Vous pensiez que vous fêtiez dignement les anniversaires de vos enfants? Ces journées pleines d’émotion où l’on se dit que le temps a passé si vite et où l’on se sent gonflée de fierté devant ces petits bouts de nous? Eh bien vous pouvez remballer vos fêtes d’anniversaire avec sculpteurs de ballons, vos gâteaux Hello Kitty et vos cadeaux achetés en vitesse au magasin de jouets du coin…parce que les Allemandes, elles, elles vous battent à platte couture.

Pour illustrer mes propos, dans le cadre de ce billet interculturel, je cite l’ouvrage de Béatrice Durand, Cousins par alliance. les Allemands en notre miroir« .

En France, l’anniversaire est une affaire restreinte à la famille nucléaire, dont l’importance décroît au fur et à mesure qu’on l’on avance dans l’âge (…) En Allemagne, l’anniversaire fait l’objet d’un rituel très marqué, qui ne se limite pas à la famille proche »

En Allemagne, on ne plaisante pas avec les anniversaires, c’est du lourd, du sérieux.

Un anniversaire se fête le jour J: on ne fête pas avant…à la rigueur après, mais grand Dieux, pas avant: sacrilège…à moins de faire ce que l’on appelle « reinfeiern », à savoir « fêter son entrée dans sa journée d’anniversaire », c’est-à-dire une petite fête la veille au soir, où l’on débouche le champagne Sekt à minuit, mais ça, c’est pour les « grands » seulement.

« Il faut féliciter le jour dit, féliciter quelqu’un en avance porte malheur. »

Toute la journée, le Geburtstagskind (littéralement « l’enfant dont on fête l’anniversaire », mais on utilise encore ce terme, quoique ironiquement, pour les adultes, donc au sens large « le héros de la fête ») est à l’honneur. On le couvre de petites attentions et il est l’objet d’une sollicitude particulière: un petit guéridon est décoré pour l’occasion, sur lequel on dépose les cadeaux que le « Geburtsgaskind » trouvera à son réveil, avec des fleurs, une bougie, des cartes…

« Une amie me téléphone pour me demander un peu de réconfort: elle sera absente pour des raisons professionnelles à l’occasion du sixième anniversaire de son aîné et ses voisins, eux-mêmes parents, lui ont dit : « mais tu ne peux pas faire ça ! Cela risque de laisser des séquelle psychiques. »

Un cadeau d’anniversaire est, idéalement, « selbstgebastelt », à savoir fait-main... C’est le summum de l’attention personnalisée et cela vaut tous les cadeaux achetés dans le commerce. Le tout étant bien sûr soigneusement emballé dans du papier cadeau, mais pas comme vous et moi le faites….non, avec des petites pliures, des éventails, bref, des origamis de papier cadeau…

« L’incompatibilité, à mes yeux, entre des gestes fortement codifiés et une dimension affective m’a longtemps empêchée de comprendre l’importance accordée par mes proches à ces petits gestes. Mettre une dédicace dans un livre que l’on offre pour personnaliser le cadeau, emballer joliment le cadeau…j’ai une vilaine tendance à négliger ces détails, ce qui ne contribue pas peu à ma réputation de quelqu’un qui manque d’égards. je n’arrive pas à croire qu’on accorde du prix à des paroles ou à des gestes disqualifiés à mon sens par leur caractère formel ou stéréotypé . (…) J’aimerais d’ailleurs rendre ici hommage à la somptuosité des paquets-cadeaux allemands qui témoignent de cette façon particulière de « mettre tout son cÅ“ur dans un geste rituel »: non seulement ils peuvent être magnifiques, mais ils peuvent être personnalisés, rehaussés et bricolés d’une manière dont la splendeur baroque dépasse tout ce que l’on peut imaginer en France. Le paquet-cadeau est pensé et reçu comme une marque d’affection.

Les adultes ont même le droit de quitter (encore!) plus tôt le travail ce jour là, voire de prendre leur demi-journée ou leur journée tellement l’occasion est célebrée…Dans le jardin d’enfant allemand de ma fille, les parents cotisent pour acheter un cadeau d’anniversaire aux éducateurs…dans la crèche (parentale!) que nous fréquentions en France: pas de cadeau d’anniv’ pour les éducatrices…

Oublier de féliciter quelqu’un est considéré comme très grossier (…). c’est une marque d’indifférence.  (…) D’ailleurs, avant la chute du Mur, l’anniversaire « rond » d’un parent vivant dans l’autre Allemagne pouvait être un motif de se rendre en RDA pour les parents de l’Ouest et même parfois un motif d’autorisation de sortie pour les Allemands de l’Est!

Je l’ai bien vu cette semaine quand nous avons fêté l’anniversaire de ma Louloute…

Déjà, nous avons fait « petit » (seulement 7 enfants ! Un record déjà chez nous!), alors qu’il arrive fréquemment (du moins dans le jardin d’enfants de ma fille) que l’ensemble du groupe (14 enfants!) soit invité à l’occasion d’un petit déjeuner (autre institution allemande!) au domicile du Geburtstagskind.

Ensuite, une maman dont nous avions invité la fille et qui exerce le même métier que mon mari s’est offusquée que celui-ci veuille parler boulot avec elle quand elle a amené son enfant à l’anniversaire « On va pas parler boulot ! c’est un anniversaire d’enfants voyons! » (sous entendu: ce serait manquer de respect à l’enfant que de parasiter SA fête avec nos discussions d’adultes….ça déconne pas!)

Et une autre racontait que l’anniversaire de sa fille tombait au tout début des grandes vacances et qu’elle allait devoir attendre 6 semaines pour le fêter à la rentrée (alors qu’elle pourrait tout simplement le fêter au moment de départ en vacances: mais non, sacrilège!)

Et puis certaines mamans racontaient que c’était vraiment fabuleux d’avoir un enfant né l’été parce qu’on pouvait « fêter son anniversaire dehors », réflexion que j’ai déjà entendue plusieurs fois dans la bouche de mes amies allemandes, mais jamais en France… !

En Allemagne, l’anniversaire est l’expression la plus aboutie de la célébration de l’individu…

 » et cette manifestation de l’individualisme allemand, qui n’exclue pas une attitude consensuelle et civique (par opposition à l’individualisme gaulois qui trouve son expression dans la contestation permanente), est rendue totalement opque aux yeux des observateurs français »

C-cilou