On recommande de plus en plus aux femmes de consommer des suppléments nutritionnels pendant leur grossesse. En effet, plusieurs d’études reconnaitraient leurs bénéfices pour l’enfant à naître. On sait toutefois peu de choses sur l’impact que cela pourrait avoir sur la mère. Des chercheurs de l’Alberta ont donc voulu déterminer si la prise de suppléments pendant la grossesse pourrait diminuer les risques de dépression post-partum.
L’équipe a suivi 475 femmes enceintes pendant et après leur grossesse. À plusieurs occasions, on a demandé à ces mères si elles prenaient des suppléments alimentaires et, si oui, de quels types. On a également fait passer aux mères un bref questionnaire pour évaluer si elles étaient dépressives. Pour les besoins de l’étude, les chercheurs se sont concentrés uniquement sur les suppléments de vitamines, de minéraux et d’acides gras.
L’analyse statistique a donc révélé que la plupart des suppléments n’avaient pas d’impact significatif sur la dépression post-partum. En fait, seul le sélénium semblait important puisque les femmes qui n’en avaient pas consommé dans leurs suppléments prénataux avaient une fréquence de dépression plus élevée. Selon les chercheurs, leur étude ne serait pas la première à faire un lien entre la dépression et les taux de sélénium. Toutefois, on ne comprend pas encore bien le mécanisme qui pourrait expliquer cet effet.
À la lumière de ces résultats, les chercheurs croient qu’il serait important d’étudier plus à fond l’importance des suppléments pendant la grossesse, en particulier celle du sélénium.
L’étude, publiée le 16 janvier dernier dans la revue BMC Pregnancy and Childbirth, arrivait donc à la conclusion suivante :
Multiple factors, including supplementary selenium intake, are associated with the risk of postpartum depressive symptoms. Future research on dietary supplementation in pregnancy with special attention to selenium intake is warranted.
Que nous pourrions traduire par :
Plusieurs facteurs, incluant la prise de suppléments de sélénium, sont associés avec le risque de symptômes dépressifs. Des études futures sur la supplémentation nutritionnelle pendant la grossesse avec une attention particulière à l’apport en sélénium seraient justifiées.
Au-delà de la prévention de la dépression, cette étude m’a amenée à réfléchir sur la mode des suppléments pour femme enceinte.
Il faut souligner que plusieurs points faibles diminuent la portée de cette étude. D’une part, il y a le fait que les données recueillies sur la prise de suppléments proviennent des mères. Il pourrait en effet y avoir des différences entre les dires des mères et la prise réelle de suppléments. D’autre part, l’étude ne contient pas de données sur les niveaux sanguins de sélénium chez ces mères. On peut donc se demander si la prise de sélénium a vraiment un effet sur les quantités disponibles chez la mère.
Enfin, et c’est selon moi la plus grosse lacune, l’étude ne fournit aucune information sur l’alimentation des mères. Comme si ce facteur était sans importance! On étudie donc l’impact possible de carences nutritionnelles sans se soucier du rôle de l’alimentation. Encore plus curieux, on suggère simplement d’étudier plus en détails la supplémentation nutritionnelle pendant la grossesse mais on ne s’interroge pas sur les raisons pour lesquelles tant de femmes enceintes ne semblent pas en mesure de combler leurs besoins par leur alimentation.
À mon avis, il faut se questionner sur cette habitude de plus en plus tenace de suggérer aux femmes enceintes de consommer toutes sortes de suppléments. Pourtant, au cours de mes études universitaires, j’ai appris qu’un individu avec une alimentation saine et variée n’avait pas besoin de ce genre de produits.
Comment expliquer qu’on suggère de plus en plus aux femmes de prendre toutes sortes de suppléments alimentaires mais qu’on passe si peu de temps à les aider à améliorer leur alimentation? Ce serait pourtant un apprentissage qui leur servirait toute leur vie et qui profiterait aussi à leurs enfants. Devant cette étude, je ne peux m’empêcher de penser qu’il serait peut-être temps de revoir nos façons de faire lorsque vient le temps de guider une femme dans ses choix nutritionnels.
Maman éprouvette
Alors c’est marrant, concernant la dépression post-partum, mon gynéco (ultra branché nutrition) m’avait parlé de carence en omégas, pas en sélénium…
Quand je me renseigne vite fait sur les aliments contenant du sélénium, je trouve: le thon, le foie de veau, les rognons, les moules, les huîtres, le roquefort, etc. Bref, des tas de trucs qu’on nous déconseille de manger lorsqu’on est enceinte. Mais à côté de ça, il faudrait prendre des pilules pour combler les carences qu’on encourage en réglementant trop l’alimentation des femmes enceintes… C’est moi, ou on verse pas un peu dans l’absurde (voire le foutage de gueule) là?
En effet, il y a beaucoup d’absurdité dans cette médicalisation à outrance de la grossesse. On traite les femmes enceintes comme si elles étaient particulièrement fragiles (voire même malades) et on propose ensuite des traitements pour régler les problèmes ainsi créés.
Moi je dirais plutôt attention à la supplémentation spontanée pendant la grossesse car si les carences sont néfastes, les excès peuvent l’être tout autant. Et en effet une alimentation équilibrée permet d’assurer tous les apports dont maman et bébé ont besoin (donc inutiles les compléments alimentaires hors de prix qui n’apportent finalement pas grand chose)… sauf pour certaines vitamines (la B9 par ex et la B6 pour les maman nauséeuses) et certains minéraux comme le fer et le mg. Mais normalement le gynécologue est là pour veiller au grain.
Je suis tout-à-fait d’accord avec vous. Le problème est la supplémentation de routine. Il y a effectivement plusieurs situations où les suppléments sont utiles. Ils ne devraient toutefois pas être, selon moi, la première solution qu’on propose à une femme avec des problèmes de carences nutritionnelles.
C’est clair : le juste milieu, il n’y a que ça de vrai !
Et puis, je pense que la dépression post-partum est aussi (plus) liée à la situation personnelle de la mère, aux conditions d’accouchement, à si elle allaite ou pas (ou du moins si elle réussit un allaitement voulu ou si elle reçoit des conseils à la c*** qui le font échouer), etc.
Les chercheurs reconnaissent en effet que plusieurs facteurs ont un impact sur la santé mentale de la mère. Ils ont entre autres identifié: avoir des problèmes de santé chroniques, vivre plus de stress et avoir moins de support social. C’est sans compter tous les autres facteurs qui n’ont pas été analysés.
Vu le nombre de prises de sang qu’on fait enceinte, on pourrait peut-être en profiter pour surveiller les carences, non ?
Il faudrait voir la faisabilité d’une telle pratique (certains nutriments sont peut-être plus complexes que d’autres à mesurer et ça multiplie les manipulations pour le personnel de labo) mais ça pourrait être possible en effet. Ici, au Québec, on mesure déjà le taux de fer des femmes enceintes pour détecter l’anémie. Est-ce la même chose en France?
Par contre, lorsqu’on détecte une carence, on réagit comment? On planifie une rencontre avec une nutritionniste ou on prescrit un supplément immédiatement?
Malheureusement la prescription de suppléments passe en premier… dur dur d’être nutritionniste en France car c’est une profession encore trop peu reconnue!!!
Merci beaucoup de cette contribution aux Vendredis Intellos!! Bienvenue parmi nous!!!
Je suis personnellement toujours assez sceptique avec ces histoires de compléments alimentaires… un jour on nous en vante les mérites (voire même les dangers en cas d’abstinence) le lendemain on nous prouve leur inutilité ou la très faible assimilation de vitamines et oligo éléments présentés sous une forme très différente de la forme assimilable. Comme vous le soulignez, on ne s’interroge ni sur le régime alimentaire de la mère ni sur d’éventuelles autres prédispositions. Dernier point qui m’interroge: sur la base de quoi fixe-t-on les normes en matière de taux acceptables ou non? et dans quelle mesure ces normes intègrent-t-elles le métabolisme spécifiques de la femme enceinte?
Merci à vous pour votre invitation! Je suis très heureuse de me joindre à vous!
Au Canada, les apports nutritionnels de référence (ANREF) sont élaborés à partir des connaissances scientifiques disponibles au moment de leur estimation. Il s’agit de valeurs de référence pour les populations en santé et sont habituellement spécifiques à un pays en particulier. En effet, l’environnement et le mode de vie peut changer les besoins nutritionnels d’une population.
À partir des ANREF, on élabore les apports nutritionnels recommandés (ANR) qui sont l’apport nutritionnel quotidien moyen permettant de répondre aux besoins nutritionnels de la quasi-totalité (97 à 98 %) des sujets en bonne santé appartenant à un groupe donné établi en fonction de l’étape de la vie et du sexe. Ainsi, si l’apport est inférieur à l’ANR, cela ne veut pas nécessairement dire que l’apport est insuffisant pour cette personne. Toutefois plus on s’approche de l’ANR, plus les risques de carences diminuent. Il existe des ANR spécifiques pour les femmes enceintes et pour les femmes allaitantes.
Quand il n’existe pas assez de données pour établir l’ANR, on utilise alors le terme apport suffisant (AS).
Enfin, sur les étiquettes des aliments, on retrouve souvent des informations sur les valeurs quotidiennes recommandées. Celles-ci sont calculés à partir des ANR les plus élevés pour tous les groupes d’âges et de sexe chez la population de 2 ans et plus. Ces valeurs ne tiennent pas compte des besoins additionnels entourant la grossesse et l’allaitement.
Par exemple, pour le sélénium, la valeur quotidienne recommandée est de 50 microgrammes alors que l’ANR pour une femme enceinte est de 60.
En regardant toutes ces définitions et ces données, je ne peux m’empêcher de penser que le soutien d’une nutritionniste dans l’évaluation de l’alimentation peut être très utile!
Je rejoins Mme D. sur cette interrogation! En France, par exemple, lorsqu’on contrôle les taux de Vitamine D, ils sont sytématiquement trop bas. Personnellement cela m’interroge sur la façon dont les taux « normaux » sont établis?
De même, les taux des femmes enceintes en fer sont toujours en dessous des normes, et souvent, on diagnostique un peu vite une anémie qui causerait une fatigue (c’est la faute à l’anémie hein, la grossesse n’est pas une maladie, vous devriez être en pleine forme, voyons!) et on prescrit des suppléments en fer.
Mais, outre que les suppléments en fer sont plus ou moins tolérés et assimilés (quid de la constipation et des risques de prolapsus afférents par exemple?) certains font l’hypothèse que la baisse du fer serait bénéfique à la femme enceinte: elle compenserait la baisse de régime du système immunitaire et pourrait la protéger des infections.
A vouloir ignorer les signaux du corps (je veux / dois être enceinte mais travailler jusqu’au dernier jour!) et toujours rechercher la performance, on risque finalement de rendre les choses pire qu’elles ne sont…
C’est vrai que le système de santé a une approche très « pathologique » de la grossesse. On voit tous les changements dans la physiologie de la femme comme des problèmes à régler alors qu’il s’agit peut-être d’adaptions nécessaires à la poursuite de la grossesse. On oublie trop souvent que la gestation est un phénomène normal de la vie d’une femme.
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