Dans une interview donnée au Figaro le 16 octobre 2012 (http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/10/16/19301-reverie-ennui-sont-necessaires-lenfant), Martine Ménès, psychanalyste, explique que le désir d’apprendre est vital pour le nourrisson, mais que pour apprendre sereinement il a besoin d’une certaine stabilité de son environnement, de stimulations mais pas trop : l’ennui est aussi nécessaire «pour entrer en contact avec son désir». Plus loin, elle dit

« Je crois que nous sommes dans une culture du «sans limites», où l’enfant-roi ignore qu’il n’est pas tout-puissant, que tout ne lui est pas accessible. Or, pour s’ouvrir à la connaissance, il faut s’accepter imparfait, manquant. Bien sûr, il faut aussi savoir qu’on peut y arriver, mais seulement par étapes et dans un processus où il faudra à la fois mettre du sien et coopérer avec les autres.»

Plusieurs contradictions : tout d’abord, l’enfant ne se sent-il pas naturellement «imparfait» puisqu’il est naturellement avide de connaissances ? Existe-t-il vraiment des enfants qui se pensent tout-puissants ? Le doute est permis même si certains comportements pourraient le laisser penser… Et puis, cette critique ne vaut-elle pas pour beaucoup d’adultes ? Des adultes-rois qui ignorent que tout ne leur est pas accessible (et pas seulement depuis mai 68)…

À propos de la coopération, voici ce que nous apprend Jesper Juul (http://www.familylab.fr/afficher_un_article.asp?AjrDcmntId=354 )

« Beaucoup de gens partent du principe que les adultes devraient apprendre aux enfants à coopérer. Rien ne pourrait être plus faux. Les enfants sont les champions du monde de la coopération, pour ainsi dire dès la naissance, et même à un point tel qu’ils ne cessent de mettre en jeu leur propre intégrité.»

Selon lui, lorsque les enfants refusent de coopérer c’est que les adultes (parents ou autres) ont trop abusé de leur volonté et capacité à coopérer. Et sa conclusion sur ce sujet :

«Les enfants qui, trop souvent, ont dit « oui » aux exigences des adultes et aux normes, et qui, de différentes façons, commencent à dire « non » et sont alors catalogués comme « asociaux », n’ont pas besoin qu’on leur apprenne à dire « oui ». Ils ont besoin qu’on leur apprenne à dire « non » en ayant la conscience tranquille, à dire « non » sans avoir, pour aucune raison, à se sentir mal à l’aise.»

C’est un point important, pouvoir donner son avis, en tant qu’enfant, en tant que personne sans s’inquiéter de savoir s’il y aura des répercussions sur son intégrité, n’est-ce pas une des clés d’une éducation respectueuse ?
Jesper Juul n’idéalise pas pour autant : il souligne que l’éducateur, obligatoirement, affecte et modifie l’intégrité de l’enfant, mais qu’il peut le faire avec la conscience que l’enfant va naturellement coopérer. L’un et l’autre évitent le conflit d’autorité et l’intégrité de chacun est respectée.

Sur un site dédiés aux enfants précoces (http://www.ae-hpi.org/bonne%20autorite.htm), Serge Salt rappelle les principes d’une éducation autoritaire au siècle des Lumières :

«Il est tout naturel que l’esprit veuille suivre sa propre volonté, et si l’on ne s’y est pas pris correctement dans les deux premières années, on a du mal à atteindre son but par la suite. En outre, ces premières années présentent également l’avantage que l’on peut utiliser la force et la contrainte. Avec le temps, les enfants oublient tout ce qu’ils ont vécu dans la toute petite enfance. Si l’on parvient alors à leur ôter la volonté, par la suite ils ne se souviendront jamais d’en avoir eu une, et l’intensité des moyens que l’on aura dû mettre en oeuvre ne pourra donc pas avoir de conséquences néfastes ». (1748)

« Car la désobéissance équivaut à une déclaration de guerre contre votre personne. Votre fils veut vous prendre le pouvoir et vous êtes en droit de combattre la force par la force, pour raffermir votre autorité, sans quoi il n’est pas d’éducation. Cette correction ne doit pas être purement mécanique mais le convaincre que vous êtes son maître » (1752).

En conclusion : l’autorité ne tolère pas la discussion.

Nos enfants, ces petites personnes, n’ont-ils pas plus besoin d’être guidés par des adultes en qui ils ont confiance que d’être soumis à la volonté de tyrans ?

Il est heureux de voir qu’il existe plusieurs courants de pensée (autour de ce qu’on appelle la parentalité positive notamment) qui sortent de cette vision binaire de l’éducation. Il ne s’agit plus de rapport de pouvoir mais d’un enrichissement mutuel, d’une découverte, de liens sans cesse à redéfinir mais avec cette idée de grandir ensemble et non plus de s’affronter. Ouf !

MarieLou