« – Je voulais montrer à mon enfant qu’une mère n’est pas qu’une poupée qu’il faut embrasser bon gré mal gré. Je voulais dire à Christian que j’étais bonne, forte, vaillante, industrieuse, ingénieuse, intrépide, digne d’intérêt et, peut être même, d’étonnement. J’ai voulu lui dire qu’une mère est l’esclave enchantée de ses enfants. (…) J’ai essayé de vous éblouir, comme un bateleur qui cherche de l’emploi. Et ça n’a pas abouti. » Réjean Ducharme, L’Avalée des avalées.

Ce roman était un peu perdu dans ma bibliothèque. Un rescapé de ma phase littérature québécoise. Je suis tombée nez à nez avec lui en faisant mes poussières. Je ne me souvenais plus de l’histoire. Une honte. Je me suis donc résolue à le relire et ce passage m’a la semaine dernière sauté aux yeux comme une grenade dégoupillée.

Alors que tout du long le roman est mené par la narratrice-héroine Bérénice en conflit permanent avec sa mère cette femme trop belle, trop froide qu’elle ne peut se résoudre à aimer. A ce moment du roman nous assistons enfin à un dialogue entre la mère et sa fille devenue presque femme. Enfin quand je parle de dialogue c’est surtout la mère qui (enfin) s’exprime, exprime sa vision de la maternité et de l’image qu’elle eut voulu que ses enfants eussent d’elle.

Aussitôt j’ai repensé à ma mère et à toutes ces activités « magiques » qu’elle nous proposait à ma soeur et moi. Des gouters magiques avec des recettes toujours plus surprenantes. Des chasses au trésor. Des pique nique improvisés. Ces anniversaires et ces noëls… Et puis j’ai pensé à moi et mes amies à tous nos efforts nous mamans pour faire briller les yeux de nos enfants. Ces sweet table qu’on dirait réalisées par des professionnels. Ces costumes cousus main. Ces sorties programmées à la minute près… Tous ces efforts…

Oui le mot est fort mais nous mamans sommes bien des esclaves enchantées. Sans cesse à la recherche de la chose, du présent parfait. Toujours voulant épater notre enfant, cherchant dans ses yeux de la fierté? De l’amour?
Oui je ne suis pas juste celle qui l’a mis au monde et qui le berce. Je suis et je veux être la plus importante pour lui. Je veux qu’il m’aime et qu’il ait besoin de moi. Mon enfant.

Le mot est lâché. « Besoin ». J’aurai donc besoin qu’il ait besoin de moi. Que son amour me soit du? Que mes efforts payent? Son amour serait donc non pas une évidence un sentiment inné mais une rétribution à mon travail de mère?

Que se passe t il quand on échoue? Comme aux 12 coups de minuit le carrosse redevient citrouille. La fée se change en sorcière. Amour devient haine. Attraction répulsion.

Réponse de Bérénice à sa mère:

« – Je ne veux pas que tu m’aimes! Christian ne veut pas que tu l’aimes! Nous ne voulons rien de toi. Nous n’avons besoin de rien. Nous ne voulons rien accepter de toi. Nous ne voulons rien te devoir. Nous ne voulons rien devoir à personne. Nous n’avons pas besoin de toi. »

La mère cane