Première grossesse. Je m’entoure d’une obstétricienne âgée et renommée. Sa salle d’attente est toujours bondée de ventres ronds ou de cosy avec de très jeunes bébés.

Le jour de l’accouchement, elle est là pour me soutenir, avec à ses côtés une sage-femme ainsi qu’une élève sage-femme. Tout se passe à merveille même si je regrette que l’élève sage-femme m’ait appuyé sur le ventre pour aider mon bébé à descendre lors des poussées. Le lendemain j’ai un bleu sur le ventre et je doute que cela ait été utile …

Deuxième grossesse. Je me fais à nouveau suivre par la même obstétricienne, mais je supporte de moins en moins l’attente avant le rendez-vous et trouve la consultation trop rapide, ne la sentant pas toujours très à l’écoute.

Le jour de l’accouchement, elle n’est pas là. Elle est au Brésil pour un congrès. L’obstétricien de garde est un homme. Je le connais. Il a été mon gynécologue à une époque. Il est moins blagueur que sa collègue. Il a toujours son air sérieux et grave. Pourtant l’accouchement se passera très bien, sans qu’on m’appuie sur le ventre avec juste lui et une sage-femme. Il osera même une petite blague après la délivrance. Il prend beaucoup plus en compte ma douleur future en recousant quelques éraillures, chose qui n’avait pas été faite lors de mon 1er accouchement et qui m’avait valu quelques picotements. Lors des soins post partum, il est beaucoup plus attentif que mon obstétricienne.

3ème grossesse, je décide de me faire suivre par l’obstétricien m’ayant aider à accoucher pour mon 2nd bébé. Pas d’attente au cabinet (ou presque pas). Il suit à la perfection mon dossier. Peut-être même un peu trop en s’inquiétant du poids estimé de mon futur bébé.

3ème accouchement, j’arrive à la maternité et c’est un homme qui m’accueille. Un homme sage-femme.

Cela ne me dérange pas, mais sur le coup je suis un peu surprise. Contrairement à une sage-femme femme, il est beaucoup moins intrusif. Il fait son travail, point. Il a le dossier entre les mains pour savoir tout ce qu’il a à savoir. Surtout, il m’écoute. Ce que je dis, il le prend en considération et ne tente pas de me faire changer d’avis, quitte à avoir une remontrance de la part de mon obstétricien en ne me faisant pas poser la péridurale après la rupture de la poche des eaux.

C’est lui seul qui m’a aidé à accoucher secondé par 2 collègues. Mon obstétricien n’avait pas eu le temps d’arriver. Il est juste venu pour « l’état des lieux » et sortir le placenta.

C’était un homme, mais il était doux, attentif, discret et ne m’a jamais fait mal.

Ce qui me gêne le plus et de ne pas savoir comment appeler sa profession… Le mot sage-femme ne convient plus à partir du moment où la sage-femme peut être un homme. J’avais entendu dire un jour qu’on pouvait les appeler les emmailloteurs, mais je ne retrouve plus de traces de cette appellation…

Saviez-vous que les hommes peuvent exercer la profession de sages-femmes depuis seulement 1982. Mais pourquoi aujourd’hui les hommes pensent à ce métier alors qu’avant cette idée ne leur passait certainement pas par la tête ?

« Jusque-là, l’accès à l’école de sages-femmes se faisait par un concours indépendant. Aujourd’hui, les futurs élèves doivent passer par une première année de médecine (PCEM1) et être classés au moins parmi les 20 à 30 places réservées à l’école de sages-femmes affiliée à la faculté de médecine. Par conséquent, des étudiants filles et garçons se voient proposer cette filière alors qu’ils n’y avaient pas forcément songé. »

Peut-on alors imaginer que ce sont des élèves voulant devenir obstétricien ayant revu leurs choix à la baisse ? D’après l’article , non car :

« Ils sont issus des classes plutôt modestes d’employés ou d’ouvriers qualifiés, dans quelques cas de PCS supérieures, tout en étant, en règle générale, dans une dynamique d’ascension sociale et professionnelle par rapport à leurs parents. La variable du milieu social n’est guère opérante pour qualifier cet échantillon. »

A priori, ces hommes choisiraient surtout cette profession par attrait pour les enfants et les naissances, mais aussi parce qu’ils souhaitent exercer une profession médicale. Parfois le choix de cette profession se fait aussi petit à petit, sans véritable vocation, comme le démontre ce témoignage :

« « Je commençais à me lancer dans des études de kiné. Enfin, j’ai passé les concours pour faire kiné… La première année, j’ai raté et puis la deuxième année j’ai retenté. J’avais été reçu, j’étais sur liste d’attente en fait. Et ma soeur qui voulait faire sage-femme, elle est allée passer le concours. Et pour moi je me suis dit “ben, ça va peut-être me préparer aussi pour mes études”. Et… J’ai réussi l’examen et Sylvie [la soeur], maintenant elle est infirmière. Donc après, je me suis dit “pourquoi pas essayer ça ?” Parce que kiné ça ne me disait plus trop rien… J’avais envie de changer en fait. Et puis, je me suis lancé là-dedans sans vraiment savoir ce que c’était quoi. Je savais ce que c’était une sage-femme mais je n’en savais pas plus. Je ne voulais pas, avant d’entrer à l’école de sage-femme, faire sage-femme spécialement au départ. Et puis, je me suis dit “au pire tu perds un an ou deux mais c’est pas très très grave”. Et voilà ! »« 

Les hommes sages-femmes préféreraient le secteur public au secteur privé comme le montre ce témoignage qui me fait sourire :

« « Vous savez, la clinique c’est vraiment, c’est le médecin tout puissant. Parce que bon, il arrive, il met les gants, il fait naître l’enfant, même si ça fait 12 heures que vous vous occupez de la patiente, c’est lui que la patiente va remercier. (…) À la clinique vous êtes vraiment le petit personnel insignifiant. ». Lionel »

C’est drôle parce que j’ai accouché 3 fois dans le privé et c’est vrai que c’est à peu près l’image… Mais je vous assure que mon « sage-femme », je l’ai remercié bien plus que mon obstétricien. De toute façon, c’est lui qui a eu la chance de faire naître mon bébé.

D’après l’article intitulé « Des hommes chez les sages-femmes« , on apprend que :

« Ce sont des hommes, les médecins, qui détiennent la connaissance et le savoir, après avoir évincé et discrédité les matrones puis limité les sages-femmes dans leur exercice professionnel (Gélis, 1988). La situation qui s’ensuit entérine cette répartition des tâches : aux hommes l’exercice de compétences médicales et scientifiques via les interventions chirurgicales valorisantes et valorisées (césarienne, forceps), aux femmes le rôle d’accompagnement relatif à des compétences attachées aux qualités dites féminines. »

Les sages-femmes ne s’occupent que du côté physiologique de l’accouchement. Dès que la chirurgie entre en compte, c’est le domaine de l’obstétricien.

Il est reproché aux hommes sage-femmes de ne pas savoir faire preuve d’empathie autant que les femmes, ne pouvant se mettre à la place d’une femme accouchant. Mais une jeune sage-femme n’étant pas encore maman en est-elle capable ? Pourquoi les femmes seraient-t-elles plus à même de savoir ?

Par exemple, j’ai accouché 3 fois sans péridurale et n’ai jamais réellement trouver la douleur insurmontable. Si j’étais sage-femme, saurai-je faire preuve d’empathie face à une parturiente hurlant comme si elle allait mourir ? Pas sûre que je sache me mettre à sa place vu mes expériences … Je serai capable de la conseiller, certes, mais elle pourrait vite m’énerver en rejetant mes conseils.

Dernier point que je tiens à soulever, il apparaitrait que ces hommes ne souhaitent pas voir le nom de leur profession modifié, voyant dans le mot « sage-femme » la désignation de la parturiente et non du praticien qui l’assiste.

Cela vous dérangerait-il que votre sage-femme soit un homme ? 

MissBrownie