Cette semaine, sujet potentiellement explosif, mais qui mérite d’être soulevé : celui du droit d’avoir un enfant. Il était abordé dans le numéro spécial « Tout sur la mère » du (très bon) magazine Books (numéro de juillet-août 2011). L’article est intitulé « Avoir un enfant est-il un droit ? » et est paru à l’origine dans le Times Literary Supplement le 24 janvier 2003.

Un droit de ce genre à la procréation assistée n’a que deux fondements possibles. Le fait qu’un texte juridique l’accorde à l’ensemble des citoyens. […] [Ou] reposer sur l’idée qu’il s’agit d’un besoin fondamental de l’être humain à protéger au même titre que le droit à la vie, à la liberté, à la nourriture, à un toit, etc. […] Le fait que de nombreux individus sains de corps et d’esprit ne désire absolument pas d’enfant compromet cette hypothèse. La soutenir revient à abolir la distinction entre nos besoins fondamentaux et nos désirs les plus profonds.

De fait, Warnock s’oppose catégoriquement au « droit à l’enfant » car rien, selon elle, ne justifie l’existence d’un tel droit. Ses arguments sont imparables. Il est vrai que, si notre désir est de devenir parent, nous n’en avons jamais besoin pour survivre. Il est vrai aussi que la loi ne nous donne pas le droit d’avoir un enfant par tous les moyens possibles et imaginables.

La procréation est pour bien des gens une puissante aspiration. A ce titre, plaide Warnock, le désir d’enfant – sans être un droit – fait obligation au médecin d’assister ceux que cet objectif ronge, avec la compassion qui « guide en général la profession médicale ».

Parce que les couples qui subissent les épreuves d’un parcours de procréation médicalement assistée sont des couples qui désirent profondément fonder une famille. Alors oui, le devoir d’aider ces couples à fonder leur famille et à aimer et à chérir leur(s) enfant(s) existe bien, indépendamment d’un « droit à l’enfant » qui n’a pas lieu d’être. Et c’est le devoir de toute une société que de soutenir la recherche et les procédés, financièrement parlant, à offrir ces possibilités aux couples qui ressentent ce profond désir de parentalité.

L’autre camp […] réunit, pour l’essentiel trois groupes dont la convergence n’a rien d’étonnant : d’abord, les croyants qui condamnent moralement tout usage de l’embryon ; ensuite, ceux qui voient dans la procréation assistée un feu vert donné à la conquête du monde par les homosexuels ; enfin, les détracteurs des femmes qui mettent entre parenthèses leur devoir sacré d’enfanter pour se consacrer à leur carrière ou s’amuser comme des folles.

Pour répondre à cette alliance de zélotes, d’homophobes et de tristes sires, Warnock attire prudemment l’attention sur ce que al société fait ou autorise déjà. Par exemple, « les homosexuels peuvent fonder une famille sans intervention médicale […] ». Si la société permet déjà cela, pourquoi devrions nous leur interdire la procréation assistée ? De même, prenons l’exemple de la danseuse qui fait congeler ses ovules afin de prolonger sa carrière : la société n’aurait aucun souci si elle tombait enceinte par hasard, à la quarantaine révolue, sans assistance. Alors, pourquoi l’empêcher de recevoir un traitement médical ?

Warnock oublie une catégorie de femmes qui aurait bien besoin que l’on prenne en compte leur désir de maternité : celles qui sont traités pour un cancer à un âge très jeune et qui n’ont pas eu le temps d’avoir des enfants ou qui sont loin de la ménopause.

Quant aux questions sur la manipulation de l’embryon, elles se posent réellement : il existe d’ailleurs en France un comité de bio-éthique.

Aider les couples homosexuels à fonder leur famille est une simple – mais complexe dans le cheminement – question d’évolution des moeurs vers l’acceptation de ce qui existe déjà dans les faits.

Quant aux femmes qui retardent leur maternité au bénéfice d’une carrière ou d’un choix de vie, ce n’est pas vraiment comme ne pas pouvoir enfanter, puisque c’est un choix fait en toute connaissance de cause – personne n’ignore plus aujourd’hui que les femmes ne peuvent pas procréer à vie.

Nous pouvons autoriser bien des choses car, dans notre société capitaliste, nous n’avons de toute façon guère le choix. Mais faut-il les encourager ?

Autrement dit, la société doit-elle prendre à sa charge toute procréation assistée ou toute congélation de cellules reproductrices sans distinction aucune ? Ou doit-elle se contenter d’autoriser implicitement puisqu’elle ne l’interdit pas, et laisser chacun le faire en fonction de ses moyens ? D’ailleurs, prendre tout en charge sans se préoccuper de certains critères ne revient-il pas à créer ce fameux « droit à l’enfant » ?

Cécilie