« Quand je serai grand… » tous les enfants disent ça, et le projet évolue au fur et à mesure qu’ils grandissent.

C’est le thème d’un article de Jean-François Dortier paru dans le Sciences Humaines de février 2012, dont voici les grandes lignes.
( Jean-François Dortier est sociologue,  fondateur et directeur de  publication du magazine Sciences Humaines)

« Prenez n’importe quelle classe de maternelle peuplée de gamins de 4-5 ans, il y a de fortes chances pour que vous croisiez quelques Spiderman, Superman et autres Power Rangers en miniature. Quand l’on demande aux enfants de cet àge: « Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand? », les superhéros arrivent souvent en premier chez les garçons. Et dans les rangs des filles, il y a forcément une ou deux princesses et une Dora l’exploratrice. » »

« La plupart des enquêtes sur le sujet convergent. Les petits enfants aspirent souvent à se transformer en modèles fantasmatiques de superhéros ou de princesses. Souvent les rôles sont plus modestes – policier, pompier, docteur ou maîtresse. Est ce à dire que les uns (les aspirants superhéros) sont irréalistes et les autres plus réalistes? Pas forcément : pour un enfant de 3-4 ans, le pompier est un personnage héroïque, avec son casque brillant, son gros camion rouge, et dont le rôle consiste à maîtriser le feu et à voler au secours des gens en danger. »

En grandissant, nos petits superhéros, sont censés « passer progressivement du rêve à la réalité »

Or lorsqu’on interroge nos enfants à la fin du primaire, ils se rêvent champion de foot ou star de cinéma. Le rêve a donc simplement évolué.

Plus tard, on demande à ces adolescents lorsqu’ils ont environ 15ans, de choisir un métier, de s’orienter.

« Les enquêtes montrent d’abord que les adolescents sont pour I’essentiel indécis et désorientés quant à leur avenir. Seule une minorité semble portée par une « vocation ». Pour la plupart, c’est d’ailleurs un choix assez vague (« faire de I’histoire » ou des « études de communication », « s’occuper d’enfants ») qui prédomine sur un métier précis. Mais la grande majorité (60%) reste dans I’incertitude. La question du choix d’orientation posée par les parents et le système scolaire est donc une équation compliquée pour un  adolescent soumis à trois incertitudes:
1) en pleine métamorphose, il est incertain de lui-même;
2) ayant passé toute sa vie consciente entre l’école et la maison, il ignore la plupart des métiers;
3) il est confronté à un avenir économique dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est imprévisible.
Sommé d’élaborer un « projet », I’adolescent finit donc par répondre aux sollicitations de son entourage et aux contraintes de I’orientation, mais ses choix restent pour une large part des choix par défaut. »

Et 10 ans plus tard que sont-ils devenus ?

En moyenne, les jeunes de 25 ans sont étudiants.

Oui aussi surprenant que cela paraisse, «  L’âge moyen des étudiants européens est de 25 ans« . Cela signifie que les plus jeunes ont 18ans, les plus âgés plus de 30 ans.

20% des étudiants ont un emploi en parallèle, certains font des études d’ingénieur ou d’écoles de commerce, d’autre font des études courtes, mais souvent après un master.

D’autres vivent « entre deux » alternant petits boulots et formations.

Un certain nombre ont une double vie, par exemple, des études de psychologie, et troupe de théâtre amateur.

Et même ceux qui ont un emploi , n’imaginent pas le garder toute leur vie.

« Aujourd’hui, l’allongement du temps des études, les reconversions multiples, la fragilité des unions, les aspirations en décalage avec les chances réelles conduisent à prolonger sans fin les rêves d’enfance, à les réaménager, à les refouler provisoirement, mais sans les abandonner vraiment. »

Bref l’instabilité de nos vies conduit les jeunes, puis les adultes, à ne jamais renoncer complètement à leur rêves, à se tenir prêts à rebondir vers autre chose.

Et l’auteur de conclure par « De fait, sous le costume de l’étudiant attardé, du jeune salarié, des jeunes parents, on retrouve toujours un Superman ou une Dora I’exploratrice prêt à resurgir et apparaître au grand jour. »

En tant qu’ « ancien enfant »,  tout cela me laisse bien perplexe.

Mes rêves d’enfant sont passés de princesse sûrement (quand j’avais 5 ans !), à institutrice, puis vétérinaire à la campagne et je me retrouve … ingénieur.

J’ai été élevée dans l’idée qu’il fallait mener ses études le plus loin possible pour avoir un métier stable intéressant et rémunérateur.

Je ne crois pas que les études supérieures représentent aujourd’hui ce sésame.

Est-ce que cela correspondait à mes rêves d’enfant ? Honnêtement, je ne crois pas que je m’identifiais tant que ça aux personnages des histoires que je lisais, ni que j’aurais eu l’idée d’un métier si aucun adulte ne m’avait posé la question.

Je ne sais pas comment ont été posées les questions dans les enquêtes citées dans cet article, mais il me semble qu’entre 15 et 25 ans je rêvais plus de changer le monde que de devenir quelqu’un de célèbre.

Bon OK, le monde a changé.

Et en effet,  quand son travail ne le permet pas, on s’épanouit dans sa famille, une association, un hobby,.. ou la blogosphère :-))

J’avoue que j’ai une admiration teintée d’envie pour ces gens qui changent de vie pour être en accord avec eux-mêmes.

Mais je crois que chacun de nous le fait un petit peu , à  sa mesure, dans ses loisirs, ou une activité associative. Il y a des tas de façons de réaliser un peu des ses rêves sans que cela passe par le métier qu’on fait.

Oui ne jamais renoncer complètement à ses rêves, je vote pour, et j’aimerais transmettre ça à mes enfants.

Il me paraît important aussi de ne pas s’identifier uniquement à un métier, et cela sera sans doute encore plus important pour nos enfants.

Si on peut gagner sa vie de sa passion tant mieux, mais c’est finalement assez rare.

Apprendre à faire les efforts nécessaires pour conquérir une partie de ses rêves : voilà ce que je voudrais inculquer à mes enfants.

Et si possible leur proposer un large éventail de rêves (parce qu’entre nous, spiderman et la princesse, ça me paraît trop stéréotypé pour être du rêve !)

Phypa