Je ne sais pas si je devrais parler de ce sujet, compte tenu de mon histoire personnelle, et en particulier à la suite de mon dernier échec de PMA (procréation médicalement assistée)… Disons que je ne garantis pas l’objectivité de cet article!
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Plusieurs articles de journaux[1] ont la semaine dernière évoqué la position du CNGOF (Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français), favorable à l’autoconservation des ovocytes.
En conclusion le CNGOF est favorable à l’autorisation de l’autoconservation ovocytaire sociétale. Il rappelle qu’il est indispensable que les femmes soient dûment informées de la chute de la fertilité avec l’âge, des risques des grossesses tardives pour elles-mêmes et leurs enfants à naitre, ainsi que des chances incertaines de réussite de l’autoconservation.
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L’autoconservation ovocytaire, cela veut dire se faire prélever des ovocytes pour les congeler alors que l’on est jeune, afin de prévenir des éventuels problèmes de fertilité plus tard. Par exemple si l’on n’a pas encore trouvé le compagnon de ses rêves ou si la vie ne nous permet pas d’envisager une grossesse dans l’immédiat. Le développement de la technique de vitrification (congélation rapide) permet en effet une meilleure conservation que ce qui était possible avec la congélation dite « lente ».
A l’heure actuelle, les hommes peuvent faire congeler et conserver leur sperme (accordons-leur que le prélèvement de sperme est quand même plus simple et moins cher que le prélèvement d’ovocytes!), alors que pour les femmes cela n’est permis que lorsque la fertilité est menacée par un traitement stérilisant (en cas de cancer). En l’absence de traitement menaçant la fertilité, on parle de conservation « de convenance » (terme qui me donne un peu la nausée je dois dire, presque autant que quand on parle d’avortement de convenance, il y a quelques fois des coups de pelle de convenance qui se perdent à mon sens).
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Le CNGOF est favorable à cette conservation, pour plusieurs très bonnes raisons:
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Pour des raisons d’égalité, puisque c’est permis pour les hommes: Il n’y a pas de raisons que pour les femmes, on pose la menace sur la fertilité comme condition;
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Parce que c’est le seul traitement efficace pour les femmes de plus de 40 ans;
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Pour pallier la pénurie d’ovocytes: Actuellement, le don d’ovocyte étant gratuit et pas franchement une partie de rigolade, il est très rare. En outre cet « auto-don » permet au couple d’utiliser son propre capital génétique: pour beaucoup, l’absence de lien génétique (bien qu’il me semble avoir lu quelque part que les recherches récentes aient montré une transmission génétique de mère à  fÅ“tus par le biais des mitochondries mais à vérifier!) est un obstacle majeur au recours au don.
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.J’ai eu 35 ans, en septembre. 35 ans dans l’absolu, ça n’est pas si vieux (non non) mais pour une femme infertile c’est un gros cap: on change de case, on passe du côté des vieilles, celles pour qui les chances d’être enceinte s’amoindrissent de jour en jour, celle pour qui les statistiques sont une bonne claque dans la figure.
Dans mon cas, la cause de l’infertilité est une grave insuffisance ovarienne: à 30 ans, j’avais déjà les niveaux d’hormones d’une femme en péri ménopause et probablement peu d’ovules en réserve (ou alors des pas bien vaillants). C’est à dire précisément le cas où l’autoconservation de mes ovocytes il y a quelques années m’aurait peut-être évité bien des échecs, des déceptions et des chagrins.
Est-ce que pour autant, s’il y a 10 ou 15 ans, l’autoconservation ovocytaire avait été possible, j’aurais accouru à l’hôpital le plus proche? Je ne sais pas. Pour moi, les techniques de procréation médicalement assistée ont un côté « apprenti sorcier » un peu effrayant, et je crois que tant que l’on n’est pas concerné par l’infertilité, il est difficile de se rendre compte ce à quoi on serait prêt pour avoir un enfant.
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.Ceci dit, les arguments qui sont développés contre l’autoconservation des ovocytes ne me convainquent pas:
- L’âge des futures mamans est évidemment le premier à être brandi. Outre les risques en termes de santé pour les femmes et le bébé à naitre avec une grossesse au-delà de 45 ans (que je ne conteste pas), est-ce que l’on sera toujours capable de s’occuper d’un enfant à cet âge canonique? Mais la loi en France est claire sur ce point: pas de PMA au-delà de 43 ans. 43 ans, aujourd’hui, pour moi c’est jeune!
- Le deuxième argument, ce sont les risques du traitement en vue du prélèvement d’ovocytes. Si l’on est en bonne santé, faut-il se soumettre à une telle exposition hormonale, une anesthésie générale etc., avec tous les risques que cela comporte? De mon point de vue, il est primordial sur ce point d’offrir une information honnête et complète aux femmes. Il y a un risque certain. Mais si ce traitement  devait plus tard leur éviter de subir un traitement de fertilité bien plus lourd et bien moins efficace…
- Quid du conflit d’intérêt? Martin Winckler semble dénoncer l’engouement systématique des gynécologues pour la PMA. Et on ne peut pas nier que cela serait pour eux une source de revenus supplémentaires. Pour autant, les gynécos spécialistes de la fertilité que j’ai rencontrés dans ma vie sont les médecins qui, de très loin, se sont montrés les plus humains et empathiques à mon égard. J’ai la naïveté de penser que le Dr René Frydman (bon c’est un peu mon gourou, OK), lorsqu’il s’exprime en faveur de l’autoconservation des ovocytes, pense à la détresse des patientes qu’il croise chaque jour plutôt qu’à son porte-monnaie et ses prochaines vacances aux Maldives.
- Le dernier argument est l’aspect financier et logistique: comment financer ces traitements coûteux? Où stocker toutes ces gamètes? Mais comme je le dis plus haut, je ne pense pas que si cette technique était autorisée elle entrainerait immédiatement une ruée vers l’hôpital. Il ne s’agit pas d’une procédure anodine… Quant au financement, je pense que comme tout acte préventif, il faut voir plus loin que le bout de son nez. C’est une dépense immédiate, mais qui entrainera une économie plus tard: Je pense aux femmes de 40 ans qui subissent tout un parcours AMP, avec de multiples échecs… On parle de prévention de traitements, mais aussi de la prévention de tout ce qui vient avec le joyeux « package » de l’infertilité (en particulier la fragilité psychologique qu’elle entraine et toutes ses conséquences sur le plan personnel et social). Par ailleurs, pour moi, il ne semble pas acceptable que ce traitement ne soit pas au moins en partie pris en charge par l’Etat: cela voudrait dire réserver cette technique aux plus riches.
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Pour conclure, sans surprise, je suis évidemment favorable à l’autoconservation des ovocytes. L’infertilité est pour moi une angoisse sourde, pour mon couple bien sûr mais aussi pour les générations futures. Ce n’est pas une éventuelle surpopulation qui me fait peur: C’est que peu à peu, la fertilité décline jusqu’à ce qu’être enceinte « naturellement » relève du miracle. Etant moi-même infertile, j’y suis probablement plus sensible, mais j’ai l’impression que dans mon entourage, il y a beaucoup, beaucoup trop de problèmes de fertilité. Je ne suis pas loin de penser que l’autoconservation des ovocytes doit être permise, parce que sans ça, dans un futur proche, nos enfants risquent de ne jamais être parents… Et là tout de suite, j’aimerais bien monter dans une DeLorean DMC-12 pour y procéder!
Drenka.
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[1] On peut voir par exemple: un article paru au journal Libération en date du 7/01/2013 : Ovocytes au frigo, le choix des gynécos – un article paru au journal Le Quotidien du Médecin en date du 28/12/12 : Autoconservation des ovocytes, la congélation comme un défi au temps – un article paru sur le site du magasine Elle du 22/12/2012 : Congeler ses ovocytes, une pratique bientôt possible – un article de Terrafemina du 14/12/12 : Les femmes bientôt autorisées à congeler leurs ovocytes à leur convenance.
Texte très intéressant, tes commentaires et ta vision sont pertinents je trouve, malgré/grâce à ton histoire personnelle.
Je ne suis pas concernée du tout par la PMA (maudissez-moi mais je suis hyperfertile, ça entraine d’autres problèmes) mais je trouve le débat intéressant. Je trouve aussi qu’il y a de plus en plsu de problème de fertilité, donc à mon avis, oui, c’est un problème de souci, car il touche à la science et surtout à l’éthique, ce qui en fait un sujet oh combien délicat.
Je voudrais juste ouvrir le débat, en plus des questions que tu poses, sur les recherches à propos des causes de l’infertilité aujourd’hui constatée. Où en est-on? Que sait-on? SI l’on arrive à connaitre mieux les causes, pourrait-on alors les enrayer?
Merci!
Non, je ne me suis pas penché sur les recherches et l’évolution des statistiques en matière d’infertilité! C’est juste une angoisse personnelle et elle n’est pas fondée sur une réalité tangible!
Tout le monde semble parler du recul de l’âge de la maternité comme cause première (car il existe un recul) mais je ne sais pas si la causalité est réellement établie, et je trouve que c’est un peu facile de tout mettre sur le dos de ces femmes carrièristes (et de les culpabiliser!!), au lieu de remettre notre environnement en question.
Et en ce qui concerne ces autres causes, il ne vaut mieux pas faire de recherche sur le net, parce que sinon il faut tout arrêter et aller vivre dans une cabane au fond des bois tellement tout est incriminé… Ondes des téléphones et wifi, pesticides, plastiques, médicaments, alimentation, pollution… Et je ne saurais pas trop déméler le vrai du faux! le scientifiquement prouvé de rumeurs alarmistes!
Oui, voilà , c’est pour ça que je demandais s’il y avait des études « sérieuses » à ce sujet. Car c’est bien de réparer, mais il faudrait aussi empêcher de détruire!
Mais en effet ce n’est pas facile du tout, je le conçois…
Je pense comme toi que l’âge des mères a bon dos. Cela peut être UNE des causes, sans doute, mais n’explique pas tout. Mais c’est sûr que dans ce cas, la conservation des ovocytes apparait particulièrement adaptée.
Il y a aussi la fertilité masculine qui « baisse » parait-il.
D’autre commentatrices évoquent des pistes… Je pensais également à la prise à très long terme de la pilule (bon en ce moment, c’est LE sujet) mais on n’a jamais évoqué les problème de baisse de fertilité aux femmes qui ont pris la pilule dès 15 ans pour l’arrêter à 35 ?
Un sujet pour un prochain article?!
Il semble que tout le monde s’accorde à dire que la pilule n’aurait pas d’effet délétère sur la fertilité, et ne ferait que « masquer » l’infertilité pendant les années de prise (cf. l’article de Martin Winckler).
Le problème sur ce type de sujets c’est que la recherche est souvent financée par les labos, donc on ne peut pas exclure le conflit d’intérêt, et cela explique le peu de recherches qui vont à contre-courant. On l’a vu avec l’affaire du médiator, parfois même quand tout le monde tire la sonette d’alarme, le système fait qu’il peut être difficile de remettre en question la sécurité d’un médicament.
A l’inverse, on l’a vu avec l’affaire du vaccin ROR (et l’étude frauduleuse qui avait dénoncé qu’il avait un rôle dans le déclenchement de syndromes autistiques chez les enfants, mais en fait les résultats avaient été truqués!!), il est facile de tomber dans l’alarmisme et de faire du sensasionnalisme!
Donc au mileu, en tant que consommateurs, je crois qu’il est très difficile de faire la part des choses et d’avoir des certitudes!
Merci beaucoup pour ton billet ! C’est une réflexion très intéressante et tu soulèves des questions très importantes. Ton dernier paragraphe, en particulier, me fait penser qu’effectivement, il y a pas mal de couples autour de moi qui ont un problème d’infertilité. Y a-t-il des études sur le sujet ? Est-ce que cela progresse vraiment ?
Avec tous les couples infertiles autour de moi, je me suis aussi posée la question sur le pourquoi tant de difficultés de procréation. Des amis allemands passés par les PMA m’avaient expliqués les causes possibles :
– mes couches, cause n°1 chez les hommes, à cause de la chaleur, mais aussi à cause de tous les produits toxiques qu’il y a dedans (l’absorbant SAP, entre autres). Ce serait tout à fait connu outre-Rhin mais les études ne franchissent pas la frontière, pour cause de lobbies très efficaces… C’est ce qui m’a motivée à passer aux couches lavables !
– les insecticides, et j’ai aussi une source familiale à ce sujet (ayant un IASS dans mes proches) : les cas d’infertilité chez les agriculteurs et de malformation génitales chez leurs enfants (sexe masculin fendu, par exemple) sont dramatiquement nombreux. C’est ce qui me motive à manger un maximum bio (en ce moment, c’est loin d’être à tous les repas, mais bon…)
– les polluants de nos maisons : colles des tapisseries, formaldéhydes des meubles.. Vive les plantes qui nettoient l’air pour ceux qui ont la main verte (je n’en fais pas encore partie), et les meubles en bois brut non traités (ça existe encore ?).
J’aurai eu la possibilité de mettre des ovocytes de côté il y a quelques années, je ne sais pas du tout si je l’aurai fait. Mais je trouverai logique que la possibilité existe, effectivement, pour les femmes comme pour les hommes, et au même coût.
Merci pour toutes ces pistes (un peu effrayantes je dois dire). Je ne saurais pas dire lesquelles sont fondées, j’avais aussi entendu parler du problème des ondes (wifi et téléphone…).
Pour les ondes, comme la pilule, j’en ai entendu parlé aussi, mais je ne suis pas sûre. Alors que les pesticides, les couches et les polluants de l’air intérieur (très petites quantités, donc en dessous des normes, mais on s’y expose de nombreuses heures, mon frère a étudié le phénomène lors de ses études), j’en suis convaincue !
Il y a les choses qu’on peut limiter, voir éliminer : passer aux couches lavables, manger bio, modifier le mobilier dans une certaine mesure (vraiment pas simple !), faire attention aux matériaux de construction et de déco (pour les propriétaires) et choisir un mode contraceptif sans hormones. Mais pour les autres, comme les ondes (elles passent les murs, donc on peut toujours couper son wifi personnel et son téléphone, il y aura tous les autres des appartements voisins), il faut bien faire avec…
D’où l’importance de proposer l’auto-conservation des ovocytes !
Intéressant, il étudie quoi ton frère? Il pourrait nous transmettre ses sources si je me décide à faire un article sur le sujet?
Je vais lui demander ! Il travaille maintenant dans l’urbanisme, il est passé du « dedans » au « dehors » de l’habitat, mais il est toujours dans une entreprise qui privilégie et développe même des brevets concernant l’écologie (comment assurer un maximum de confort de vie pour les humains avec un minimum d’empreinte pour la planète), donc il a toujours les mêmes centres d’intérêt, et peut-être encore des sources.
Je ne suis pas sûre, je me pencherai peut-être sur la questions quand j’aurai un peu de temps et que le sujet me sera moins « sensible »!
Il y aurait en France 25% de couples qui ne parviennent pas à avoir un enfant après 1 an d’arrêt de contraception
http://www.science.gouv.fr/fr/actualites/bdd/res/4411/un-quart-des-couples-francais-souffrent-de-troubles-de-la-fertilite
Je pense aussi qu’il faut autoriser la conservation des ovocytes, assouplir les conditions d’accès à la PMA en France
25% c’est beaucoup!
Je pensais que c’était 1/7!
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