouer l’enfant, il faut respecter et permettre le jeu plaisir, et respecter les besoins et rythmes de l’enfant.
Le professionnel doit donc sécuriser (les lieux, mais aussi l’enfant). Pour ceci, on propose un cadre ludique (notion développée par Odile Perino, directrice de Quai des Ludes, centre du jeu et du jouet à Lyon) ; c’est à dire que nous devons :
A/ Choisir des jeux et jouets adaptés aux compétences des joueurs
B/ Aménager des espaces
C/ Réfléchir au rôle et à la place physique de l’adulte
D/ Penser au temps : il faut légitimer le jeu dans le temps. Il est important de
prévenir les enfants quand on va bientôt s’arrêter de jouer.
(Imaginez que vous êtes installé confortablement, en train de livre un roman qui vous passionne, et que brusquement quelqu’un vient vous retire le livre des mains, en vous disant que c’est terminé…).
Même si l’enfant n’a pas de notion du temps, en entendant régulièrement 10mn ; 5mn… et en vivant ce temps, il prendra conscience de cette notion.

Pour le choix des jeux, il existe plusieurs catégories de jeux : des jeux d’exercice/ jeux d’assemblage/ jeux
symboliques/ jeux de règles.
Ces jeux sont plus ou moins intéressants, selon le stade où en est l’enfant.

Reparlons donc de ces différents stades de développement.

STADE SENSORI-MOTEUR (0 à 2 ans) :
L’enfant découvre son corps (jeu avec les mains…), puis son environnement (toucher, goûter, lâcher…). C’est pendant ce stade (stade important), que se développe la permanence de l’objet ; d’où l’importance des jeux de coucou-caché.
Pendant ce stade, l’enfant est intéressé par les jeux d’exercice, de manipulation, et les jeux sensoriels.

STADE DU MODE REPRESENTATIF (2 à 6 ans) :
A cet âge, l’enfant se représente les objets ou les situations, même s’il ne les vit pas, s’il ne les a pas sous les yeux.
Par exemple, quand un enfant donne le biberon à un poupon, et que personne ne le fait à côté à ce moment là, c’est qu’il en a la représentation.
Entre 2 et 6 ans, l’enfant se décentre, et conçoit que les autres ont un autre point de vue que lui. C’est donc à ce moment-là qu’il construit sa différence, sa personnalité et qu’il rentre en contact avec les autres ; d’où le développement du langage.
C’est la période des jeux symboliques.

STADE OPERATOIRE (6 à 12 ans) :
Vers 6/7 ans, c’est le stade opératoire concret ; l’enfant a la capacité de faire une action en pensée(cf. les problèmes de maths à résoudre : » J’ai 3 billes ; j’en gagne 4 ; combien j’en aurai… ».)
C’est la période des jeux de règles, et des jeux d’assemblage, même si ces derniers se retrouvent à tous les stades ; prenons l ‘exemple des kapplas :au stade sensorimoteur, le bébé verse, mâche, jette / au stade opératoire l’enfant construit une route ou un mur / au stade formel, il lit un plan et reproduit le modèle…
A 10/12 ans, c’est le stade des opérations formelles : l’enfant est capable de faire des hypothèses et des déductions : anticipation / hypothèses / déduction.
Tout ceci est le fruit de la maturité cognitive.

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Le COL (Classement des Objets Ludiques) est un outil qui permet aux professionnels de mieux connaître les jeux et les jouets.
– Pour faire des propositions adaptées aux compétences des joueurs.
– Pour ordonner les espaces de jeu.
– Pour ranger les jeux et les jouets.

Voici, les différents types de jeux:

JOUETS POUR LE JEU D’EXERCICE :
(Jouets d’éveil sensoriel, de motricité, de manipulation)
 Action / réaction : j’appuie sur le bouton / le klaxon sonne…c’est ce qui fait jeu sur les enfants (je secoue le hochet, et il fait du bruit…)
Les enfants adorent les répétitions ; en répétant, ils sont dans une recherche de stabilité, pour mieux maîtriser ce qui les entoure.
 Eprouver son corps, le découvrir, le maîtriser, c’est important pour mieux se contrôler.
 Jouer avec ses sens : sentir, toucher, goûter… C’est pour ça qu’ils jouent avec les emballages : on peut rentrer entièrement dans le carton ; mettre à la bouche…

Exemples de jouets intéressants :
– le skwisch : une sorte de hochet/polygone en volume, fait de boules et d’élastiques que l’enfant peut étirer, déformer, aplatir…
– la boîte à formes.
– les porteurs, et les objets à tirer.

L’Espace de jeux d’exercice :
Un tapis confortable ; un espace aéré, pas trop d’objets ( on devrait proposer 1 jouet et demi par enfant accueilli sur le tapis de jeu, pour les plus petits), de préférence pas de barrière, un adulte présent auprès des enfants et une diversité de proposition dans les jouets.
L’enfant a besoin du regard de l’adulte quand il joue, et de la parole pour être rassuré.

skwischJOUETS POUR LE JEU SYMBOLIQUE ::
(Jouets de rôle, de mise en scène, de representation)
¤/ Différentes sortes de jeux symboliques :
1. Jeux de rôle : se mettre à la place de quelqu’un d’autre pour prendre du recul ;
Exemple de jeux intéressants :
– Le poupon.
– Les déguisements
– Accessoires : mallette de docteur…(de préférence avec des accessoires qui ressemblent à des vrais)
2. Jeu de mise en scène : fête foraine, château fort, garage… où il y a de nombreuses possibilités de manipulation pour les enfants
3. Jeux de représentation : ardoise magique ; aquadoodle…

Mise en place, installation du jeu :
= Il est important de choisir un thème : il n’est pas judicieux de mettre tous les jouets ensemble ;
il vaut mieux choisir un thème : dînette et aliments ; ou table à langer, baignoire et accessoires…mais tout ensemble
NB :la présence du poupon est indispensable, car l’enfant a besoin que quelqu’un prenne son rôle.
= L’espace doit être aéré ; l’enfant a besoin de bouger
= Il doit y avoir un adulte en périphérie : l’enfant nous sollicite beaucoup dans le jeu, et on peut facilement, sans s’en rendre compte, prendre le rôle de « meneur » en induisant des choses (« J’ai assez bu de café ; j’aimerais bien manger quelque chose… » ce qui induit que l’enfant va encore faire pour nous, et nous solliciter).
On peut donc proposer à l’enfant de servir quelque chose à un autre enfant, ou à un poupon.
Car à trop jouer le jeu, on peut stopper le jeu !
= Il faut une variété d ’accessoires, mais pas en grand nombre (4 assiettes
suffisent ; pas besoin de 10)
NB : Il est intéressant de délimiter l’espace de jeu, sur un petit tapis ou sur une table par exemple, pour créer des espaces.

I-Grande-13742-poupee-bebe-rose.netLES JEUX D’ASSEMBLAGE:
(Jeux de construction, d’agencement, d’expérimentation, de fabrication)
L’enfant peut construire, mais aussi déconstruire. En effet, quand on déconstruit, on fait une transformation, on intervient sur son environnement.
Exemples de jeux: Duplo, clipo, laçage, encastrement.

clipo-hippoLES JEUX DE RÉGLES :
(Jeu d’association, de parcours, d’expression, de combinaison, d’adresse et de sport, de reflexion et de statégie, de hasard, de questions réponses)
Pour ces jeux là, l’enfant ne peut pas jouer seul ; il a besoin de l’adulte.
C’est mieux de jouer en petit groupe qu’avec beaucoup d’enfants (les tours sont plus rapides, l’enfant attend moins).
L’enfant doit être acteur.
Il existe des jeux de hasard/ de mémoire/ des jeux coopératifs/ des jeux d’association (loto, mémory…)

Quels jeux de règles pour la petite enfance?
Les jeux de hasard
Les jeux coopératifs
Les jeux de mémoire
Les jeux d’association
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Nous avons terminer la conférence en parlant des principaux moteurs ludiques du jeune enfant qui sont:
– Les découvertes sensorielles et motrices.
– Le vider-remplir, dedans-dehors.
– La Maitrise.
– La répétition.
– La causalité.
– Le coucou caché.
– L’imitation.
– Le pouvoir.

Une conférence passionnante qui m’a presque donné envie de faire une formation au centre national de formation aux Métiers du jeu et des jouets, moi qui rêve d’ouvrir ma propre structure dans le domaine de la petite enfance… Pourquoi pas une ludothéque?

Krokette

Mon blog: Life is like a kinder surprise