Je ne sais pas vous, mais moi je suis passionnée par les différentes visions de la maternité qui existent ou ont existé, au fil des époques et des cultures. C’est donc par un petit retour dans le temps que je vais débuter chez les VI.

J’aime beaucoup parcourir d’anciens documents sur Google ebook, et pour ma première contribution, j’ai envie de partager avec vous un document s’intitulant « Conseils aux mères sur la manière d’élever les enfants nouveau-nés. » , écrit en 1863 par un certain Alfred Donné, médecin français et directeur d’Hôpital à Paris.

En vérité, je m’attendais un peu au contenu que j’allais y trouver, mais j’ai finalement appris pas mal de choses sur les coutumes de l’époque. Par exemple, l’âge du sevrage était fixé à 15 mois. J’ai également été surprise d’apprendre que la diversification alimentaire était recommandée à partir de 6 mois, et devait débuter par du jaune d’œuf cru et des os de poulet à sucer. Ce document était adressé aux femmes du monde, aux femmes lettrées, ainsi qu’à leur praticien.

Je vais ici surtout vous parler de la préface, qui résume plutôt bien la manière dont il était convenu d’agir avec les nouveaux-nés. Dans cette préface, l’auteur nous livre 66 points qu’il affirme être « les principes qui sont la base de l’édifice et sans lesquels on ne peut espérer de faire une bonne éducation. ». Déjà, moi, quand on me parle d’éducation d’un nouveau-né ça m’hérisse les poils des orteils…

« 13. Presque toutes les femmes ont assez de lait pour nourrir leur enfant pendant les premières semaines; ce n’est guère qu’après un ou deux mois que les indices d’un allaitement pauvre se manifeste. »

Peut-être ne connaissaient-ils pas les pics de croissances à l’époque? Un préjugé qu’on rencontre encore de nos jours malheureusement.

« 16. Les femmes du monde qui veulent nourrir doivent renoncer à donner à téter pendant la nuit. »

Les tétées de nuit, c’est un truc de paysannes, un truc de nourrices… d’ailleurs:

« 17. Il est bon que leur enfant ne couche pas près d’elles. »

J’attends plus d’explication sur celle-là, mais je n’en ai pas trouvé dans ce document, j’irai prochainement farfouiller ailleurs pour trouver réponses à mes questions. Je comprends qu’on ne préconise pas le cododo, mais j’aime qu’on me donne des raisons. Mais peut-être que les femmes étaient trop bêtes à l’époque pour qu’on prenne le temps de leur expliquer?

« 19. L’allaitement continué d’une manière inconsidérée, au delà de certaines limites, peut compromettre la vie de la mère. »

En gros, si tu dépasses la date limite de ton lait, tu vas pourrir de l’intérieur et mourir dans d’atroces souffrances…

« 22. Les cris de l’enfant sont une fonction comme une autre, qu’il a besoin d’exercer quelquefois, et il ne les pousse qu’en proportion de ses forces. »

Et ne vous y méprenez pas mesdames, en aucun cas votre descendant n’essaye de communiquer ses besoins. D’ailleurs, selon les croyances de l’époque, les seuls vrais besoins du nouveau-né sont ceux d’être nourri et couché à heures fixes.

« 27. La pauvreté du lait est une des causes les plus fréquentes du mauvais résultat de l’allaitement. 28. L’excès de richesse donne à l’enfant de véritables indigestions. 29. On y remédie en donnant plus rarement à téter, le lait se délayant par son séjour dans les mamelles. »

Lait trop riche, lait trop pauvre, lait qui se transforme en eau si on le laisse macérer un peu plus longtemps dans les seins… Celle-ci est ma préférée:

« 32. Une bonne nourrice doit avoir de vingt-cinq à trente ans, les cheveux bruns, les gencives roses, les formes un peu grosses, le mamelon bien formé, le sein un peu dur et marbré de veines bleuâtres. »

Je trouve fascinante cette incidence de la couleur des cheveux sur la qualité du lait.

« 41. Le sevrage doit être opéré promptement, en quelques jours. »

Je plains toutes les femmes qui ont suivi ce conseil. Engorgement, toussa toussa…

« 46. Quand on voit un enfant rester dans son berceau sans crier et s’y endormir, on peut être sûr que son éducation est bien faite. »

Et un beau bébé bien dressé, un!

« 58. Ne vous occupez pas trop des enfants, et surtout ne leur apprenez pas à s’occuper d’eux-mêmes. 59. Ne leur montrez jamais un intérêt trop marqué. »

Il convenait de mettre beaucoup de distance et peu d’émotions dans la relation mère-enfant. Il était très courant d’avoir recours à des nourrices qui s’occupaient jour et nuit des bébés. Ce que je me demande moi, c’est à quoi ressemblait la santé mentale des mères, combien de « femmes du monde », contraintes par la coutume d’abandonner leur bébé aux mains d’une nourrice finissaient dépressives? Se retrouver avec un ventre vide,et sans son bébé dans les bras, ça doit foutre un sacré coup au moral… Je pense qu’on peut trouver un début de réponse au pourquoi du comment dans la haute mortalité infantile de l’époque. En 1850, un nouveau-né sur 6 mourrait avant d’avoir atteint son premier anniversaire. Il était alors utile aux mères de rester distantes avec leur bébé, ne pas leur imaginer un caractère ou des émotions, pour s’éviter les souffrances causées par la mort de celui-ci? Ce document est consultable gratuitement sur google ebook.

Flora