On l’aura toutes compris, l’élément indispensable de toute grossesse, c’est l’information. Pas un article ne passe sans que ce mot soit dedans, ou alors dans les commentaires. On n’a que ce mot à la bouche, souvent d’ailleurs pour en déplorer le manque.

Attention pavé, je sens que je vais m’étendre un peu sur le sujet, mais je vais essayer de catégoriser mon article.
Dans un premier temps, je vais vous présenter les deux bouquins principaux qui m’ont appris ce qu’il me fallait savoir sur ma grossesse (oui, même médecin, j’entrais dans un monde parfaitement inconnu), et quelques autres bouquins mineurs (le jour où on a appris ma grossesse, mon mari et moi avons dévalisé la librairie ! :P ).
Ensuite, je parlerai un peu de la manière de recevoir les informations, et de certains petits actes faciles que chaque femme enceinte devrait accomplir pour se faciliter la tâche.
Et enfin (et c’est là que j’ai un peu peur de vos réactions), je parlerai du fossé parfois difficile à franchir entre les attentes des patientes et la réalité. Fossé que j’ai repéré en majorité sur le blog « mon corps, mon bébé, mon accouchement » et leur défi de 1000 témoignages « pour une naissance respectée ». (Soit dit en passant, le terme de respect dans ce contexte est ambigu et me hérisse le poil, j’y reviendrai sûrement).

Avant de commencer, j’aimerais attirer votre attention sur ma situation du moment : je suis à 2 doigts (au sens figuré ET obstétrical du terme) de filer à la maternité pour accoucher, entre maintenant et le 26 mars au plus tard, jour d’un éventuel déclenchement si rien ne se passe avant. Je sollicite donc votre indulgence dans le cas où je laisserais vos commentaires sans réponse. Les réponses viendront, je le promets, je ne garantis juste pas du tout le timing.

Maintenant que tout est clair, allons-y !

1ère partie : les bibles de ma grossesse.

Comme je l’expliquais plus haut, j’en ai eu envie avant même d’être enceinte, mais je ne l’ai fait qu’après. Dès que j’ai annoncé ma grossesse à mon mari (à peur près 10 secondes après l’avoir su moi-même), et après le légitime moment d’ahurissement total, scotchés par la nouvelle, mon mari et moi avons pris la voiture pour dévaliser deux grandes librairies. Je crois que nous en sommes sortis avec 9 livres (en fait pas tout à fait, il y en a 3 que j’ai acheté plus tard, mais bon, je vous la fais courte) !
Faut être honnête, c’est beaucoup, beaucoup trop !!! Ca ne sert à rien, si ce n’est à se paumer complètement, à ne plus savoir où donner de la tête et même éventuellement à se sentir coupable parce qu’on aura jamais eu le temps de lire tout ça.
Mais enfin, du coup, j’ai pu voir lesquels étaient les plus digestes, et les plus informatifs, sans tomber d’un extrême à l’autre. Et pour permettre à de futures mamans d’y voir plus clair, j’ai eu envie de vous donner un petit aperçu de mes indispensables, du coup.

j'attends un enfantEn tout premier, je savais que je l’achèterais, c’est d’ailleurs le seul livre que je connaissais vraiment (enfin le titre et l’auteur) avant de tomber enceinte. Le fameux livre de Laurence Pernoux « j’attends un enfant ».
Pour être honnête, le livre m’a paru initialement bien fait, avec de grands chapitres bien séparés, écrit très lisiblement, pas trop indigeste, illustré, complet et agréable à lire… Mais pas du tout fait pour moi ! Je suis médecin, je connais quand même les faits de la grossesse, je sais comment on fait les bébés, comment ils grandissent dans le ventre… Et le livre me rabâchait mes cours et mon savoir, vulgarisés qui plus est ! Je reste intimement persuadée que c’est un très bon livre, indispensable aux mamans qui n’ont pas ce savoir, il est réédité chaque année et la raison de son succès est bien compréhensible. À lire, donc, le principe du découpage comme il est fait c’est qu’on l’ouvre où on veut, on le referme quand on veut et on le réouvre après.

3111 « Attendre bébé… autrement, ressources pour une grossesse naturelle ». Un livre collectif, bourré de références bibliographiques qui permettent d’aller plus loin, des liens internet, des numéros de téléphone pour en savoir plus. Un livre qui donne vraiment confiance, et qui présente bien tous les aspects, toutes les alternatives, sans vraiment pousser dans une direction. J’ai beaucoup aimé leur manière de permettre à la lectrice de s’imaginer une grossesse naturelle, sans qu’elle soit nécessairement suivie par une sage-femme libérale, sans que ce soit nécessairement un projet d’AGN ou d’AAD (ce qui n’est pas possible ni partout ni pour tout le monde). On adapte le tout à sa propre personnalité.
Des différentes méthodes de préparation à la naissance, des différentes possibilités d’accouchement, un découpage en trimestres, des témoignages et des poèmes, et des chansons… Un vrai plaisir à lire ! Il a vraiment été MA BIBLE !!
Petit bémol, le côté médical, pratique, matérialiste, les questions terre-à-terre, tout ça ne trouve pas vraiment de réponse ici, il n’est pas suffisant pour une première grossesse à mon sens. À compléter soit par des questions posées à un professionnel ou une personne qui saura y répondre (mais y a beaucoup de questions je pense) ou par un livre plus terre-à-terre, comme éventuellement celui de Laurence Pernoux.

1007314-gf Finalement je suis un peu dans le faux quand je dis que « attendre bébé… autrement » a été MA BIBLE. Parce que j’en ai une seconde, de bible, découverte sur le tard, qui m’a été prêtée par mon ostéopathe et que j’ai fini par m’acheter, après avoir constaté qu’il est génial. C’est « bien-être et maternité », du Dr Bernadette de Gasquet.
Le premier truc bien, dans ce bouquin, c’est qu’il est écrit par un médecin, et que donc il prend très bien en compte la réalité des maternités, le truc que même si on aimerait bien parfois, il n’est pas toujours possible de changer, et elle adapte donc ses conseils en fonction. Tous ses conseils sont applicables, quel que soit le mode d’accouchement que vous aurez choisi, quelle que soit votre situation de grossesse (j’ai pu faire pas mal de choses alitée en menace d’accouchement prématuré, par exemple).
Pour le coup je voudrais vous mettre un petit extrait (je ne le ferai pas pour tous les livres), expliquant merveilleusement bien la respiration, le périnée, et la poussée lors de l’accouchement. 3379994631 Le principe étant d’expirer en partant du bas : on serre le périnée, puis les abdos inférieurs et on sent remonter le diaphragme. Pour inspirer, ya plus qu’à se détendre. C’est le tube de dentifrice bien vidé. Si on serre du milieu du ventre (comme on a tendance à le faire « naturellement » – ou plutôt par habitude que naturellement), la poussée se fait dans les deux sens, on perd la moitié de la force et l’autre moitié fait pression sur le périnée. D’un autre point de vue, le jour de l’accouchement, si on fait pression sur le ventre, on pousse vers le bas et en même temps vers le haut, on bousille la moitié de son énergie qui ne sert à rien.
(l’extrait, c’est juste l’image, le reste c’est moi qui paraphrase)
Ce bouquin est une mine d’or d’exercices pratiques (ce qu’on n’a peu voire pas dans les autres), illustrés, avec témoignages et « discussions » type questions-réponses sur les exercices, ce qui permet de vraiment mieux les comprendre. À s’acheter, emprunter à la bibliothèque ou se faire prêter. S’il n’y en n’a que deux à avoir, c’est celui-ci et le précédent. Avec celui-ci, il est possible d’acheter « accouchement – méthode de Gasquet » qui cible les différentes positions de travail et d’accouchement. Je l’ai acheté, parcouru, et finalement c’était bien mieux de le travailler « en pratique » avec la sage-femme qui me faisait la préparation à la naissance. la méthode de Gasquet est une formation SF reconnue et très développée, il n’y aura pas de difficulté à trouver une SF formée pour vous expliquer. Sinon en livre c’est pas facile. J’ai aussi acheté « en pleine forme après bébé » du même auteur, j’avoue qu’il me fait un peu peur parce qu’un peu alarmiste sur le périnée et un peu extrémiste sur la méthode à suivre (comme rester au maximum couchée pendant 21 jours après l’accouchement, c’est bien gentil, mais en pratique j’ai des obligations qui vont rendre ça difficile à tenir, comme un déménagement, ou 2 fois 10 heures de voiture pour aller rendre visite à un parent mourant, qu’il puisse voir le bébé avant de partir)… Une fois qu’on a passé ce côté alarmiste, il est quand même intéressant. Mais dans la majorité des cas (elle a encore sorti plusieurs autres bouquins du genre, comme « périnée, arrêtons le massacre »), tous ses « petits livres » ne sont que des développements d’un chapitre suffisant du gros, donc le gros livre devrait suffire, franchement.

Les deux autres livres que je me suis achetés pour moi sont « livre de bord de la future maman », de Marie-Claude Delahaye, et « le guide de ma grossesse au naturel », collectif. Par très intéressants, on peut bien s’en passer, je ne les ai que parcouru au début, et ils sont restés rangés dans ma bibliothèque.

51KPmNQ5hRL._SL500_AA300_Pour Papa, on lui a acheté « devenir père » de René Frydman, qu’il a parcouru, intéressé, mais surtout « Devenir papa pour les nuls », qu’il a dévoré !! La collection pour les nuls a des bons et des mauvais bouquins, mais celui sur la paternité est visiblement extra ! Ponctué de témoignages, de conseils terre-à-terre très pratiques, de traits d’humour, il permet à Papa de pas mal savoir à quoi s’attendre… Lui qui est un trouillard du milieu médical, je l’ai vu se détendre peu à peu sur le sujet, et savoir quelles questions poser à nos interlocuteurs tout au long de la grossesse. Je le recommande donc chaudement !

2ème partie : Où trouver l’information qu’il manque ?

C’est un peu simpliste à dire, mais en lisant des témoignages, et en parlant avec d’autres femmes enceintes, même à mes cours de préparation à la naissance, je me rends bien compte que le trait de caractère « grande gueule » n’est pas si répandu que ça, et que s’il pose parfois problème dans la vie personnelle, pour le coup il m’est bien utile !

Il faut tout simplement poser ses questions, ne pas en avoir honte (je suis médecin, et j’ai un jour osé poser la question qui me faisait peur et honte : « en soulageant mon ventre avec une bouillotte, au tout début de grossesse alors que bébé est minuscule et fragile, est-ce que je ne risque pas de… le cuire ? »… J’avais peur de faire un « oeuf dur », ce qui est ridicule, je le savais, mais j’arrivais pas à m’empêcher d’en avoir peur. Ben médecin ou pas, oui on a rit (ensemble et sans moquerie) mais on m’a rassurée et c’était le plus important. Moralité, y a pas de question idiote, si elle vous turlupine, faut la poser). Attention, les poser avec respect et compréhension, accepter les réponses même si ce ne sont pas celles souhaitées, et si l’interlocuteur n’est pas dans votre état d’esprit, parce que c’est sujet à polémique ou qu’il n’est pas formé dessus, accepter de ne pas lui en vouloir et demander plus tard à quelqu’un d’autre…
Je pense qu’on peut parler de tout, avec tout le monde, en respectant ce principe de base : respect, compréhension, et acceptation. Comme l’a dit quelqu’un la semaine dernière, le mieux pour avoir les informations, c’est de multiplier les interlocuteurs. Et ça tombe bien, pendant la grossesse, surtout si on suit le parcourt « classique », on les multiplie, les potentiels interlocuteurs !!

Bon, par contre il y a un souci quelque part, que tout le monde connait bien, c’st le temps et la disponibilité des professionnels de santé. C’est chiant, autant pour eux que pour vous (je peux le dire pour avoir été de chaque côté de la barrière), mais on ne peut rien y faire. Le système de santé n’est pas très sympa pour ça.
Les gynécos d’hôpital, par exemple, sont à la fois responsables de leur consultation, du service, des urgences et parfois même du bloc, en même temps. Donc on prend inévitablement du retard, qu’on essaye inévitablement de combler, et ça tombe forcément sur les consultations de suivi, qui sont les moins graves.
Par contre, je peux vous donner quelques pistes pour contourner ce problème… ;)

Déjà, évitez le travers le plus désagréable qui soit pour un professionnel de santé, la fameuse question de poignée de porte. C’est un travers facile à prendre, d’autant que les patients le prennent par respect, grosse erreur !
En gros la patiente se dit « bon, je la laisse faire ce qu’elle a à faire (dans mon exemple c’est UNE gynéco, du coup), et ensuite je pose mes questions ». Le ensuite correspondant plus ou moins à la poignée de main ou la poignée de porte, donc la toute fin de la consultation, quand déjà elle vous a consacré 11 minutes au lieu de 10 et qu’elle se met en retard. Résultat, elle est frustrée, énervée, le montre ou pas, mais en tout cas répond au lance-pierre, une réponse toute faite pas personnalisée, et remet le reste à la prochaine fois.
Donc mauvaise idée.
Si la question est spécifiquement pour votre gynéco, le must c’est d’avoir fait une petite liste AVANT la consultation (liste de questions qu’elle est la seule à pouvoir répondre, sinon la liste s’allonge et plus de trois questions d’un coup, on repart au même travers), de la lui signaler au début de la consultation, comme ça on peut en parler en même temps que les gestes techniques sont fait, ou à la place d’autre chose, elle peut organiser son temps de consultation en fonction, et pas de mauvaise surprise.
(bon, si vous tombez sur une peau de vache, c’est pas mieux, hein, mais c’est pas obligé)

Sinon, privilégiez le fait que vous avez PLEIN d’interlocuteurs à votre disposition. En fonction des thèmes de vos questions, par exemple :

une question sur le déroulement de votre accouchement ? Les personnes les mieux placées pour répondre sont les sages-femmes de la salle de naissance de votre maternité. Parce qu’elles sauront dire ce qui se fait spécifiquement chez elles, ce qui est négociable et ce qui ne l’est pas (les maternités ont des règlements, pas tous les mêmes, et ce n’est pas parce qu’une copine ou votre SF libérale vous a dit qu’un point était négociable qu’il le sera en réalité le jour J). Vous pouvez leur téléphoner, et demander un RDV, l’occasion aussi pourquoi pas de visiter la salle de naissance pour vous familiariser avec les lieux… Certaines maternités n’accepteront que si vous téléphonez juste avant de venir, pour vérifier qu’en effet à ce moment elles ont une salle libre à vous montrer, et une SF libre pour vous parler. La plupart du temps, elles vous consacre suffisamment de temps pour répondre à tout. C’est aussi le moment, si vous souhaitez faire un projet de naissance, de l’avoir rédigé au brouillon avant et de voir ce qui peut se faire / ce qui se négocie / ce qui ne pourra pas se faire. Vous évitez la sensation de non respect de vos volontés le jour J, si vous savez pourquoi ça ne se fait pas ici…

une question sur la péridurale ? Normalement votre RDV d’anesthésie (indispensable, faites-le même si vous ne souhaitez pas de péridurale, vous ne savez jamais si vous n’aurez pas besoin d’une intervention quand même, ou même si vous ne changerez pas d’avis au dernier moment) dure un certain temps, il est justement fait pour ça. Posez vos questions, encore une fois en les ayant noté sur un papier pour ne rien oublier, et n’ayez pas peur des questions bêtes. Ils ont vu pire, je vous le garantis !

une question que vous ne savez pas catégoriser, vous ne savez pas à qui la poser ?Là, il y a une personne à qui on pense trop rarement en cas de grossesse, et même de petite enfance, mais qui est parfaitement au point pour ça (ou au minimum, si sa pratique fait qu’il a un peu oublié, il saura vous guider et vous conseiller un interlocuteur, ou se renseigner lui-même devant vous), votre MEDECIN GENERALISTE ! Sachez qu’après le 5ème mois de grossesse, toutes vos consultations sont remboursées à 100%. Prenez donc un RDV, sans problème médical, juste pour vos questions. Vous aurez 20 minutes rien qu’à vous, éventuellement renouvelables si besoin, et ça ira mieux après. Un médecin ne soigne pas que des maladies avec des médicaments, mais aussi des mal-être avec des mots, et pour une femme enceinte, c’est essentiel ! Ne l’oubliez donc pas, à moins d’un manque de confiance (et dans ce cas, changez-en vite), vous n’avez aucune raison de ne pas aller le voir.

– Et puis pour celles qui le peuvent ou le veulent, il y a les doulas, les copines, les mamans, une SF libérale…

3ème partie : Entre mes attentes et ce qu’il va vraiment se passer…

Là il s’agit d’un avis vraiment personnel sur le sujet, mais je sais que je ne suis pas la seule à le penser, notamment en milieu « médico-maman » (maman et professionnel de santé).

Quand je lis les témoignages de ce blog, « mon corps, mon bébé, mon accouchement », j’avoue ressentir parfois un malaise impressionnant.
J’y ai lu des phrases comme « la naissance de mon fils a été horrible, je n’arrive pas à y repenser sans déprimer » (la phrase est réécrite approximativement et de mémoire, je ne peux absolument pas dire qui c’était ni même si ce n’était pas un mix de plusieurs témoignages), ça me trouble profondément. Nul doute que la jeune femme en question ressent réellement ce qu’elle décrit. Nul doute qu’elle s’est réellement sentie dépossédée de son accouchement, que celui-ci a été difficile à vivre. Mais tout le monde a vécu des histoires de santé difficiles à passer, des interventions médicales effrayantes, que ce soit sur soi ou son entourage. Et pourtant je ne vois pas ce genre de témoignage à propos de chimiothérapies, de chirurgies, de longue rééducation, qui peuvent aussi mal se passer. Non, les obstétriciens ne sont pas moins respectueux que d’autres chirurgiens.
Alors pourquoi ce malaise, vis-à-vis de l’accouchement ?

Je n’ai pas encore publié ce billet que je sens que ma question et ma comparaison choquent. C’est volontaire. L’explication vient après.
En fait depuis toujours j’entends dire, à tort ou à raison je ne sais pas, j’ai l’impression que, comme le dit Florence Forresti dans son sketch « mother fucker », c’est un peu de la propagande, mais toujours est-il que rapporter l’accouchement au « plus beau jour de sa vie », c’est ce qu’on entend toutes, c’est ce qu’on aimerait toutes. C’est vrai quoi, c’est le jour de la naissance de son bébé, qu’on a attendu au moins pendant 9 mois, c’est le jour où on devient Maman (c’est encore plus vrai pour la première fois), c’est le jour où la vie change et prend un nouveau sens… Mais pour autant est-il obligé d’être le plus beau jour de la vie ? On va souffrir (que celle qui n’a eu aucun mal lève le doigt), oui pour une bonne raison mais ça va quand même faire mal, ce sera fatigant, épuisant, même, ce sera une rupture dans un monde bien ordonné, le corps ne va pas tout comprendre, on va d’un coup passer de la plénitude de la grossesse au vide de son ventre flasque, il va y avoir du sang, des glaires, on va probablement se pisser ou se faire caca dessus… Tout ça, magnifiquement glamour, me permet d’être certaine que non, le jour de mon accouchement ne sera pas le plus beau de ma vie. Il aura une grande signification, je ne l’oublierai jamais, mon bébé sera un vrai trésor, mon homme un roc et un ange gardien, mais ce n’est pas l’acte de l’accouchement qui sera important là-dedans. Et de fait de cette certitude, je pense que je suis moins à risque de prononcer ce genre de phrase (j’espère d’ailleurs que son bébé ne l’entendra jamais, cette phrase !).

Je crois qu’on se met, dans l’optique de l’accouchement le plus beau jour de la vie, une pression folle, incroyable ! Il faut accoucher avec le sourire, tout comme on l’a décidé. Et quand ça ne se passe pas comme ça, on en veut au monde entier et à soi-même. Et on ne dépasse pas ça. Et on se rend malheureuse, vraiment. Et le prochain accouchement, la prochaine grossesse, sera ponctué de terribles réminiscences. Et le risque est le cercle vicieux. Alors oui, on accuse le corps médical (en soi, je le comprends, si ça doit aider), parce que c’est un peu plus facile, mais malheureusement ça ne nous aide pas à guérir, je crois même bien au contraire.

Alors comment faire ???

J’ai parlé plus haut du projet de naissance. Je vais développer un peu le sujet. Je le crois indispensable à tout accouchement. On associe souvent dans l’esprit projet de naissance et naissance naturelle, physiologique ou alternative. Rien à voir !
Un des points de mon projet (personnellement) est d’être appelée par mon prénom (je ne me sens pas encore une madame, et puis on va passer plusieurs heures ensemble), ou encore que ce soit à mon mari que soit donné le bébé à sa naissance, et que ce soit lui qui me le présente. Rien de compliqué, rien d’alternatif là-dedans. Mais c’est juste comme ça que je vois les choses.
Un projet de naissance, ce n’est pas, comme on l’imagine facilement, dire à l’équipe « vous avez l’habitude de faire comme ça, mais c’est pas ce que je veux, je voudrais comme ça ». Non. Ou pas forcément. Un projet de naissance, tout le monde en a un. Dans son imagination, dans ses rêves, dans les histoires vues à la télé, lues ou racontées. On ne peut pas être enceinte (ou se savoir futur papa) sans imaginer la suite.
Et écrire un projet de naissance (ou le verbaliser, mais je recommande quand même fortement de l’écrire au moins un peu), c’est surtout avoir fait la démarche de savoir ce qu’on imagine, les petits trucs qu’on aimerait, ce qui nous fait peur… C’est terriblement sain !

Après, qu’est-ce qu’on en fait, de ce projet de naissance ? (qui, évidemment, est on ne peut plus personnel, rédigé avec le papa, et surtout surtout pas calqué sur celui d’une autre, juste parce que c’est très à la mode de demander pas d’épisiotomie et pas de collyre dans les yeux de bébé) Je sais que personnellement, j’ai fait un projet très différent de ceux réalisés habituellement : épisiotomie je ne m’y oppose pas (mon avis est personnel, ce n’est pas un avis de médecin, je suis généraliste et je n’y connais pas grand chose sur le sujet, chacune a le droit de s’y opposer ou non, selon les infos qu’elles ont et leurs peurs), les soins au bébé faites tout ce qu’il vous plait (pour 10 minutes de séparation, je sais que si bébé ne va pas bien après ce n’est pas à cause d’une décision que j’aurai prise), par exemple. Mais je l’ai écrit. Ça a d’ailleurs étonné (mais fait sourire) les SF à qui je l’ai montré, parce qu’elles ont l’habitude du projet de naissance « comme à la maison », où il est difficile de répondre à tout.
Donc qu’est-ce qu’on en fait, eh bien on en parle ! On en parle, on le fait lire, à tous et à tout le monde (enfin les gens utiles et les gens de confiance, pas besoin de le dire à la boulangère).
Aux professionnels, tous, parce que des fois les SF disent oui et finalement se retrouvent avec l’anesthésiste qui refuse. À chaque consultation avec des gens différents demander si on pourrait pas le relire ensemble. Notamment parce que les SF, en salle de naissance, c’est jamais les mêmes, et qu’on peut tomber sur une qui n’est pas d’accord avec ce qui ne posait pas de pb aux autres, parce qu’elle a une expérience différente ou qu’elle n’est pas formée à telle ou telle position par exemple. Pendant le monito, si long, par exemple !
On en parle aussi à son entourage de confiance parce que même s’il est très personnel, sur certains points c’est bon d’avoir des retours d’expériences ou de lectures. (Sur l’épisio, par exemple, on peut ne pas en vouloir jusqu’au jour où on apprend que, c’est très rare, mais une déchirure naturelle peut emprunter des trajets beaucoup plus handicapants et fonctionnellement graves, et après on fait sa propre balance bénéfice risque, qu’est-ce qui vous fait, à vous personnellement, le plus peur ?)
Bref, un projet de naissance, c’est personnel, oui, c’est intime, oui, mais ce n’est en aucun cas un secret à garder pour vous jusqu’au jour de l’accouchement où vous le sortirez comme une fleur. L’idée est la pire qui soit ! Pour vous autant que pour l’équipe.
Et en en parlant dès le début, d’ailleurs, vous pouvez aussi remarquer que la maternité choisie n’est peut-être finalement pas la bonne, votre projet est assez mal reçu par rapport à une autre, qui n’est finalement pas si loin… Parfois ce sera possible de changer avant d’accoucher (et parfois non, bien sûr : autre maternité trop loin ou inscription obligatoire fermée)… Et si non, vous aurez aussi tout le temps qui vous reste sur votre grossesse pour faire un travail dessus : est-ce que ce point là est si indispensable pour moi ? Il se passera quoi si ça se passe comme ils m’ont dit, pour moi ? Ce travail, j’en suis sûre, sera bénéfique.

Ce qui m’amène à mon deuxième point : Après le « il ne faut pas idéaliser son accouchement », vient le « il ne faut pas chercher à tout contrôler à tout prix ».
Je sais, la grossesse n’est pas une maladie, l’accouchement n’est pas qu’un acte médical, mais si quand même un peu. L’accouchement, c’est imprévisible. Vous voulez une péridurale, bébé arrive trop vite. Vous n’en voulez pas et finalement la douleur est insupportable et vous devenez votre propre bourreau en ayant dicté des règles qui ne vous conviennent plus. Vous vouliez accoucher dans l’eau, ou sur le côté, et vous vous rendez compte que ces positions ne vous conviennent pas. On vous a bien prévenu que la position gynécologique était anti-physiologique au possible, et pourtant c’est celle-ci qui vous convient le mieux. (à ce propos d’ailleurs cette phrase n’est pas toujours vraie, selon les arrangements que l’on y fait : Bernadette de Gasquet l’explique bien dans son bouquin, avoir une position sur le dos, mais respectant la physiologie de l’accouchement) … Bref, l’imprévu de votre accouchement est le seul truc prévisible. Quoi que vous décidiez, quelque chose va aller à son encontre, tout ne se passera pas exactement comme vous l’avez prévu.
Alors je pense qu’il faut s’y résigner dès le début. Oui, avoir des demandes, oui s’informer sur tout, mais accepter humblement que vous ne contrôlez pas tous les événements, et que, dans l’état où vous êtes le jour de l’accouchement, s’en remettre aux professionnels qui vous accompagnent et ont pour eux l’expérience et la tête froide n’est pas forcément une mauvaise idée.

Quel que soit le déroulement de votre accouchement, sauf drames, vous serez Maman à la fin, et c’est ÇA, et pas votre accouchement, qui est la plus belle chose de votre vie.

Enfin, comment s’en remettre quand ça ne s’est pas bien passé, quand malgré tout le zen qu’on a essayé d’y mettre, on en garde une pierre sur le coeur ? Pareil, tout passe par la communication. Vous avez 3 ou 4 jours à la maternité (sauf exceptions), et il peut être possible d’en profiter pour comprendre ce qui s’est passé. Tout est allé trop vite pour vous (même si ça a duré des heures), vous n’avez pas forcément tout bien compris, peut-être est-ce le moment, si vous n’arrivez pas à passer outre, d’en reparler. Eventuellement de revoir la sage-femme en question. Pas avec des reproches, pas pour lui dire « vous ne m’avez pas respectée », mais en lui expliquant que vous avez besoin de comprendre ses décisions. Vous ne reviendrez pas en arrière, mais comprendre, ça aide. Et ça peut prévenir la peur de la suite. Et vous parviendrez probablement à revivre ce moment en vous disant que oui, ct pas ce que vous vouliez, y avait mieux à faire, mais elle a dit que ct pour le petit, qu’elle avait peur pour lui, et même si je n’en suis pas convaincue ça fait du bien de savoir qu’elle avait ma santé et celle de mon bébé à coeur… Et si vous ne le faites pas de suite, vous pouvez peut-être essayer les jours ou semaines d’après. Ne laissez pas passer des mois, elle risque de ne plus se souvenir…
Votre dossier, vous y avez également droit. En le demandant avec gentillesse, on peut vous le photocopier, vous aurez accès à des faits que vous n’aviez peut-être pas compris, ni même connu (non, personnellement, je vais éviter de dire à une mère qui accouche que j’ai très peur du rythme cardiaque de son bébé, je vais préférer dire qu’il se fatigue… Cacher des choses, oui. C’est vrai. Mais dans son intérêt, pour éviter une panique qui ne l’aidera pas à pousser. Quitte, si elle le souhaite, à revenir dessus après). Il peut vous être utile si vous le relisez avec quelqu’un du milieu. Mais attention aux écueils du genre « oui, avec un rythme comme ça on peut encore attendre », parce que à froid c’est plus facile à dire… ;)

Dernier petit point, le fameux « accouchement non respecté…

On va peut-être dire que je chipote sur les mots (et c’est vrai, j’ai toujours été comme ça. On compte une quantité de mots dans notre dictionnaire, autant ne pas les utiliser pour des significations qui ne sont pas les leurs), mais ce terme de respect me choque.
Wikipédia nous dit :

Le respect (du latin respicere signifiant « regarder en arrière ») évoque l’aptitude à considérer ce qui a été énoncé et admis dans le passé, et d’en tirer les conséquences dans le présent. Il peut ainsi être question du respect d’une promesse, du respect d’un contrat ou du respect des règles d’un jeu. Dans ces exemples, le respect évoque l’aptitude à se remémorer le moment dans lequel un individu s’est engagé, respectivement, à tenir sa promesse, à satisfaire aux conditions du contrat, ou à se conformer aux règles du jeu.
Le respect appliqué à un individu prend un sens plus proche de l’estime, et s’appuie sur l’aptitude à se remémorer les actes auparavant accomplis par un individu, lorsque ceux-ci sont dignes d’être reconnus. Le respect ne doit pas être confondu avec la tolérance, car celle-ci n’a pas les mêmes motifs, et contrairement au respect, elle n’est pas incompatible avec le mépris.
Il est dit du respect qu’il se mérite ou se gagne.

Pour le coup, le mot n’est pas forcément mal employé. Si on parle de l’accouchement non respecté comme d’un accouchement où les demandes formulées n’ont pas été satisfaites.
Mais ça me gène, parce qu’on confond facilement le respect d’un acte ou d’une parole avec le respect de l’individu, l’estime. Et pour le coup c’est tellement faux !!
Je voulais juste soulever ce point. Si vous estimez que votre accouchement n’a pas été respecté, dans le vrai sens du terme, n’en déduisez pas forcément que vous n’avez pas été respectée, qu’il n’y avait aucun respect à votre égard. Les demandes peuvent ne pas être satisfaites pour des milliers de raisons, et ça n’aurait rien à voir avec un potentiel mépris pour vous, la patiente, le numéro de dossier, comme vous auriez pu le penser…

Voilà mon pavé de réflexions terminé, je souhaite à toutes les futures mamans un accouchement serein, et surtout de savoir s’en remettre sans traumatisme, quoi qu’il se soit passé.

DocnMama

PS : Je comprends que tout ce que j’ai dit au-dessus puisse être invalidé par un abruti, qu’il soit gynéco, médecin, SF, ou n’importe qui d’autre, qui n’aura pas su communiquer avec vous malgré toute votre volonté, et vous aura traité comme une merde. Pour le coup, ça existe aussi, comme partout, mais je ne crois pas qu’à lui (eux) seul(s), ils invalident ma réflexion. C’est pourquoi les commentaires comme « oui mais moi j’ai donné mon projet et il avait été accepté et finalement ça s’est quand même mal passé », je ne peux pas dire que je ne les accepterai pas, parce que je n’en n’ai pas ce pouvoir, mais je ne les trouverai pas bien constructifs… Oui, malgré toute notre bonne volonté, ça peut ne pas bien se passer, ça peut même ne pas se passer dans le respect de l’individu. Mais ça vous n’y pouvez rien et moi non plus, le but de mon article est de vous aider soit à planifier un accouchement serein sans pression sur vous-même ou l’équipe, soit à surmonter le traumatisme d’un accouchement qui s’est passé à l’opposé de ce que vous souhaitiez. Pas de changer le monde ou de fustiger ceux qui, s’ils sont si cons, de toutes façons s’en foutent.
Pour ceux-là, comment surmonter ? Ben tout simplement s’ils sont cons ce n’était pas de votre faute, il vous suffira de ne pas retourner voir ceux-là, je vous rassure, pour en avoir beaucoup fréquenté, la population médicale n’est pas encore envahie, les cons restent minoritaires.

EDIT : Contrairement à mon souhait, j’ai choqué, voire blessé et culpabilisé certaines mamans qui ont mal vécu leur accouchement et qui se voient, dans mon article, refuser de parler de leur traumatisme. Je tiens à m’excuser de cela et rectifier mon propos : Je ne souhaite absolument pas demander à ces femmes d’arrêter de se plaindre, de relativiser ou encore de prendre leur mal en patience. Le mal a été fait, et en guérir est difficile, et ce n’est certainement pas en les bâillonnant qu’elles surmonteront leur traumatisme.
Je ne souhaite qu’encourager la communication EN AMONT de toute cette douleur, la prévenir AVANT que le mal ne soit fait, pour les prochaines.
Pardon encore une fois de m’être mal exprimée, je suis vraiment de tout cœur avec vous si vous avez vécu un traumatisme.