Devenir père, cela n’est pas simple. Loin des injonctions faites aux mères – dont l’instant maternel est enfin reconnu comme n’étant pas automatique -, les pères ne sont pas forcément mieux lotis. Ils sont parfois laissés pour compte. Preuve en est la place que le père a dans la préparation dite « classique » à l’accouchement : mis à part le fameux entretien du 4e mois, à aucun moment le père n’est pris en considération.

Je me rappelle que mon Ours était le seul futur papa à être là à tous les rendez-vous, que ce soit chez le gynéco, pour l’échographie ou les cours de préparation. Pour lui c’était normal : cela l’aidait à concrétiser le fait qu’il allait devenir père. Il ne portait pas son enfant, être là de cette manière était pour lui une évidence. Et pour moi aussi : l’enfant que je portais, fruit de notre amour, n’était pas plus à moi qu’à lui. Cet enfant allait avoir deux parents : autant qu’il le sache dès le départ ! Je lui avais même vivement conseillé la lecture d’un livre signé par le grand René Frydman « Devenir père » dont j’ai parlé dans un de mes premiers billets de participation aux Vendredis Intellos.

C’est donc tout naturellement que je me suis jetée à corps perdu dans le commentaire d’un chouette article de l’Express paru pour la fête des pères « Devenir père, un chemin progressif » lorsqu’il a été proposé même si cet article est bourré de fautes d’orthographe. Le principe de l’article : Benoît Le Goëdec répond à des questions de futurs papas. Alors Benoît est maïeuticien, sage-femme quoi. Et il Å“uvre pour la place des pères. C’est un peu mon chouchou (ou c’était). Même si mon esprit étriqué – oui oui, je l’assume – ne conçoit pas d’avoir un homme pour sage-femme. Oui, il a pas d’ovaires ni d’utérus… Je sais, je te choque. C’est mon (mauvais) côté chienne de garde. Cela dit, cela ne l’empêche pas d’être tout à fait compétent.

Donc cet article est fort passionnant déjà de par les questions posées par les pères : cela permet de savoir un peu ce qui se passe dans leur petite tête. Parce que durant la grossesse, on a du mal à savoir le fin mot de l’histoire quant à leur vécu face à cet événement incroyable qu’est la naissance. La pudeur, la retenue… Pas facile de leur tirer les vers du nez. Et parfois, face à nos angoisses, ils ne veulent pas nous affoler avec les leurs. Mais à qui parlent-ils alors ? Les copains ? Leur père ? Hum. Je pense qu’ils sont parfois bien seul en tête-à-tête avec leurs émotions…

Outre le fait que certaines questions sonnent comme des clichés « Faut-il préparer la chambre longtemps à l’avance ? », « Difficile de trouver sa place entre maman et bébé lorsqu’il est arrivé… Avez-vous des conseils ? » « assister à l’accouchement et couper le cordon sont les plus beaux de tous les moments que nous puissions vivre en tant que premiers pas de père, vous ne pensez pas ? » – peut-être un choix de la rédaction -, les réponses sont pour le moins controversées… et très lisses. Il répond à un homme qu’après tout faire le choix de ne pas assister à l’accouchement peut être explicité auprès de la compagne – « Dites lui qu’elle ne sera pas seule (…) Que vous allez errer dans le couloir très proche et que pour l’homme c’est l’attente, ne rien faire d’autre quand elle accouche qui lui permet de le vivre. »-, mais que voir naître l’enfant et l’avoir en peau à peau est un grand moment… Il ne prend pas parti, très bien. Mais à mon sens il répond sans répondre. N’est-il pas là pour rassurer les futurs papas mais aussi pour les informer vraiment. Informer vraiment permet d’avoir vraiment le choix. Et là, j’ai l’impression que ce sont des réponses de Suisse. Donner une place aux pères consiste uniquement à respecter leurs points de vue pas toujours éclairé par manque de connaissances sur l’accouchement, la naissance, les premiers mois de vie ? Peut-être cette impression naît du format de l’article, qui ne met pas du tout en relation les questions entre elles…

On apprend néanmoins que « les inquiétudes récurrentes des futurs pères […] sont le post-natal: la responsabilité nouvelle, la place que l’enfant prend dans le couple et la maternité de leur femme. La deuxième est l’accouchement: la peur de la douleur de l’autre, le sentiment d’impuissance. »

Un point m’interroge, m’a presque choqué en fait, quand Benoît Le Goëdec dit : « Les femmes ont beaucoup d’espace de paroles: consultations, échographie, préparation à l’accouchement…  » Certes on a des espaces « matériellement » parlant de paroles, mais cela ne veut pas dire que nous avons loisir de nous exprimer. Å’uvrer pour les pères d’accord, mais il faut aussi remettre dans le contexte : le manque d’accompagnement de la maternité et de la paternité est symptomatique d’une médecine en tension où le temps et l’humain ont de moins en moins de place non ? Il me semble, mais cela n’engage que moi…

Pour finir, en ce qui concerne le rôle que Benoît Le Gaëdec invite l’homme à avoir, il me semble un peu « macho » et un peu dénué de l’essentiel, à savoir d’aider la mère à bien vivre son rôle, avoir un rôle de soutien.

Prenez du temps pour les soins du nouveau-né : bercer, changer, endormir, laver. Et faites le seul, sans que la mère ne vous donne des conseils. C’est un des premiers axes. Ensuite, cela dégage du temps pour la mère qui peut se repenser femme. Donnez lui aussi des marques d’attention, de séduction. Elle n’est pas que mère, vous n’êtes pas que père. Et ensuite, laissez un peu de temps. Tout a changé, vous n’êtes plus les mêmes et il faut poser un nouveau regard sur soi et sur l’autre. Rassurez la mère pour qu’elle soit en mesure de vous laisser l’enfant. Votre place de père est d’autant plus facile à prendre que vous êtes l’homme qu’elle aime. Et inversement.

Je dirais plutôt « votre place de père est d’autant plus difficile à prendre que vous êtes l’homme qu’elle aime. » Découvrir l’autre dans son rôle de parent, encore imparfait et en devenir, peut, à mon sens, mettre à mal le couple amoureux et la construction du couple parental.

Si le père est une sorte de modérateur dans la dyade mère-enfant, il est important qu’il soutienne la mère et surtout, surtout, le meilleur conseil qu’il aurait pu donner Benoît : ne JAMAIS la critiquer ou la comparer à sa propre mère. Voilà un vrai conseil qui éviterait certains hommes de tomber à pieds joints dans cet écueil très dommageable pour lui comme pour la maman.

Et vous, que pensez-vous de cet vision donné par cet article ? Est-ce que j’ai poussé le bouchon un petit peu trop loin Maurice ?

Je vous invite à suivre les participations de la semaine prochaine : ce même article sera commenté (roulement de tambour)… par un homme !! Oui, le premier des VI !! J’ai nommé Julien de www.pere-de-famille.fr. Alors ne manquez pas les prochains VI !! :)

Kiki the mum