Oui, nous ne sommes pas jeudi…. mais pour mon retour après ces cinq semaines de congé mat’ neuronal, piaffant d’impatience, je me suis dit que vous ne me tiendrez pas rigueur d’une petite entorse au calendrier officiel…

Cette semaine donc, c’est Mauvais Père, qui en plus de bloguer sur son quotidien shivesque de père au foyer-mais-pas-que, semble avoir plus d’un talent caché (pour en savoir plus, je vous conseille vivement son compte twitter @Mauvais_pere )… et s’il reste sibyllin quant à sa formation académique de biologiste (si j’ai tout bien suivi) il a néanmoins accepté de relever le défi de nous pondre un article documenté en réponse à celui de Kiki the Mum du 27 avril dernier (ce qui vous donne une idée du retard que j’ai dans ma gestion des Guests!!! :P ) sur le brûlant sujet de la contraception masculine. C’est avec grand plaisir que je vous le laisse découvrir!!!

Ah, la contraception masculine… Ce vieux serpent de mer ! Et quel défi que de traiter ce sujet dans un haut lieu de la réflexion féminine que sont les Vendredis Intellos. Trèves de flagornerie et attaquons le sujet.

Après un tour d’horizon des contraceptions masculines existantes, je finirais par donner l’avis d’un spécialiste du marketing pharmaceutique, c’est-à-dire le mien (voilà la déclaration du conflit d’intérêt).

Ça va sans dire, mais c’est toujours mieux en le disant : la contraception

Je n’apprendrais rien à personne en disant que la contraception regroupe l’ensemble des méthodes permettant d’éviter une grossesse provoquée par la fécondation d’un ovocyte pas un spermatozoïde (si ce n’est pas le cas, visiter ce site me semble une bonne chose (Education Sexuelle)).

La contraception en France a connu son essor en 1967 grâce à la loi Neuwirth qui mit fin, d’une certaine manière, à la politique nataliste de l’Etat en autorisant l’utilisation de contraception. Si la contraception féminine consiste à empêcher la fécondation en bloquant l’ovulation ou la gestation, la contraception masculine consiste à empêcher le spermatozoïde d’atteindre l’ovocyte ou en altérant son pouvoir fécondant.

L’Homme et la Femme ont la même importance dans la fécondation, pourtant la contraception est considérée comme incombant à la Femme avec la bénédiction plus ou moins consciente de l’Homme : « La pilule a eu pour effet de libérer efficacement l’activité sexuelle des contraintes procréatives. Mais la principale nouveauté de la pilule a été de placer durablement la responsabilité et la pratique de la contraception sous le contrôle des femmes, à tel point que l’on parle désormais de l’irresponsabilité des hommes en ce domaine » (Giami & Spencer, 2004).

La contraception masculine est perçue comme pouvant limiter cette « irresponsabilité masculine » en la matière.

Le terme de contraception sous entend la notion de contraception médicamenteuse (pilule). Toutefois, il existe de nombreuses autres méthodes de contraception comme le préservatif, la vasectomie, le retrait… (Attention, je n’ai pas dit que toute était efficace)

Panorama des techniques existantes et en développement

Parmi l’ensemble des possibilités contraceptives à disposition de l’homme, certaines sont permanentes (la vasectomie) tandis que d’autres permettent de choisir. Le dispositif le plus connu est le préservatif. En revanche, il semble être davantage perçu comme un moyen de protection contre les MST (VIH en tête) que comme moyen de contraception.

De nombreuses recherches sont en cours afin de développer des méthodes de contraception masculine. Les chercheurs sont optimistes même s’ils reconnaissent de cette technique sera opérationnelle dans plusieurs années. Les méthodes de contraception en développement peuvent être divisées en deux types de catégorie : les techniques hormonales de contraception (qui bloquent temporairement le développement d’un sperme sain) et non hormonales (qui sont utilisés pour empêcher le sperme de pénétrer dans le vagin de la Femme).

Les traitements hormonaux

La spermatogenèse est contrôlée par trois hormones : la testostérone, la LH et la FSH. Cette dernière agit directement sur les spermatogonies pour favoriser la spermatogenèse. La LH augmente la production de testostérone qui permet la bonne maturation des spermatozoïdes.

Les traitements hormonaux en développement concernent principalement la testostérone par la mise au point d’une testostérone synthétique. L’utilisation de cette hormone synthétique permettrait de bloquer la production de spermatozoïdes. Toutefois, au cours des essais, les chercheurs ont mis en évidence que l’utilisation de la testostérone synthétique seule ne permet pas de bloquer à 100% la production et nécessiterait l’emploi de progestatif en complément.

Toutefois, l’efficacité de cette technique semble dépendre de l’origine ethnique du patient sans que l’on sache vraiment pourquoi.

La méthode RISUG

RISUG, pour Reverse Inhibition of Sperm Under Guidance, est une technique contraceptive visant à bloquer la mobilité des spermatozoïdes par l’injection d’un gel dans le canal déférent. Ce gel, composé d’une association de copolymère/styrène/anhydride maléique, permettrait (le mécanisme n’est pas encore très clair) de stopper la mobilité des spermatozoïdes en créant une charge électrique positive annulant leur charge négative. Cette technique assurerait une contraception de 10 ans et présenterait l’avantage d’être réversible grâce à l’ingestion d’un dissolvant chimique.

Développées initialement en Inde, les recherches cliniques sur le RISUG ont été stoppées entre 2002 et 2006 suite à la présence d’effets secondaires importants (gonflement des testicules). Depuis, les recherches ont repris et semblent satisfaisantes avec un agrément pour poursuivre le développement aux USA. Il s’agit à ce jour du candidat le plus sérieux pour la contraception masculine.

Les ultrasons

Autres techniques en développement, les ultrasons (Jouan, 2010). Financée par la Fondation Bill Gates et développée par l’Université de Caroline du Nord, ces travaux devrait permettre une contraception masculine réversible pendant 6 mois en bombardant les testicules d’ultrasons ce qui permet d’appauvrir le sperme. Toutefois, des interrogations restent en suspend autour de la réversibilité de la technique. En outre celle de l’acceptation des hommes à « passer aux ultrasons » n’est pas évidente et pourrait constituer un frein au développement de la technique.

La gendarusse

Justicia gendarussa (la gendarusse) est une plante poussant dans les plaines indonésiennes sous forme de buisson. Plante aux multiples vertus, elle fait partie de la pharmacopée traditionnelle papoue et produit, entre autres, la gendarusine qui a la faculté de bloquer une enzyme impliquée dans la fécondation de l’ovocyte : la hyaluronidase. Cette dernière est sécrétée par le spermatozoïde et lui permet de pénétrer dans l’ovule en détruisant sa paroi.

La production industrielle de cette pilule contraceptive a été lancée fin 2010 par l’Office de coordination du planning familial et est en cours de tests cliniques.

Au final, pourquoi cela n’existe pas déjà, la contraception masculine

Dire que l’Homme est peu concerné par la contraception est à nuancer. La survenue d’une grossesse non désirée n’a pas les mêmes conséquences pour lui que pour la Femme. Cependant, les rares études existantes sur le sujet montrent qu’il s’implique malgré tout, soit en participant au choix de la contraception utilisée, soit en utilisant un préservatif seul ou en complément d’une autre contraception (en relais de la pilule ou suite à un oubli). Dans près d’un couple sur deux, l’Homme a discuté et choisi avec son partenaire le mode de contraception (INPES-BVA, 2007).

A mon sens, la contraception masculine n’a pas un grand avenir sous nos latitudes, et ce, pour plusieurs raisons (Pitié, ne me sautez pas à la gorge tout de suite, j’essaye de trouver les termes les plus justes) :

La contraception est un élément clé de l’émancipation de la Femme

Le droit à la pilule est indissociable du mouvement d’émancipation de la femme observé au cours de la seconde moitié du XXe siècle. La contraception a permis à la Femme d’être maîtresse de son corps en contrôlant sa fécondité, la grossesse n’est plus (forcément) subite. « Lâcher » la contraception, c’est lâcher une partie de cette maîtrise et je ne suis pas convaincu que les femmes soient vraiment prêtes à faire confiance à leur partenaire. Derrière la question de contraception se trouve celle du rapport (conflictuel) Homme/Femme.  Tant que ce « rapport de genre » ne sera pas pacifié, la contraception gardera un caractère « identitaire » pour la Femme.

Rien ne pousse l’Homme à s’investir davantage dans la contraception

A quelques exceptions près, peu d’Hommes se sentent suffisamment militants pour vouloir passer à la vitesse supérieure en matière de contraception. Demandez à un Homme s’il est prêt à prendre tous les jours un cachet pour gérer sa fertilité, vous aurez le droit à des « Je ne suis pas très pour me gaver d’hormones comme ça » ou « y a des effets secondaires désagréables ». Genre ce n’est pas le cas de la contraception féminine… Je ne sais pas si les effets secondaires sont plus désagréables que pour la contraception féminine, mais quand bien même les risques seraient les mêmes, le rapport bénéfice/risque serait bien moindre pour la contraception masculine : le bénéfice perçu pour cette thérapeutique n’est pas évident pour l’homme dans nos civilisations.

Tout est une question de représentation de la contraception. La gendarusse est utilisée par les hommes papous comme contraceptif. A la différence de l’Homme occidental, le papou a tout intérêt à prendre la contraception : s’il désire se marier mais qu’il n’a pas les moyens d’avoir une dot convenable, il a le droit de se marier mais pas celui d’avoir des enfants. Ce droit lui sera octroyé seulement si la dot est complète. En attendant, c’est à lui de mâcher les feuilles de gendarusse. Et non à sa femme.

La contraception masculine n’est pas qu’un problème technique et scientifique, son acceptation doit passer par un travail de fond où la grossesse ne soit plus considérée comme un problème typiquement féminin (Ca ne sert à rien d’avoir de très bons produits pour que personne ne veuille s’en servir). Ce n’est pas simple, c’est long et ça implique que toutes les parties se parlent. A mon sens, la notion de parentalité doit progressivement se substituer à la maternité. Toutefois, on peut toujours trouver des solutions pour que l’homme se sente impliqué très rapidement, en rendant automatique les tests de paternité ainsi que la reconnaissance de l’enfant (et donc l’ouverture d’une pension) par le père biologique. En frappant au porte-monnaie, je pense que les Hommes se sentiront très rapidement concernés, même si cela pose quelques problèmes éthiques (la paternité passe-t-elle forcément par la biologie ?) et de procédures (rappelez moi la part des hommes au sein de la représentation nationale ?)

BIBLIOGRAPHIE

  • Education Sexuelle. (s.d.).
  • Giami, A., & Spencer, B. (2004). Les objets technique de la sexulité et l’organisation des rapports de genre dans l’activité sexuelle : contraceptifs oraux, préservatifs et traitement des troubles sexuels. Revue Epidemiol Santé Publique n°52, 377-387.
  • INPES-BVA. (2007). Les français et la contraception.
  • Jouan, A. (2010). Contraception masculine : La piste des ultrasons.