J’ai choisi un titre un peu provocateur pour explorer avec vous en cette semaine de rentrée scolaire et dans les quelques semaines qui vont suivre, l’ouvrage de John Holt, Les apprentissages autonomes : comment les enfants s’instruisent sans enseignement, édité aux Editions l’Instant Présent. Merci d’ailleurs à eux qui ont offert cette ouvrage à la bibliothèque des VIs.

 

 

Je me retrouve un peu, je dis bien « un peu » dans le parcours de John Holt :  instituteur pendant 15 ans, il rejoint ensuite les université de Harvard et Berkeley où il consacre ses travaux à la réforme de l’enseignement. Au bout de quelque années il cesse de penser que l’école est réformable et décide de consacrer son temps « non plus à créer des écoles alternatives, mais des alternatives à l’école ». Ses recherches portent alors sur les apprentissages autonomes.  J’ai été institutrice pendant 5 ans, à la fois passionné par mon métier et écœuré par cette grosse machine qu’est l’éducation nationale : les programmes, les orientations pédagogiques, la direction, même parfois les collègues, les parents qui surnagent avec leur enfants tant bien que mal sans trop se poser de questions. Des obsessions : le niveau des élèves, l’obtention d’un diplôme, la réussite scolaire à priori garant d’une réussite professionnelle. Et l’épanouissement des enfants, de nos enfants dans tout cela ? Le plaisir d’apprendre, de découvrir seul ? Je dis bien SEUL, où est-il ?

 

John Holt, Les apprentissage autonomes, p. 39.

« Personne ne semble se poser une question évidente comment se fait-il que tant de récipients (John Holt fait une métaphore en comparant les élève à des récipients), ayant pourtant reçu ces matières pendant tant d’années, continuent à sortir vides de l’usine ? en dépit d’un siècle de résultats qui la contredisent, les éducateur s’accrochent à l’idée que l’enseignement produit de l’apprentissage et que, donc, plus on enseigne, plus les enfant apprennent. pas un seul des rapports que j’ai lus ne soulève de questions sérieuses au sujet de présupposé de ce présupposé. Si les élèves n’en savent pas assez, c’est parce que nous ne commençons pas le remplissage assez tôt (commençons des quatre ans !) ou qu’on ne fait pas le remplissage avec les bons ingrédients, ou pas à la bonne dose (renforçons le programme !) »

 

En France, au jour d’aujourd’hui, nous en sommes là exactement : nous commençons les apprentissages de CP dès la grande section de maternel, nous alourdissons des programmes déjà trop denses… Nous pensons rénover l’école en y introduisant les tablettes, les ordinateurs portables ou twitter. Ce ne sont que des outils. Et la pédagogies dans tout cela, la manière dont les enfants apprennent ?  A quand une grande et vraie réforme ?

 

Cette belle et grande réforme n’a pas eu lieu et  j’ai eu des enfants. En 2007 une fille, qui aurait du rentrer en classe de petite section de maternelle en  2010 et qui n’y a finalement jamais mis les pieds. Pourquoi ? Pour des milliers de petites choses : pour respecter son rythme, ses découvertes, sa curiosité, sa créativité… car lasse de chercher une école alternative , nous avons décidé de trouver une alternative à l’école.  Cette alternative fut l’IEF, l’instruction en famille.

 

Rester avec mes enfants chaque jour, les voir grandir a été comme une révélation. Ils apprennent… tout le temps, avec ou sans mon intervention. Dans ce sens je préfère le titre original du livre de John Holt Learning all the time, qui me semble plus parlant.

 

Je ne me vois pas comme l’enseignante ou la maîtresse de mes enfants, bien que je le dise souvent lorsque l’on me demande pourquoi mes enfants ne sont pas à l’école : « ils font l’école à la maison, je suis enseignante ce la ne me pose pas de problème », généralement les peurs et questionnements de mon interlocuteurs, que cette non-scolarisation peut soulever, sont calmés et la conversation s’arrête là sur un joli sourire.  Pour mes enfants je suis une accompagnante, je les accompagne dans leur découverte, dans leurs apprentissages lorsque je sens qu’ils en ont besoin.

 

John Holt, Les apprentissage autonomes, p. 15.

« En ce qui concerne les enfants, le seul avantages que nous avons sur les enfants –et bien sur il est énorme- c’est que nous avons vécu plus longtemps […] Nous avons des cartes routière du monde. […]

Ce que les adultes peuvent faire pour les enfants, c’est leur rendre ce monde et ses habitants plus accessibles et plus évidents. »

 

Certains me diront « c’est bien joli le monde et ses habitants, mais la lecture, les mathématiques, l’orthographe … si on ne leur apprend pas, ils ne sauront pas … »  Et bien s’il sont mis en situation de… dans un contexte pour… Pourquoi pas ?

 

Ai-je appris à mes enfants à marcher ? Non je leur ai juste tendu la main lorsqu’ils en avaient besoin.

Ai-je appris à mes enfants à grimper ? Non, je les ai juste rassuré lorsqu’ils en avaient besoin.

Ai-je appris à ma fille à faire du vélo ? Non, je lui ai offert une draisiène et un jour elle s’est lancé seule sur son vélo.

Ai-je appris à mes enfants à compter ? Non, un jour ma fille m’a demandé deux pommes, mon fils à demandé s’il pouvait avoir 8 dragées en chocolats et les a compté.

Ai-je appris à ma fille à additionner, soustraire, multiplier et diviser ?  Non, nous avons joué, bavardé et elle en a déduit l’addition, la soustraction, la multiplication et la division.

Ai-je appris à ma fille à lire ? Oui. Sait-elle lire ? Non pas encore. Peut-être n’était-elle tout simplement pas prête, j’ai pu remarquer que lorsque je décide de pousser un de mes enfants dans un domaine, s’il n’est pas prêt cela ne fonctionnera pas, si j’abandonne cette idée et que j’attends quelques semaines ou quelques mois, ils le feront souvent spontanément, naturellement, sans effort, sans difficulté.

 

« 90% du temps, d’un enseignement qui n’a pas été sollicité ne résultera pas d’apprentissage, mais en déroulera au contraire un obstacle à l’apprentissage. »

 

 

Alors pourquoi forçons-nous l’apprentissage ? Par peur.

Peur qu’il ne sache jamais… jamais lire, jamais faire de vélo…

Peur qu’il soit différent, en retard : pourquoi n’escalade t-il pas la structure comme tous ces enfants, pourquoi ne parle t-il toujours pas ?

 

La peur que notre enfant sorte du cadre, de la norme, qu’il ne s’adapte pas…  Ces fameuses normes, la normalité.  Qui les a crée ? Nous avons crée les normes, le cadre : un enfant marche en moyenne à 13/14 mois, parle à 3 ans, sait lire à 6 ans… Tout cela n’est que pure fiction. J’ai trois enfants tous très différents qui collent parfois à ces fameuses normes et d’autres fois pas du tout. Dois-je m’inquiéter, les bousculer dans leur apprentissages ? Et si je leur faisais tout simplement confiance ?  Pas toujours facile.

 

 

Je vais m’arrêter là pour cette semaine, à venir dans les prochaines semaines toujours en me basant sur les extraits du livre de John Holt : un article sur corriger les erreurs, puis sur l’apprentissage des mathématiques, et enfin sur l’apprentissage de la lecture/écriture et plus si affinité !

 

Vert Citrouille