Qui n’a jamais retrouvé son petit bout avec une étrange marque rouge bleu en demi cercle sur l’avant bras ? Voire carrément sur le visage comme c’est arrivé à l’une d’entre nous ?! Ou même, (parce que oui, il n’y a pas de raison, les lectrices des VI sont des mères comme les autres), qui n’a jamais rêvé d’être aussi petite qu’une souris pour se planquer tout un fond d’un trou lorsqu’une maîtresse, une puéricultrice vous annonce « Petit Bout a mordu son camarade aujourd’hui ! Ca lui arrive souvent ? »…
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Les enfants mordeurs… sans aucun doute un thème récurrent de la petite enfance ! Alors je ne vais pas vous raconter notre expérience perso, les poulettes et moi, du coup de crocs entre mômes, mais, encouragée par Mme D, la toujours, la fameuse, je vous livre ici l’interview croisé de deux psychologues cliniciennes sur ce phénomène.
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Le but de cet entretien croisé n’est pas tant de donner des conseils pratiques, on en trouve à la pelle sur le net et dans les magazines parentaux, même si la qualité est très variable ;-), mais plutôt d’essayer de prendre du recul et de comprendre ce geste dans son contexte.
Aujourd’hui, nous commençons avec deux psychologues cliniciennes. Mais d’ici deux ou trois semaines, roulement tambour… nous publierons un interview sur le même thème d’Isabelle Filliotaz, sans doute l’une des auteurs les plus commentées sur les VI !
Donc aujourd’hui, je disais, nos guests sont :
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– Marie Léonard-Mallaval, psychologue clinicienne, a travaillé depuis 1980 avec les crèches et les assistantes maternelles de Nice. Elle est aussi l’auteur d’un livre sur le sujet, « Ça mord à la crèche », paru aux Éditions Ères, qui sera très bientôt suivi par « Comment le sens moral s’éveille à la crèche » (collection 1001BB). On peut trouver une présentation plus complète de son parcours ici.
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– Jaqueline Wendland, maître de conférences- HDR à l’Institut de Psychologie de l’Université Paris Descartes et psychologue clinicienne à l’Unité Petite Enfance et Parentalité Vivaldi (Paris 12ème). Elle dirige l’équipe de recherche » Périnatalité, Petite Enfance et Parentalité: aspects sociocognitifs et émotionnels » au sein du Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé. Elle s’intéresse plus particulièrement à la psychopathologie parentale périnatale et la psychopathologie de la première enfance. Pour en savoir plus sur ses travaux, c’est là.
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Miliochka, pour les VI : Mme Wendland, vous êtes chercheuse universitaire, pouvez-vous nous dire s’il existe des études sur les enfants mordeurs ?
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J. Wendland : Non, à ma connaissance c’est un phénomène qui n’est quasiment pas étudié, au sens scientifique du terme. On trouve des travaux sur l’agressivité, la période orale, mais pas sur l’acte de mordre à proprement parler, sans doute parce que finalement c’est quelque chose d’assez fréquent et de non pathologique ! C’est souvent un comportement passager, considéré comme banal.
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Miliochka, pour les VI : Peut-on dire qu’il existe un profil type de l’enfant mordeur ?
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J. Wendland : Je n’utiliserai pas cette expression de profil type. L’enfant mordeur n’est pas une pathologie en soi que l’on peut catégoriser. C’est même risqué, je trouve, de parler de profil type car on risque de stigmatiser l’enfant. Un enfant qui mord une ou deux fois un camarade n’est pas un « enfant mordeur ». Ce que l’on peut caractériser c’est plutôt une classe d’âge.
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M. Léonard : Effectivement, le seul critère d’identification qui puisse être retenu, c’est l’âge. Les enfants qui mordent ont en général entre 18 mois et 30 mois. On est entre l’âge de la marche et celui de la parole. La motricité est bien développée, elle est même explosive, mais l’enfant ne sait pas encore parler. Il y a un mélange entre la joie motrice, l’exploration, et la provoquée par les interdictions, avec beaucoup de maladresse encore. J’insisterai aussi sur le fait qu’à cet âge-là, la bouche joue encore un rôle prépondérant. C’est un organe de découverte, de plaisir, de connaissance, de réconfort… et c’est aussi une période intense en terme de poussé dentaire ! Mordre au lieu de dire « non », c’est un acte typiquement préverbal chez l’enfant. Mais ce n’est pas une raison pour le banaliser et ne pas intervenir. Enfin, certains évoquent la « crise des deux ans », mais je ne crois pas qu’il faille incriminer l’âge. Chaque enfant a son développement propre, et il serait trop facile et réducteur de classer ce type de comportement dans « la crise des deux ans », une notion que je n’aime pas évoquer de la sorte d’ailleurs.
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Miliochka, pour les VI : Alors, peut-être, un contexte particulier dans lequel survient ce genre d’évènement ?
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J. Wendland : C’est un geste qui s’observe davantage en milieu collectif, et plus particulièrement en crèche. Sans tirer de conclusions hâtives, puisque je n’ai pas réalisé d’étude précise sur ce sujet, je pense qu’une hypothèse peut être formulée : probablement les enfants en collectivité bénéficient d’un moindre accompagnement émotionnel, simplement parce qu’il n’y a qu’un adulte pour 6 à 8 enfants, contre un pour 1 à 4 enfants chez les assistantes maternelles et à la maison. Peut-être les enfants qui sont en crèche dès leur plus jeune âge manquent de cette relation privilégiée, à deux avec l’adulte, en « tête à tête » j’ai envie de dire, ils ne reçoivent pas assez de cette parole encadrante qui est si importante pour l’apprentissage de la « régulation émotionnelle », qui est une notion-clé dans ce domaine. La collectivité n’aide pas toujours à gérer ses émotions. Attention, je ne fais pas le procès de la crèche, je dis juste que c’est quelque chose dont le personnel encadrant doit être conscient, et faire preuve d’une grande vigilance. Il faut encadrer davantage les enfants, ne surtout pas les laisser gérer seuls les conflits sous prétexte qu’ils apprendront, ils sont beaucoup trop jeunes pour ça. Avant l’âge de 5-6 ans, les enfants ont un besoin important du soutien de l’adulte pour mettre des mots sur leurs ressentis et pour réguler leurs émotions et comportements. L’adulte reconnaît, valide leurs émotions et offre des solutions alternatives à leur expression.
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M. Léonard : Peut-être peut-on aussi évoquer certaines relations parent-enfant qui, tant que l’enfant ne parle pas, privilégient trop les gestes à la parole. On habille l’enfant, on le lave, on le nourrit, on joue avec lui, on l’embrasse, on le berce, mais on ne lui parle peut-être pas assez ! L’enfant ne peut donc à son tour que s’exprimer par gestes, il n’évolue pas vers le langage, vers l’abstraction. Attention, je ne dis pas qu’il faut tout le temps parler à son enfant et de tout ! Pas d’excès ! Il faut échanger avec lui, de façon verbal, dès le début, en s’adaptant à ce qu’il peut comprendre.
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Miliochka, pour les VI : L’adulte dans tout ça, comment doit-il réagir ?
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J. Wendland : Il faut imaginer qu’un enfant qui mord est un enfant qui demande de l’aide, qui a un problème pour canaliser ses émotions ou pour exprimer ses besoins autrement. L’adulte, lui, doit autant que possible être maître de ses émotions, il ne doit pas crier, et surtout, évidemment ne doit mordre en retour ! Il faut simplement poser l’interdit, dire « non, tu n’as pas le droit de mordre, tu n’as pas le droit de faire mal aux autres ni à toi », et ce sans violence puisqu’il s’agit aussi de montrer, par l’exemple, que l’on peut contrôler ses émotions. On doit aussi en parler avec l’enfant, essayer de verbaliser pourquoi il a fait ça, mais sans trop insister. Garder en tête que cela reste un comportement banal, fréquent à cet âge-là ! Il ne faut pas non plus ignorer au prétexte que c’est un comportement banal, au risque que l’enfant évolue vers une agressivité plus importante. J’insiste sur le fait qu’éduquer ce n’est pas uniquement dire « non » quand cela est nécessaire. Il faut aussi une éducation positive, apporter à l’enfant un soutien positif, qui va lui permettre de se développer, d’apprendre à maîtriser ses émotions, à avancer dans la communication avec l’autre. Et ceci est important pour le personnel encadrant dans une crèche : ils ne doivent pas être là uniquement pour poser des interdits et faire respecter des règles, il faut absolument qu’ils proposent des activités riches et variées, qu’ils animent les relations avec les enfants et entre les enfants pour qu’ils puissent grandir et apprendre à être en groupe, en société. Ce qu’il faut retenir c’est qu’avant 4 ans, il n’y a pas d’intentionnalité de faire mal chez un enfant, l’enfant n’est pas « méchant » et ne fait pas « exprès », mordre c’est seulement le reflet d’une perte de contrôle, d’une émotion mal maitrisée.
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M. Léonard : La parole de l’adulte est effectivement cruciale. Dire « non ça ne se fait pas, ça fait mal » et ce avec fermeté mais sans violence. L’important à retenir c’est qu’il faut condamner l’acte mais pas l’enfant. Il faut à tout prix éviter de le stigmatiser, de le cataloguer comme mordeur. Il ne faut pas étiqueter l’enfant ni culpabiliser ses parents, sinon on risque de rentrer dans le cercle vicieux de la punition. Il est parfois utile d’aider les parents à poser à cet interdit de façon efficace, et en même temps de développer ce qui peut être positif dans le comportement de l’enfant. Attention à ne pas non plus passer trop de temps dessus, ne pas chercher à analyser à tout prix ce geste en faisant de la psychanalyse de comptoir ! Ne pas « psychologiser » à tout prix, car il y a là aussi un risque de stigmatiser et de culpabiliser. Parents et collectivité doivent travailler ensemble, et même, si c’est possible, faire de la prévention. Par exemple en organisant des réunions de parents à la crèche, où le personnel encadrant va évoquer ce type de comportements qui peut exister chez les enfants, en dédramatisant, en expliquant le contexte et le type de réaction adéquate de la part des adultes. Il faut garder en tête que c’est la dramatisation des adultes qui est plus inquiétante pour les enfants et souvent, des paroles extrêmement violentes donc angoissantes, sont proférées à l’encontre des enfants que l’on veut punir. Exclure au lieu d’orienter sur des activités intéressantes et constructives n’est certainement pas une solution qui va aider.
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Miliochka, pour les VI : Et le mordu ?
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J. Wendland : Là encore, pas de profil type ! Un enfant peut mordre ou être mordu, tout est question de la relation à l’autre un à instant T, pour qu’il y ait morsure, il faut être deux. Toutefois, un enfant plus passif ou moins mobile, qui ne marche pas, ou qui n’est pas habitué à la collectivité peut être victime de ces comportements dans les premiers temps de contact avec les autres enfants. L’adulte doit être vigilant et aider l’enfant à lui signaler s’il a été agressé par un autre enfant. La vie en collectivité ne doit pas être régie par la loi du plus fort, mais par le respect mutuel. Les enfants même petits peuvent assimiler cela si on les respecte aussi!
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M. Léonard : Je ne crois non plus qu’il y ait de profil type d’enfant mordu. Certes à cet âge-là on peut déjà observer des enfants un peu plus passifs que d’autres, qui sont plus dans l’observation que dans la participation, mais ce ne sont pas particulièrement ceux-là qui font se faire mordre. Parmi ces enfants passifs, il y a plus souvent des petites filles, comme si dès le plus jeune âge, se retrouvait le modèle féminin du « sexe faible » que notre société semble imposer. C’est très dommage. Mais quoiqu’il en soit, ce ne sont pas ces petites filles-là qui sont plus fréquemment mordues.
Concernant le mordu, il ne faut pas en faire une victime, une fois encore, surtout pas de stigmatisation ! Il faut faire un acte réparateur, un geste réconfortant, consolateur en présence du mordeur si possible, car cela peut l’aider à comprendre. Par contre, je ne pense pas que chez des enfants de cet âge-là, 18-24 mois, il soit utile de les pousser à se demander pardon, ils sont encore trop jeunes pour cette notion-là. Et c’est parfaitement inutile si auparavant on n’a pas aidé celui qui a mordu à prendre conscience qu’il n’aurait pas dû !
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Miliochka, pour les VI : « Tu es belle à croquer ! », « je vais te manger tout cru ! »… Que penser de ces expressions, doit-on les bannir de notre vocabulaire avec les enfants ?
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J. Wendland : Je suis d’origine brésilienne, dans ma langue maternelle ce genre d’expressions n’existe pas. Ce que j’en comprends c’est que la bouche des parents est aussi un organe de communication au sens physique du terme, et même plus, c’est encore un organe de plaisir et de découverte à l’âge adulte, alors pourquoi pas dans notre relation avec les enfants ? On les embrasse et même plus, alors pourquoi nos mots ne seraient pas le reflet de ça ? Bannir ces expressions serait inutile. L’oralité, dans toutes ses dimensions, fait partie de notre relation avec les enfants, il faut en jouer, apprendre à la maîtriser, c’est bien plus instructif pour eux. Ces expressions n’ont aucun lien avec les comportements des enfants qui mordent!
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M. Léonard : Beaucoup d’expressions dans notre langue renvoient à la bouche, aux dents… Cela fait partie de notre culture, ce serait totalement contre-productif de les bannir ! Au contraire, il faut utiliser les histoires, les contes, la puissance de l’imaginaire pour apprendre aux enfants à faire la différence entre le langage et le comportement. On ne va pas édulcorer, aseptiser notre langage sous prétexte d’éviter certains comportements, mais plutôt s’en servir pour aider les enfants à reconnaître leurs émotions, à s’approprier le langage.
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Merci pour cet article!
Mon bébé n’a plus jamais été mordu, en revanche il a parfois tendance à taper pour exprimer sa colère ou sa frustration , j’imagine que tout ça est transposable?
Je note que je peux continuer à jouer les canibales et à lui croquer les orteils!
Oui, mangeons nos enfants sans retenu !!
Tout ça est une histoire d’impulsivité qu’il faut apprendre à maîtriser… Plus à suivre dans les réponses de Dame Filliozat d’ici deux à trois semaines ;-)
merci pour ton merci…
Bonjour, je suis assistante maternelle et justement j’ai le cas avec un mordeur, qui a commencé vers 16 mois, mais toujours le meme enfant, mais maintenant l’enfant mord les autres aussi meme le plus petit de 1 an, ça devient un souci evidemment je comprends que cela soit à cause du NON je ne suis pas d’accord :/ mais c pas facile pour les autres d’avoir des morssures qui laissent encore des traces apres plusieurs jours :-(
bonjour, j’ai connu cet épisode avec mon fils quand il avait aux alentours de 2 ans… j’étais en congé parental pour 3 ans. quand il croisait un autre enfant il commençait à la serrer dans ses bras et finissait par le mordre… je me suis rendue compte que j’avais le même comportement dans mes calins avec lui… je l’embrassais le serrais « le quichais » comme on dit dans le sud… j’ai tout de suite arrêté cette façon de faire et je n’ai porté sur lui que des gestes doux très très doux… résultats son comportement à aussitôt changé… Je pense que mordre était pour lui une expression d’affection.. c’est ce qu’il devait ressentir de mes « calins »..
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