La semaine dernière, Drenka nous présentait sur les VI sa lecture critique de l’ouvrage de Michel Odent « Le bébé est un mammifère ». Son post très détaillé, et très intéressant, a suscité de nombreux commentaires, parmi lesquels une discussion sur la polygamie qui a dérapé, si j’ose dire (et c’est un peu ma faute !) sur l’orgasme… Je rappelais alors un souvenir de fac (il y a 17 ans ;-) :
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Un prof d’éthologie (science du comportement animal) nous relatait une étude concluant qu’une femme a plus de chance d’être fécondée par son amant que par son mari (son corps privilégiant le sperme de celui avec lequel elle fait l’amour moins souvent mais a le plus de plaisir – au passage, l’orgasme féminin aurait donc une fonction reproductive, entre autres, ce qui est contesté par beaucoup…) Bon maintenant, faudrait pouvoir remettre la main sur cette étude…
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Et voilà ce que répondait Drenka :
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Sur le rôle de l’orgasme, ce serait à creuser, mais je pense à manier avec beaucoup de prudence ! Par exemple, comme je suis infertile, on m’a souvent suspectée de frigidité ! C’est d’autant plus culpabilisant qu’en PMA, les rapports intimes sont programmés, se doivent d’être fréquents, que les hormones artificielles changent la libido et l’équilibre de la flore vaginale (et peuvent donner des mycoses en passant, miam), et que tout ça n’est pas franchement favorable à l’orgasme… Mais enfin si tu as des infos là-dessus je suis preneuse (et j’ai pleins de questions! Si l’orgasme n’est pas simultané, ca marche quand même? Genre on a une deuxième chance au grattage?) (ahem)
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Comme à chaque fois, Drenka m’a fait sourire tout en interpellant (et c’est ce que j’apprécie tout particulièrement sur les VI, merci mesdames !) Quoi ? Certains associeraient subfertilité et frigidité ?! Mon sang n’a fait qu’un tour. Donc, voilà, aujourd’hui j’ai eu envie de vous parler orgasme ET fertilité.
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Quelques précautions d’usage d’abord (oui, on ne sait jamais…) : je ne relate ici aucun avis personnel, n’affirme aucune vérité scientifique (je ne fais que relater les résultats et hypothèses issus de travaux de certains chercheurs), et je n’ai rien à prouver. Et surtout, je ne réduits pas l’homme, et encore moins la femme, à un animal comme les autres. Il y a bien évidemment une dimension culturelle, psychique et psychologique considérable dans notre sexualité (n’oublions pas que notre cerveau est notre premier organe sexuel), mais tel n’est pas mon propos là et maintenant. (voilà, ça c’est fait…)
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Alors revenons d’abord sur les basiques…
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L’orgasme, le 7e ciel, la petite mort, le pied incroyable, l’acmé… avant d’y avoir goûté on ne sait pas très bien ce que c’est, et même, on n’est pas sure d’arriver à le reconnaître le jour où ça arrivera. C’est un peu comme les contractions pour une nullipare ! Avant on s’interroge, après, on n’a plus aucun doute. Biologiquement, qu’est ce qui se passe pendant un orgasme féminin ? Voilà ce qu’en dit un article de la Revue Médicale Suisse intitulé « Traitement pharmacologique des dysfonctions sexuelles féminines : chimère ou réalité ? » :
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Chez la femme l’orgasme est caractérisé par 3-15 contractions involontaires du troisième externe du vagin, par des fortes contractions de l’utérus, partant du fundus vers le col, et des contractions involontaires des sphincters interne et externe de l’anus. Ces contractions se produisent à un rythme avec des intervalles de 0,8 seconde. De plus, il y a la contraction volontaire et involontaire des grands muscles, des muscles faciaux et un spasme carpo-pédal. La tension artérielle augmente de 20-40 mmHg (systolique et diastolique) et la fréquence cardiaque arrive à 160 battements/minute. L’orgasme dure normalement entre 3 et 25 secondes et est associé à une faible diminution de l’état de conscience.
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Par ailleurs, plusieurs études ont montré qu’après l’orgasme, le taux d’ocytocine dans le sang était plus élevé et que cela supportait donc l’hypothèse du rôle de cette hormone dans le comportement sexuel humain (ouh lala sujet sensible l’ocytocine, donc je ne m’étendrai pas plus sur ce point !) Et bien sûr, il y a une dimension neurologique voire philosophique dans l’orgasme, oh combien importante, et qui fait qu’on ne peut résumer le plaisir à des contractions vaginales. (Il paraît d’ailleurs que les vaches ont des contractions vaginales rien qu’à la vue du taureau ! cf 1)
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La fertilité : capacité théorique à se reproduire (le terme exprime donc une possibilité). À ne pas confondre avec fécondité : résultat de l’activité reproductive (où il est donc question de réalisation) Une femme peut être fertile sans être féconde, l’inverse n’étant possible qu’à grand renfort de techniques médicales…
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Donc, en fait, mon propos ici est plutôt de parler des connexions entre orgasme féminin et fécondité. Autrement dit, l’orgasme féminin a t’il un rôle à jouer dans le succès reproducteur ? Vaste, très très vaste question, débattue depuis des dizaines d’années et même quelques siècles. Je vous ferai gré de l’historique de tout ça, il est par ailleurs très bien résumé dans un article de la revue « Sciences Humaines », à propos du livre « Le Secret des femmes. Voyage au cœur du plaisir et de la jouissance » de Élisa Brune, journaliste scientifique, et Yves Ferroul, sexologue (éd. O. Jacob, 2010).
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Vu ce qui se passe physiquement lors d’un orgasme féminin au niveau du vagin, les spécialistes (des hommes majoritairement, évidemment) ont longtemps avancé qu’il avait comme fonction de faciliter l’éjaculation masculine puis l’ascension du sperme à travers le vagin et l’utérus jusqu’à la rencontre de l’ovocyte (c’est la joliment nommée upsuck theory). Cela semble assez logique. En même temps, ça permettait à ces messieurs de ne voir en l’orgasme féminin qu’une fonction reproductive (ne leur parlez surtout pas de plaisir, ça leur fait peur !!)
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Ainsi une étude publiée en 1993 dans la revue scientifique « Animal Behaviour » (et c’est à mon avis celle là à laquelle se référait mon prof d’éthologie) apporte plusieurs éléments qui supportent cette hypothèse. Elle montre même que  :
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Le volume de sperme retenu dans le tractus génital de la femme est plus important lors de coïts extraconjugaux par rapport aux coïts avec son partenaire régulier, ce serait lié à la survenu plus importante d’orgasmes non simulés.
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Et hop, on est en plein dedans ! C’est ainsi que beaucoup de spécialistes pensent aujourd’hui que l’orgasme féminin est une des clés de la fécondité. Et donc, comme le dit Drenka, certains de suspecter un lien entre subfertilité et frigidité. Non content de mettre la pression sur les femmes qui n’arrivent pas à avoir d’enfant, voilà en plus qu’il faudrait qu’elles prennent du plaisir sur injonction médicale ! Il paraît même que certains experts en fertilité conseillent aux femmes qui viennent de se faire inséminées artificiellement de se coucher sur le dos et de se masturber pour avoir un orgasme juste après l’insémination…
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Alors oui ou non, l’orgasme a t’il une influence sur la fécondité ?
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Eh bien jusqu’à présent aucune étude ne le démontre clairement… Voilà, il y a bien lien entre orgasme féminin et rétention de sperme, mais rien qui démontre que cela conduit à plus d’ovocytes fécondés et de grossesses menées à terme. En effet, il suffit d’un seul spermatozoïdes pour faire un bébé !
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Il est évident que l’orgasme féminin n’est pas indispensable à la fécondité, sinon ça se saurait (les spermatozoïdes, enfin certains, se débrouillent très bien tous seuls pour trouver le chemin). Il est des femmes, et je n’ose dire beaucoup de femmes (les pauvres), qui ont eu des enfants sans jamais connaître ce plaisir ! (il y a notamment  quelques études sur des femmes ayant des lésions de la moelle épinière, d’où une paralysie du bas du corps et donc du tractus génital, qui ont eu des enfants naturellement).
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Alors pour une femme, un couple, qui subit déjà beaucoup de pression parce qu’ils ont du mal à faire un enfant, la pression supplémentaire de l’orgasme féminin à tout prix, est à mon avis totalement inutile voire contreproductive (et peut-être même pire). Et puis accéder à l’orgasme quand votre médecin vous l’a recommandé, comment dire, cela me paraît un peu compliqué…
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Image extraite de la série Coït de Frédéric Delangle, 2006
www.fredericdelangle.com

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Mais alors pourquoi l’orgasme féminin  ?!
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Les hommes, les mâles, perplexes devant une telle question, ont échafaudé une multitude d’hypothèses des plus farfelues au plus séduisantes (aucune n’a été réellement et irréfutablement prouvée, je précise, cela ne signifie pas pour autant qu’elles sont toutes dénuées d’intérêt)  :
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– la recherche du plaisir inciterait les femmes au coït, et donc par conséquent à se reproduire et avoir une descendance.
– l’orgasme serait plus facile à atteindre avec des hommes qui présentent un meilleur bagage génétique, et donc aurait une fonction de sélection.
– la relâche musculaire et l’étourdissement qui suit l’orgasme inciterait la femme à rester allongée, ce qui favoriserait le trajet du sperme jusqu’aux ovocytes et donc la fécondation en elle-même.
– les hormones, et notamment l’ocytocine (toujours elle, hein hein, voyez comme elle nous nargue !) impliquées dans l’orgasme favoriserait l’attachement au partenaire et l’établissement d’un couple stable propice à la croissance et l’éducation des enfants.
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Mais aussi :
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– l’orgasme serait une conséquence, comme un héritage fortuit, de notre passé commun avec le sexe masculin : au cours du développement embryonnaire, les appareils génitaux féminins et masculins passent par une phase commune, à terme le clitoris avec sa petite partie externe mais surtout toute sa grande partie interne et ses racines nerveuses étant une structure jumelle du gland et du pénis… (je mentionnais déjà cette histoire de développement embryonnaire et de passé commun dans mon précédent post sur Le sein paternel)
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– la fonction de facilitation de la progression du sperme dans le tractus féminin aurait joué un rôle important dans la reproduction de nos ancêtres mais elle aurait perdu de son importance chez l’être humain (pour le savoir, faudrait étudier la question chez nos proches cousins, les grands singes !)
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Voilà, pour résumer, et quoi qu’en disent certains, il n’y a aucune preuve aujourd’hui que l’orgasme féminin favorise la fécondité à proprement dit. Et la question de savoir pourquoi l’orgasme féminin existe excite encore beaucoup notre imagination et celles des scientifiques. N’empêche, si on en revient au plaisir, la meilleure façon pour accéder à l’orgasme, n’est-ce pas de ne se poser aucune question et de lâcher prise ? Alors oubliez tout ce que vous venez de lire ! ;-)

Miliochka
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1 : Sur le blog les 400 culs d’Agnès Giard, un article passionnant sur la recherche de l’existence ou non de l’orgasme chez d’autres espèces animales, toujours tiré du livre « Le Secret des femmes. Voyage au cœur du plaisir et de la jouissance » de Élisa Brune et Yves Ferroul.
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