Les devoirs, bataille du soir …

Les devoirs sont souvent le sujet d’une bataille quotidienne entre parents et enfants.

Les parents d’un côté ont à coeur que leurs enfants fassent leurs devoirs, encouragés en cela par l’école qui leur répète que les devoirs c’est important, que c’est ce qui permet d’apprendre.

Les enfants de l’autre ont envie de se détendre et pas forcément la motivation pour se replonger le nez dans leurs cahiers pour un travail pas toujours passionnant.

Bref, les devoirs arrivent et la bataille commence

couverture livre between parent and child

« Between parent and child » – Haim Ginott

J’ai vécu ça récemment puisque ma fille est entrée en CP et a commencé à avoir des devoirs. Je mesure ma chance car ma fille aime bien faire ses devoirs.

Cependant, il y a des jours où elle n’a pas vraiment envie. Et j’en suis très agacée parce que, comme tous les parents du monde je pense (ou presque), j’ai envie qu’elle apprenne, qu’elle prenne du plaisir mais aussi qu’elle réussisse à l’école.

Alors même si c’est plutôt facile avec elle en règle générale, je ne sais pas forcément comment gérer les (rares) moments où elle ne veut pas – et dans ces moments-là, je me dis que ça doit être dur quand les enfants ne veulent jamais !

Bref, récemment, ma fille a commencé à rechigner sur ses devoirs …

J’ai couru attraper mon exemplaire de « Between Parent and Child » de Haim G. Ginott (« Entre parent et enfant) car il y a un tout un chapitre sur les devoirs que j’avais apprécié et il fallait que je me rafraichisse la mémoire.

Ce chapitre résume bien l’attitude que je souhaite avoir par rapport à l’école et aux devoirs et j’ai pensé que ce serait intéressant de partager ça avec vous.

Haim Ginott commence par rappeler que

« dès le primaire, l’attitude des parents doit signifier à l’enfant que les devoirs sont STRICTEMENT de la responsabilité de l’enfant et de l’enseignant. Les parents ne devraient pas harceler leurs enfants à propos des devoirs. Ils ne devraient superviser ou vérifier les devoirs que si – ET SEULEMENT SI – l’enfant le demande (cette attitude peut être contraire aux souhaits du professeur). »

Haim Ginott explique ensuite que, si les parents prennent la responsabilité des devoirs, les enfants se déchargent de cette responsabilité et que

« les devoirs deviennent une arme dans les mains des enfants pour punir leurs parents, leur faire du chantage, les exploiter ».

Et en effet, les devoirs – comme d’autres sujets – peuvent devenir l’enjeu d’un conflit de pouvoir où le parent veut absolument que l’enfant travaille et où l’enfant résiste pour exprimer son indépendance. Ce genre de conflit peut aller très loin car aucun des 2 ne veut lâcher.

Bien sur je suis persuadée que les enfants ne le font pas « exprès » mais que c’est une façon pour eux de se manifester.

Que faire alors ?

Haim Ginott conseille que notre attitude véhicule de façon claire le message suivant :

« Les devoirs sont ta responsabilité. Les devoirs sont pour toi ce que le travail est pour nous ».

Ginott rappelle aussi que :

« l’aide directe transmet à l’enfant le message implicite qu’il ne peut pas s’en sortir sans l’aide du parent. »

Haim Ginott conseille même de

« ne pas faire de commentaires sur la façon de s’asseoir, la propreté ou le soin apporté aux fournitures »

en rappelant que

« certains enfants travaillent mieux en mâchant un crayon, en se grattant la tête, en se balançant sur une chaise ou même en écoutant de la musique. Nos commentaires et nos restrictions augmentent leur frustration et interfèrent avec leur travail intellectuel. »

Je trouve cette attitude très sensée car cela implique que l’enfant comprend rapidement qu’il travaille pour lui et pour son apprentissage et pas pour nous ou pour nous faire plaisir ni pour faire plaisir à son prof.

Cela ne veut pas dire que l’enfant est livré à lui-même et qu’on se désintéresse de son travail scolaire.

Le parent est toujours là mais n’intervient que sur la demande de l’enfant.

Pour moi cela veut dire aussi que je suis là pour permettre à mon enfant d’acquérir les méthodes qui vont l’aider à s’autonomiser dans son travail : déterminer quel moment lui convient le mieux pour les devoirs (tout de suite en rentrant de l’école ou après une pause, avant ou après le repas, …), trouver le bon endroit et la méthode qui va lui convenir pour les faire, …

« Nous devrions rester à l’arrière-plan en donnant le confort et le support dont les enfants ont besoin plutôt que des instructions et de l’aide. A l’occasion, si l’enfant le demande, nous pouvons clarifier un point ou expliquer une phrase »

conseille Ginott en rappelant qu’il vaut mieux éviter les commentaires du style « si tu avais écouté le prof tu saurais ce que tu as à faire ! ».

Autant je suis convaincue du bien-fondé de cette façon de faire, autant je pense que cette attitude est très difficile à tenir quand l’enfant est en difficulté et que ses résultats scolaires ne sont pas au top.

Je suis persuadée que c’est la bonne attitude à avoir, y compris – et peut-être surtout – quand l’enfant est en difficulté justement mais je pense qu’en tant que parent, il est extrêmement difficile de le faire.

Laisser à l’enfant la responsabilité de ses devoirs, cela suppose qu’on accepte que l’enfant va peut-être arrêter de les faire … Cela suppose aussi accepter de se confronter au regarde la société, et de l’école, en n’étant pas le parent « modèle » qui fait faire ses devoirs à ses enfants. On prend le risque de devenir le parent « démissionnaire » aux yeux des autres qui laisse faire à son enfant ce qu’il veut.

Et là bonjour la culpabilité face au jugement des autres.

Donc oui dans l’esprit mais je pense qu’il faut beaucoup de soutien de l’entourage pour oser cette position quand les choses sont moins simples …

Enfin bref, fraîche de cette relecture, j’ai pu réagir différemment quand ma fille m’a envoyé ses devoirs à la figure (ou presque !) … Vous voulez savoir comment ? C’est ici.

Sandrine S Comm C

10 réflexions sur “Les devoirs, bataille du soir …

  1. Sujet très intéressant ! Et oui, si mon fils est en PS de maternelle et que donc l’article du jour sur le comptage est passionnant, sa sœur est en CP et donc tout ce dont tu parles m’est forcément familier. Et ça donne de quoi réfléchir, et de quoi discuter avec mon mari. Merci donc, et je file lire la suite sur ton blog !

    • Le lâcher prise est difficile, surtout vu le contexte de la société actuelle et/ou leur propre vision du travail scolaire.

      Très souvent il est nécessaire pour les parents d’être épaulé pour pouvoir arriver à ce lâcher-prise (je pense que j’illustrerai sur mon blog un de ces jours). J’ai écrit un commentaire sur mon article (sur mon blog) qui illustre assez bien ça en fait.

  2. Je les trouve pas mal, ces conseils… En fait, c’est exactement, ce que me disaient mes propres parents ! Je t’avoue que jusqu’à la troisième, je n’en ai pas fait beaucoup de ces fameux « devoirs », mais bizarrement, ça ne m’a pas empéchée de réussir au lycée… Lorsque Grand Doux entrera en CP, il est bien probable que j’adopte cette attitude avec lui, au risque de me faire mal voir par mes collègues.

    En revanche, j’avais des difficultés en maths et comme mes parents détestaient cette matière, ils passaient le relais à un étudiant : en cas de difficultés scolaires, faire appel à un tiers est une bonne solution qui évite de s’énerver face à un enfant dont l’estime de soi est déjà pas mal malmenée… Mais ça reste quand même une vraie plaie ces devoirs à la maison, pour le plaisir d’apprendre, on repassera !

  3. Super article Sandrine, merci ! (et puis j’apprécie particulièrement l’articulation que tu as réussi à opérer entre les blog des VI et le tien, pour présenter le bouquin ici, et ton expérience perso chez toi, merci !)
    Grande Poulette est entrée en CP cette année, pour l’instant, comme ta fille, elle est plutôt du genre à aimer à faire ses devoirs. Mais je crois que ton post va me pousser à lâcher un peu plus prise, pour lui faire comprendre effectivement qu’elle fait ses devoirs pour elle, et pas pour nous ni pour sa maîtresse… J’aime beaucoup ce que tu racontes sur ton blog, et surtout ta réaction en disant « Tu sais, mes devoirs à moi, je les fais et ceux de l’école, je les ai fait quand j’étais enfant. Tes devoirs sont pour toi. Si tu ne veux pas les faire, c’est toi qui vois. Je ne veux pas me battre avec toi pour ça. » Je crois que celle là, je vais la ressortir !
    Quant à la lacher un peu du lest sur la position, le fait de mâchonner son stylo, écouter de la musique… je le fais inconsciemment, et ne réagit en fait que lorsque cela gène vraiment le travail. Probablement parce que j’ai passé toute mon adolescence à essayer de convaincre mon père que je ne pouvais pas travailler sans musique (et c’était vrai en plus !! mais plus du tout maintenant, très étrange…) alors qu’il confisquait les K7 à tout de bras.

  4. Je crois surtout qu’on met aux parents une pression démesurée dès la maternelle. Le concept du soutien en maternelle, et l’idée qu’il faut forcément faire travailler plus un enfant en difficulté , je trouve ça hallucinant.

    Un article que j’ai bien aimé sur les devoirs à la maison :
    http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/11/15/le-bon-devoir-c-est-celui-que-l-eleve-peut-faire-seul_1791423_3246.html

    J’aimerais bien ne pas m’occuper des devoirs de mes enfants, mais j’aurais quand même un peu l’impression de les abandonner.

    Nous essayons au maximum de les pousser à trouver les réponses par eux-mêmes en leur proposant de chercher dans le dictionnaire les mots qu’ils ne comprennent pas , de lire la leçon vue en classe lorsqu’ils sèchent devant un exercice, parce que c’est un des grands pièges aussi de se retrouver à faire à leur place !!

    Je crois que le fond du problème est que ce qu’on leur demande en classe a peu de sens pour eux, et que les exigences de l’école sont très décalées par rapport à la maturité effective des enfants : les programmes s’adressent à des enfants « normaux » … qui n’existent pas

    Ne pas dire à son enfant qui a récolté 1h de colle après des croix pour bavardage qu’il ferait mieux d’écouter en classe : très difficile aussi ;-)

  5. J’ai des élèves de Cm. Lors de la réunion de rentrée, je dis toujours aux parents que les devoirs c’est une affaire entre les élèves et moi. Je leur dis que dès qu’ils sentent que les tensions montent, ils doivent dire à leurs enfants: « Stop, j’arrête, tu te débrouilleras avec ta maitresse. »
    Les parents ont du mal à lâcher l’affaire mais ils y arrivent.

  6. Merci beaucoup de ta contribution!! On a passé de très très mauvais moments avec les devoirs quand l’APA est entré au CE1 (au CP la maîtresse avait le bon goût d’en donner très très peu…). Il était très très angoissé face à eux et faisait tout pour se déresponsabiliser sur nous (oubliait ses affaires à répétition, nous accusait de ne pas lui avoir suffisamment rappelé de les faire, ou de ne pas lui avoir laissé suffisamment de temps, etc…). De son côté, on lui a proposé de travailler sur ses angoisses avec un psy (parce que ça prenait vraiment des proportions inquiétantes, l’empêchant de dormir, etc…) et du mien, j’ai réalisé qu’il restait encore beaucoup en moi de la petite fille qui voulait absolument faire tout parfaitement et qui redoutait par dessus tout de se faire gronder par la maîtresse… j’avoue que cette prise de conscience a été salutaire!!

  7. Mon fils de 7ans est en CE1. Depuis le CP il a des devoirs à faire tous les jours .Son apprentissage de la lecture est assez laborieuse et parfois il se décourage. Sa maitresse leur donne pas mal de devoirs. Par ex : 6 lignes de poésie table daddition de 7 lecture page 14 et 15. Tout ceci pour un soir. Je trouve que cest beaucoup. Officiellement lécole ne donne pas de devoirs à faire à la maison mais seulement des rappels qui ne doivent en principe pas durer plus dun quart dheure. Mais comment peut-on faire de la lecture maths poésie en ci peu de temps-là ?????Jen viens au fait : mon fils trouve que le temps des devoirs est trop lnog ! avant même de commencer il dit ça va durer trop longtemeps je narriverai pas à lire toute ces pages , cest trop dur . et parfois il pleure. Je suis désemparée par cette situation. Comment faire pour quil apréhende mieux ces moments-là ? Je lencourage toujours à la fin des devoirs en lui disant tu as bien travaillé , je suis contente de toi , etc. mais le lendemain il repleurnicheSi vous avez connu ça où si vous avez des idées à me donner, je vous en prie nhesitez-pas.Merci beaucoup.

  8. Ah chouette, Ginott ! J’ai lu aussi ce livre, j’ai beaucoup aimé ses conseils. Je suis contente de l’avoir lu après des Faber & Mazlish, car si sur le fond les idées sont les mêmes, sur la forme, Ginott est assez austère et directif je trouve. Par contre, il aborde beaucoup plus de sujets en un seul petit livre que ses « disciples » dans les 3 livres que j’ai lus ^^

  9. Pingback: Besoins d’enfants, besoin de parents [mini-débriefing] « Les Vendredis Intellos

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