Un cri dans la nuit – les terreurs nocturnes

Deux heures que les poulettes sont au lit, enfin le temps pour un dîner en tête à tête avec mon homme, une bonne bouteille, de la musique douce quand soudain… un cri qui déchire ! Mais que se passe t’il donc dans la chambre de petite poulette ?! L’attaque du grand méchant loup ? Un gros tsunami dans la couche ? La disparition du doudou chéri ?

Action, réaction !
Je me précipite, prends Petite Poulette – 18 mois – dans mes bras, lui parle pour la calmer, lui colle son doudou dans la main, lui propose à boire… Le schéma classique du parent qui rassure. Mais rien n’y fait. Rien, absolument rien. C’est même pire. Elle se débat, elle est toute transpirante. Elle hurle de plus belle, balance doudou, refuse le biberon. Et moi je me trouve bien démunie… Ca dure, ça dure, et je ne sais comment stopper ça.

Et puis d’un coup, paf, elle s’arrête aussi vite qu’elle a commencé ! Elle se calme instantanément, esquisse même un sourire puis cale doucement sa tête dans mon cou, en me serrant fort. Voilà, la crise est passée, et moi je n’ai rien compris à ce qui venait de nous arriver.

Je viens de faire connaissance avec ce qu’on appelle une terreur nocturne. À ne pas confondre avec les cauchemars. Non non, rien à voir. Vous pensiez que le sommeil des enfants était un monde bien mystérieux ? Voilà un nouveau continent à explorer !

Le site canadien Naître et Grandir (qui affiche semble t’il une certaine rigueur scientifique et parle sans prosélytisme ni manichéisme de nombreuses situations liées à la parentalité…), présente cela très bien ici :

La terreur nocturne survient pendant le sommeil profond, en début de nuit (alors que les cauchemars ont lieu durant la phase de sommeil paradoxal, plutôt en fin de nuit, ndlr) et est beaucoup moins fréquente que le cauchemar. L’enfant s’agite, hurle et semble terrifié. Même si celui-ci a les yeux ouverts, il s’agite dans tous les sens et manifeste une peur intense pendant 1 à 20 minutes. Il ne vous reconnaît pas et n’a pas conscience de votre présence. Il est agressif et ne supporte pas qu’on le touche ni qu’on le tienne.

 Oui oui, je confirme, cela décrit parfaitement ce que vient de nous faire Petite Poulette ! Mais alors, c’est quoi cette terreur nocturne ?! Pour mieux comprendre cet étrange phénomène, rien de mieux qu’un petit tour sur le site de la Société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil, proposé par des laboratoires scientifiques lyonnais (oui, depuis les travaux de Michel Jouvet sur le sommeil et les rêves il y a des dizaines d’années, Lyon est l’une des capitales internationales de la recherche sur le sommeil…). Alors voilà ce qu’on peut y lire dans un document de Marie-Josèphe Challamel (pédiatre, chercheuse Inserm dans le labo de Mr Jouvet lui-même) sur les parasomnies de l’enfant :

La fréquence des terreurs nocturnes répétitives se situe entre 1 et 3 % chez l’enfant de moins de 15 ans. Leur fréquence est un peu plus élevée, 6 %, chez les enfants d’âge pré-scolaire. Elles sont en fait probablement beaucoup plus fréquentes chez l’enfant de moins de deux ans, mais passent inaperçues, les parents et les médecins trouvant tout à fait normal qu’un nourrisson se mette à hurler brutalement au cours de son premier sommeil. Les terreurs nocturnes sont plus fréquentes chez les garçons et chez les enfants ayant des difficultés psychologiques. Elles sont favorisées par le stress, la fièvre, les rythmes de sommeil irréguliers.

Plus loin elle rentre dans les mécanismes physiopathologiques (allez n’ayez pas peur, un peu de science ne peut nuire à personne !) :

Terreur nocturne et somnambulisme partagent certaines caractéristiques cliniques : la survenue au cours du premier tiers de la nuit, l’existence d’une amnésie immédiate et subséquente, la survenue au cours d’un sommeil lent profond.

 Ces caractéristiques sont liées aux mécanismes physiopathologiques de ces parasomnies qui correspondent à un éveil dissocié, survenant en sommeil lent profond, à la fin du premier ou du deuxième cycle de sommeil, peu avant l’apparition d’une première phase de sommeil paradoxal qui sera généralement ratée. Eveil dissocié avec activation motrice (somnambulisme) et/ou neurovégétative (terreurs nocturnes et somnambulisme terreur) alors que le cortex reste probablement en sommeil lent profond ce qui explique l’amnésie.

 Pour Kales, ces réactions d’éveil à ondes lentes sont la persistance, chez l’enfant présentant des parasomnies, de réactions d’éveil immatures observées physiologiquement chez 85 % des nourrissons de 1 à 2 ans, mais chez 3 % seulement des enfants de 7 à 9 ans.

 

Bon, j’en comprends que tout se passe comme si une partie du cerveau était éveillée alors que l’autre est encore profondément endormie. D’où l’impossibilité immédiate de calmer son enfant, d’où l’amnésie par la suite. Et à cela rien d’anormal ou de pathologique mais seulement un cerveau encore en plein développement qui a du mal à trouver ses marques dans le sommeil… Dis comme ça, c’est passionnant pour qui s’intéresse aux méandres du cerveau humain. Mais sur le moment, je vous assure que c’est beaucoup moins drôle !

C’est bien joli, je me sens un peu moins bête, enfin dans l’absolu, mais dans la pratique, je fais quoi moi avec Petite Poulette quand la crise revient la nuit suivante ?! Parce que oui, on y a eu droit plusieurs fois ! Alors ?

Eh bien rien de particulier, les spécialistes conseillent de rester près de l’enfant, de ne pas tenter de le réveiller, patienter jusqu’à la fin de la crise (et des coups de pieds, et des cris, et des larmes…) En général, avec Petite Poulette, ça ne dure jamais plus de 10 minutes. Je la garde dans mes bras même si elle se débat, je lui parle tout doucement, voire chantonne. Enfin c’est déjà très long 10 minutes comme ça quand on ne sait pas à quoi on a affaire !

La crise passée, prenons un peu de recul. Toujours d’après MJ Challamel :

Pour la plupart des parasomnies, qu’il s’agisse de terreurs nocturnes ou de somnambulisme, un traitement médicamenteux n’est pas nécessaire. Il est important, en revanche, de rassurer les parents et l’enfant, notamment en expliquant les mécanismes physiopathologiques. Chez les enfants plus jeunes, il faudra réorganiser les rythmes veille-sommeil, éventuellement en restaurant une sieste dont la durée et l’horaire dans la journée seront attentivement observés.

 

Pour ce qui concerne Petite Poulette, réfléchir un peu au contexte a suffi à nous rassurer. Les premières crises sont apparues environ quinze jours après son entrée en crèche vers l’âge de 18 mois. Alors qu’à la maison elle faisait des siestes d’environ 2 heures, les premiers temps à la crèche elle ne dépassait pas 25 minutes de sieste, soit à peine un cycle de sommeil. Et puis que d’émotions avec cette découverte de la vie en communauté ! Et en plus elle était en train, enfin, de se lancer dans ses premiers pas ! Pas étonnant donc que le soir, ces terreurs se déclenchent parfois. Une fois qu’on a compris ça, qu’on s’est armé de patience pour affronter ses terreurs nocturnes sereinement, qu’elle a peu à peu trouvé ses marques à la crèche, qu’on a parlé avec elle de ses journées et parlé avec le personnel de la crèche de ses parasomnies, progressivement tout est allé beaucoup mieux.

Et d’ici quelques mois ou années, dans le monde mystérieux du sommeil des enfants, de nouveaux continents seront à ré-explorer, celui de la Peur du noir, du Monstre dans le placard et du Pipi au milieu de la nuit… Youpi !!

Miliochka

Post scriptum :

Plus d’articles sur le sommeil de l’enfant, c’est ici sur le site de la Société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil. Une vraie mine d’or !

24 réflexions sur “Un cri dans la nuit – les terreurs nocturnes

  1. Merci pour cet article!! C’est tout à fait ce que nous avons en ce moment avec ma fille de 18 mois! Un réveil (ou plus) en début de nuit, des pleurs inconsolables mais qui ne durent jamais très longtemps! Maintenant je comprends mieux ce qu’il se passe pour elle!

    • Oui ! Quand on ne sait pas cela peut être très effrayant. Une fois que l’on comprend mieux et qu’on s’interroge sur ce que vit son enfant en ce moment, cela devient beaucoup plus facile…

  2. Tiens je me demande si ce n’est pas ce qui nous arrive en ce moment avec ma fille de deux ans. Je mettais ça sur le compte des dents…
    Un réveil en hurlant (une fois elle était au pied du lit face au mur), inconsolable quoi qu’on lui dise, elle ne répond pas à nos questions. Ca peut durer un petit moment…
    Et maintenant que je vois qu’ils parlent de siestes pour résoudre le soucis… Justement, à deux ans, la plupart du temps elle fait encore deux siestes en journée, une d’une heure le matin, une de 2-3 heures l’après midi avec sa soeur. Mais quand sa soeur est à la maison, bien souvent elle ne fait pas la sieste le matin. Et donc, je suis en train de me demander si elle ne nous ferait pas ça justement quand elle ne fait pas la sieste du matin… Peut être qu’on va attendre pour la supprimer cette sieste du matin !
    Et bien ces informations sont intéressantes, et j’essaierais de voir si effectivement, on peut se dire que ces crises font parties des terreurs nocturnes et s’il y a un lien avec les siestes faites dans la journée !

    • D’après ce que j’ai lu dans la littérature scientifique (et notamment des études de cas), c’est plutôt le manque de sommeil dans la journée et/ou l’irrégularité des siestes qui semblait être l’un des éléments déclencheurs des terreurs nocturnes.
      Ceci dit c’est une très bonne idée que d’essayer de repérer ce qu’il s’est passé dans la journée de ta fille quand ces terreurs apparaissent pour mieux comprendre ce phénomène ! En tout cas, pour notre petite poulette cela a été flagrant : sieste trop courte à la crèche.

        • Pardon j’avais compris l’inverse (ouh la la, mes neurones sont en vacances aujourd’hui !!)
          Alors ta fille est une grosse dormeuse qui a encore besoin de ses deux siestes dans la journée !

  3. Ah le sommeil de nos enfants, que de mystères pour nous parents… Les cauchemars, on connaît, facile. Les terreurs nocturnes, merci pour ton article Miliochka , je connais mais bon avec 5 amours, un peu logique, hein ;) Je vous annonce qu’il existe encore un truc étrange, et sans pour autant être courant, n’est pas si rare : le somnambulisme infantile ! De quoi faire un article ou pas ?? sans doute ! En tous les cas, pas trop d’inquiétude si cela arrive à l’un de nos enfants… tant qu’il n’ouvre pas la fenêtre ou ne sort pas de la maison ^^ J’ai des trucs pour qu’ils retournent se coucher… en douceur ! ;)

    • Ah oui ! Un article sur le somnambulisme serait certainement très intéressant !
      MJ Challamel en parle un peu dans l’article que je cite mais je suis sure que tu trouveras plein de choses aussi sur site de la Société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil.

  4. Merci pour cette participation très intéressante pour moi qui suis maman d’un petit de treize mois… Je n’ai pas encore été confronté à ce problème et j’ai la chance d’avoir un bon dormeur qui se réveille très peu ( seulement en cas de couches inondées et d’encombrement nasal ). En tout cas, je garde toutes ces informations dans un coin de ma mémoire pour l’avenir !!! Et contente que tout soit rentré dans l’ordre grâce à vos recherches et votre amour…

  5. Moi j’ai connu ça avec PMH, c’était durant la grossesse de GPL… il se réveillait et hurlait pendant près d’une demi-heure tel que tu le décris… à l’époque je n’avais pas fait le lien avec les terreurs nocturnes et je peux te dire que je me suis culpabilisée…à mort!!!

    • Quand on ne sait pas ce que c’est, c’est effectivement terriblement troublant pour les parents !

  6. Merci pour cette article.
    Je me demande si je n’ai pas changé la lampe de notre chambre pour rien: Nous avions une énorme suspension boule chinoise en papier, blanche a pois noire comme lampe. Notre bébé se mettait soudainement à HURLER au beau milieu de la nuit, en pointant du doigt la lampe… J’en ai déduit qu’il en avait peur… Peut-être pas donc…

    • Ben peut-être bien que la lampe n’y était pour rien ?!
      Merci pour la photo : Petite Poulette fait la sieste dans le TGV…

  7. Pingback: Surmonter les crises [mini-débriefing] « Les Vendredis Intellos

  8. Je suis québécoise. Utilisez sans crainte naître et grandir, il s’agit ici d’une référence pour les parents.
    Au plaisir de vous lire!!

  9. Merci Miliochka pour cet article ! ça fait quelques nuits que mon fils se réveille en hurlant, exactement comme tu le décris. Et ce matin, en y réfléchissant, j’ai eu le terme de « terreur nocturne » dans la tête sans trop me rappeler ou j’en avais déjà entendu parler. Une petite recherche sur le site des VI et hop ! oui c’est bien ici que j’avais lu cet article il y a quelques mois. Il tombe à pic pour moi et j’apprécie le ton rassurant de l’article et constructif des commentaires … c’est top !

    • Merci lilicf !
      Oui, tant qu’on ne sait pas ce que c’est, ça fait peur et on se sent vraiment perdu… À vrai dire, Petite Poulette en fait beaucoup moins souvent maintenant (elle a presque 2 ans et demi), mais quand cela arrive, c’est quand même impressionnant !

  10. Bonsoir, merci mille fois pour tout ces articles et ces explications bien détaillées !! Je me reconnais très bien dans vos explications , J’ai plus qu’à m’armé de patience !! bon courage à toutes et merci encore !
    Lydiane , maman de Néoven 18 mois

    • Merci Lydiane pour votre commentaire !
      Et si ça peut vous rassurer, les terreurs nocturnes sont devenues un lointain souvenir pour nous, depuis que Petite Poulette a 30 mois environ…

  11. Bonjour, nous sommes en plein dedans avec notre petit de quasiment 2ans et demi. C’est toutes les nuits depuis 2/3 semaines environ, ça ne nous avait pas trop inquiétés parce que c’était un ou deux fois en début de nuit puis plus jusqu’au matin. Par contre depuis le changement d’heure c’est pire et cette nuit il a hurlé toutes les heures de 22h à 6h (à chaque cycle de sommeil…). Résultat il est crevé et nous démunis et inquiets…

  12. Je viens de vivre exactement la même chose à l’instant même je viens de remettre mon petit au lit et j’ai voulu en savoir plus, et voilà que je tombe sur votre article, je ne sais pas si je suis plus rassurée ; mais en tout cas je comprends mieux ce qui vient de se produire, j’étais dépassée par les évènements, il s’est réveillé en criant , j’essaie vainement de le prendre dans mes bras il se débat il a même sauté d’un lit à un autre et je voyais dans son regard qu’il n’était pas vraiment réveillé même s’il avait les yeux ouverts et surtout il ne me reconnaissais pas. En tout Merci pour cet article qui m’a aidé à mieux voir les choses car je commençais à m’inquiéter car j’ai un petit doute que mon petit soit un hypersensible, et mes pensées ont commencé à partir dans tous les sens.

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