Il y a un anniversaire qui passe presque inaperçu en ces temps d’élections présidentielles, pourtant il devrait être sur toutes les lèvres, du moins celles des femmes : l’anniversaire de la pilule contraceptive.
La petite pilule rose fête ses 50 ans le 9 mai (enfin 52 ans exactement) – date à laquelle le feu vert a été donné à la mise en vente du contraceptif oral aux Etats-Unis (elle aurait été autorisée en 1967 en France, soit 7 ans plus tard). Une vieille pilule qui n’est pas prête à être « ménopausée ».

Plus de 50 ans que grâce à cette pilule les grossesses indésirées se sont réduites à peau de chagrin.
50 ans que les femmes ont pu libérer leur sexualité, avant que le sida dans les années 80 viennent entacher à nouveau cette grande révolution sexuelle mais cette fois aussi du côté des hommes.

Et rien d’étonnant qu’à l’origine de cette invention il n’y ait autre que deux femmes.
Un peu d’histoire :

Deux femmes aux Etats-Unis ont donné une impulsion cruciale pour le développement de la pilule. Il s’agit de Margaret Sanger (1879-1966), une infirmière et créatrice du planning familial américain et de Katherine Dexster McCormick (1875-1967), deuxième femme aux Etats- Unis à être diplômée du Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Ces pionnières ont persuadé le Dr Gregory Pincus de mettre au point cette pilule.

Katherine Dexter McCormick a levé deux millions de dollars auprès des groupes féministes pour financer ces recherches et en 1951 le Dr Pincus a ouvert un laboratoire pour travailler sur les hormones sexuelles. Quatre ans plus tard naissait la pilule.*

Une révolution pour la femme qui est pourtant souvent décriée. Effets secondaires, risque de maladies… Cracherait-on dans la soupe ?
Selon Nathalie Bajos, sociologue et directrice de recherche à l’INSERM, que j’ai entendu sur France Inter :

« C’est devenu un peu plus compliqué pour les jeunes générations (…) Aujourd’hui toutes les femmes qui sont concernées par la contraception ont toutes débuté leur vie sexuelle alors que la pilule était disponible. Cela relève du domaine normal de pouvoir avoir accès à une méthode de contraception aussi efficace que la pilule. Et quand quelque chose est de l’ordre du normal on voit plus facilement les dimensions contraignantes de son utilisation que ça n’était le cas dans les générations précédentes où un certain nombre de femmes avaient elles étaient confrontées aux angoisses des grossesses non prévues à une époque où la contraception médicalisée n’était pas accessible voire même illégale. »**

Les grossesses non désirées… Combien de nos mères et grands-mères en ont connu ? Bien sûr, malgré la contraception orale, il y a des grossesses non désirées. Mais tout de même : derrière ce petit cachet, il y a des vies sauvées, celles de femmes qui ne veulent plus d’enfants, ou d’enfants qui seraient nés non désirés.

Pourtant, comme l’indique le titre de l’émission de France Inter, la pilule est parfois dure à avaler.
Derrière cette liberté, se cache pour moi une contrainte, voire un avilissement de la femme à ce petit cachet, qui gère alors seule sa fécondité sa liberté de ne pas enfanter. C’est la solution miracle.
Mais quid de l’homme ? Le non désir d’enfant ne le regarde-t-il pas ?
Combien de femmes rêvent secrètement (ou pas) à une contraception orale pour l’homme ?
Car qui est responsable si l’on oublie la pilule et qu’un incident parvient ? Qui a la responsabilité chaque jour de faire en sorte qu’aucun enfant non désiré par le couple ne voit le jour ?

Personnellement, je trouve ça lourd. Peu d’homme à mon sens (mais dites-moi si j’ai tort) s’investissent dans cette contraception. Ou dans les autres d’ailleurs – mis à part au sujet du stérilet où la question « je vais sentir les fils quand on fera la chose » tombe systématiquement, à moins que son cher et tendre soit gynécologue ou très informé, ce qui me paraît marginal.

Car qu’on se le dise, la pilule reste la norme contraceptive. La pilule reste le principal modèle de contraception. Selon une étude***, 55,5 % des 15-49 ans prennent la pilule (83 % pour les 20-24 ans, ahurissant). Alors qu’il en existe de nombreux autres et surtout moins contraignants : les stérilets (cuire ou à diffusion d’hormones), l’anneau contraceptif, l’implant, le patch, les courbes de températures, les spermicides et la stérilisation masculine ou féminine… Même s’il n’existe pas de moyen de contraception 100 % efficace.

Y-a-t-il là une nouvelle révolution à faire pour que les femmes soient enfin vraiment libres de leur sexualité et s’affranchir vraiment des risques de grossesse non désirée ?

Et la contraception masculine ? Où en est cette révolution attendue par les femmes – mais moins par les hommes ? Dans cette même émission, le témoignage de Pierre Colin, ancien militant pour la recherche et le développement de la contraception masculine, qui a pris la pilule pour homme (oui elle a existé) et qui nous parle d’autres méthodes :

On avait envie de partager de manière équitable entre homme et femme tous les aspects de la vie. Donc on l’a expérimenté et il n’y avait pas que cette méthode-là, il y avait la méthode par la chaleur aussi, qui était le slip chauffant. On sait très bien par, que ce soit les chinois ou les japonais qui prennent des bains très chauds pour être stériles, qu’on avait la spermatogenèse qui tombait.

Et à la question « est-ce que la pilule pour homme est possible aujourd’hui, il répond (et ce n’est pas moi qui le dit)

Absolument. Les labos sont dirigés par des hommes, c’est très machiste et on considère encore que c’est à la femme d’assumer. Cela fait partie du machisme d’être toujours puissant, d’être toujours potentiellement créateur.

Pourtant, ils auraient eux aussi à gagner, les hommes, de pouvoir maîtriser leur fertilité et libérer leur corps, évitant alors de se faire faire un bébé dans le dos.

Et puis on peut se demander légitimement quelle contraception auront nos filles et nos fils à l’époque où une politique de sensibilisation des jeunes à la contraception semble plus que nécessaire ?

*Dans 20 minutes La pilule fête ses 50 ans 05/05/2010
**Une pilule dure à avaler sur France Inter (écouter le podcast)
*** Comment améliorer l’accès des jeunes à la contraception, note d’analyse n°226, juin 2011.