joseph

La naissance du christ , Conrad von Soest, 1404 . On voit Joseph à genoux, au pied du lit, attiser le feu pour réchauffer la bouillie de l’enfant

Il y a quelques temps, je piochais dans la revue « Les collections de l’histoire » consacré à « L’enfant et la famille ».(juillet-septembre 2006) au sujet de l’histoire de la notion d’enfance. (voir le débrief sur « être parent c’est aussi prendre soin de soi« )

Dans cette même revue, se trouve aussi un article de Didier Lett, aujourd’hui Professeur d’histoire médiévale à l’université de Paris Denis-Diderot , intitulé « Les nouveaux pères » du Moyen Age.

Alors qu’aujourd’hui on considère comme très moderne que le père s’occupe de ses enfants, soit proche de ses enfants , par opposition aux préjugés de genre qui cantonnent les hommes dans un rôle de dominateur insensible, il est intéressant de constater que le « paternage » n’est pas si nouveau que ça.

Selon Didier Lett, la notion de tendresse paternelle existe dès le VIème siècle puisqu’on on parle de tendresse du père dans les règles de Saint Benoît :

« Saint Benoît (v480- v547), évoquant le rôle de l’abbé dans les monastères précise qu’il « doit varier sa manière d’agir selon les moments et les circonstances, joignant les caresses aux menaces, montrant tantôt la sévérité d’un maître et tantôt la tendresse d’un père».

L’interprétation faite dans les années 60 de la place du père par Philippe Ariès, viendrait du fait qu’il s’est basé sur des écrits « normatifs » (textes de lois et traités de pédagogie), alors que si on s’intéresse à l’iconographie, les images montrent des comportements plus proches des réalités quotidiennes.

Parmi les images religieuses, il y a celle de la nativité  (voir l’image insérée au début):

« Dans le domaine des images, certaines nativités représentent Saint Joseph allant chercher du bois pour allumer le feu qui va servir à réchauffer Marie et le nouveau-né, versant de l’eau dans le bain du bébé, réparant le soufflet, attisant le feu en soufflant sur les braises, préparant la bouillie, tenant l’enfant dans ses bras et le berçant, le prenant dans son lit, séchant ses langes. Ces représentations sont peu connues. Elles ont été souvent occultées par les historiens du XIXe siècle, peu enclins à montrer cette image paternelle qui les dérangeait.»

Quant aux scènes profanes, elles présentent les enfants accompagnant leur père dans ses travaux :

« Les petits ramassent les glands lorsque le père abat un chêne, effrayent les oiseaux dans les champs pendant que le père sème du blé, tiennent les pattes du mouton que l père tond, et aux vendanges veulent aider à fouler le raisin ».

A cette époque, il semble que le père s’intéresse autant à ses filles qu’à ses fils.

Beaucoup de textes témoignent aussi des larmes du père lorsqu’un enfant mourrait, ce qui était fréquent.

Et si les châtiments corporels étaient prônés, il semble qu’ils étaient rares.

« Dans les sources narratives, il est exceptionnel de voir un enfant frappé par son père – les rares cas d’enfants battus concernent presque toujours des orphelins « 

Voici aussi ce qu’on peut lire à propos du père au Moyen Age sur le site de la bnf :

« Le père est proche de ses enfants. Il a, prioritairement, la responsabilité de les élever et de les protéger, de les former à la vie noble ou de les initier aux travaux agricoles ou artisanaux. Filles et garçons l’accompagnent aux champs, aux vendanges ou au marché pour vendre les produits de la terre. Mais il partage aussi les fonctions féminines traditionnelles jusqu’aux plus humbles gestes de la puériculture. Dans les milieux populaires, en effet, il n’hésite pas à donner le bain aux bébés, à faire cuire leur bouillie et à les faire manger. Il prend part à leurs jeux, les surveille et les soigne quand ils sont malades. À chaque nouvelle naissance, le père est tout particulièrement sollicité, car la mère, rendue impure par son accouchement et les suites de couches, est soumise à une obligation sociale et religieuse qui la contraint à garder le lit entre trente et quarante jours après la naissance, jusqu’à ses « relevailles », sa purification à l’église. Pendant cette quarantaine, le père trop pauvre pour entretenir une servante – ce qui est le cas de la majorité des familles rurales ou artisanes – doit continuer son activité professionnelle tout en assurant la totalité des tâches domestiques : le ménage, les courses, l’épuisant approvisionnement en eau, la cuisine, sans omettre les soins des enfants déjà nés »

Donc finalement, l’image du père lointain et autoritaire ne va pas du tout de soi, comme on aurait tendance à nous le faire croire.

De quoi rassurer les « papas poule » dans leur légitimité.

A prendre aussi en compte dans les réflexions à avoir sur la place des hommes dans le choix ou non d’avoir des enfants, et leur éducation, dont je parle ici sur mon blog perso.

D’autres lectures :

Une bibliographie de Didier Lett en libre accès sur le site cairn. Info :
Annales de démographie historique 2001/2 (no 102) « Histoire médiévale occidentale » (on peut télécharger le pdf)

L’enfance au Moyen Age, sur le site de la bnf

 Images du père de famille au Moyen Age , Danièle Alexandre-Bidon , Cahiers de Recherche Médiévales et Humanistes, 1997

Phypa