Cet après-midi là, à la ludothèque, deux enfants de 12 mois se rencontrent. L’un d’eux est mon fils. Sans encore jouer véritablement, les bébés prennent manifestement du plaisir à découvrir ensemble les lieux et gazouillent gaiement l’un à l’adresse de l’autre. L’autre mère et moi engageons la conversation. Tout d’un coup, le nouveau camarade de Minidoux attrape avec enthousiasme une mèche blonde de mon fils et tire dessus comme il le ferait avec une poupée. Minidoux grimace. Illico, la mère de l’autre bébé se jette sur son bambin et lui administre une violente fessée. 

Sidérée par le traitement infligé au petit touche-à-tout, j’ai juste réussi à bredouiller quelque chose du style « ne le frappez pas, mon fils n’a rien du tout ». « Je sais qu’il le fait exprès », m’a répondu l’autre mère. Pour être franche, j’étais horrifiée de voir que l’on puisse frapper ainsi un enfant à l’aube de sa deuxième année sans paraître éprouver le moindre remord.

Lorsqu’on commence  à lire sur l’éducation sans violence, que ce soit sur Internet ou dans les livres de Gordon ou de E. Faber et A. Mazlish, on voit d’un autre œil les comportements des adultes confronté à un enfant récalcitrant. Chaque jour, au parc, à la ludothèque ou sur le chemin de l’école, nous entendons des adultes excédés nier les sentiments des enfants (« non tu n’as pas mal », « Tu as froid ») ou pire les agresser verbalement ou physiquement. Lorsqu’on essaye d’éduquer ses propres enfants avec plus de bienveillance, il devient vite difficile d’assister à de telles scènes sans broncher. Bien trop souvent, dès que nous sortons à des endroits susceptibles d’accueillir des enfants, nous assistons à de pénibles scènes.

Reste qu’il est délicat d’intervenir, qui plus est de façon efficace.  C’est pourquoi j’ai apprécié un  extrait de la Véritable nature de l’enfant de Jan Hunt, ouvrage que j’ai découvert pas plus tard que la semaine dernière. Le livre consacre un chapitre à la façon de prendre le parti d’un enfant en public (même si j’avoue ne pas être inconditionnelle du reste du bouquin). Selon l’auteur, on hésite souvent à intervenir pour ne pas remettre en cause de façon blessante l’autorité des parents. Pourtant, si on se contente de passer son chemin, on signifie à l’enfant que sa détresse  n’a pas d’importance. En intervenant, on lui ouvre  au contraire une porte vers l’espoir, qui donnera peut-être un nouveau cours à sa vie. Pour Jan Hunt, pour maximiser ses chances de faire mouche, la clé est d’intervenir dans une intention bienveillante : porter de l’aide à l’enfant, mais aussi au parent qui se trouve en difficulté. Notamment, 4 pistes sont suggérées :

« 1/ Nous devons montrer de l’empathie aux parents « c’est vraiment difficile avec un bambin qui a tant de choses à découvrir dans un magasin »

2/ Nous pouvons ensuite partager un souvenir de notre propre enfance « Je me souviens à 4 ans, mes parents m’ont vu prendre un jouet, mais je n’avais pas compris qu’il s’agissait d’un vol… »

3/ Puis nous pouvons nous tourner vers l’enfant avec empathie : « ce doit être effrayant de voir ton papa se fâcher comme cela ». On peut rajouter une phrase du type « c’est un chouette jouet, et ce doit être difficile de le laisser ici au magasin… »

4/ Enfin, on peut faire une suggestion : « mon enfant a trouvé cela très aidant de faire une liste de souhaits pour toutes les choses qu’on ne peut pas acheter tout de suite. Peut-être trouveriez-vous cela aidant également ».  » 

Pour Jan Hunt, il faut chercher ce que nous aimerions entendre si quelqu’un était témoin de notre énervement. Lorsqu’on se met à la place du parent à bout de nerf, on n’intervient plus pour juger et blesser le parent défaillant mais pour offrir son aide. D’ailleurs, malgré toute notre bonne volonté, n’avons-nous pas tous été un jour le parent excédé par le comportement en public de sa progéniture ?

Reste que pour prendre le parti d’un enfant en public, il faut encore briser la règle implicite qui interdit de se mêler des affaires des autres. Pourtant lorsque quelqu’un souffre, et a fortiori lorsqu’il s’agit d’un enfant, c’est toute l’humanité qui devrait se sentir concernée. Si l’intervention en faveur d’un enfant auprès de parfaits inconnus demeurera, je pense, toujours un art extrêmement délicat,  l’approche bienveillante proposée par cet extrait me donne envie de briser ce tabou.

Flolasouricette