Ce matin sur France Info, j’ai entendu parler du mouvement britannique PinkStings (« le rose ça pue »), et je ne résiste pas au plaisir d’en faire le sujet de ce vendredi intello.

L’actualité est en effet la sortie de nouveaux legos exclusivement destinés aux filles. Des Legos roses bien sûr, dans un monde « féminin » dont les personnages « aiment les animaux et faire du sport avec leurs amies » ou « organiser des fêtes et faire des gâteaux ».

Voici ce qu’en dit Francine Duquet, Ph.D. et professeure au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) :

« les enfants n’ont pas la maturité émotive pour endosser ce rôle »: «La “ culture filles ” alimente l’idée qu’il faut se préoccuper de son apparence, de son look, et parfois même être sexy. Et qu’on doit se préoccuper des garçons. Cela les catapulte dans un univers qui va très souvent au-devant de leur âge. On prend parfois les enfants pour des ados et les ados pour des adultes, ce qui crée tout un décalage.»

«L’important, c’est de ne pas empêcher un garçon, sous prétexte que c’est un garçon, de jouer à la poupée ou de câliner son ourson. Même chose avec une fille: il ne faut pas l’empêcher de jouer avec des camions ou lui interdire de jouer dans le carré de sable sous prétexte qu’elle va salir sa robe. Il faut développer à la fois la motricité et l’imagination, susciter la curiosité, par la lecture par exemple, de tous les enfants, garçons ou filles»

Protéger le monde de l’enfance est aussi important. «Jouer, rire, courir, explorer, faire des “ niaiseries ” aident les enfants à se construire et à être en relation avec les autres»

C’est même un droit pour les enfants selon la convention internationale des droit de l’enfant. (voir Article 29 qui comprend « Les États parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et des ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités« )

Le conditionnement commence par des tapis de jeux pour bébé roses (si, si j’en ai vu dans les catalogues de Noel cette année !!) et ça se poursuit par des maquillages et des tenues supersexy proposés aux pré-ado.

On trouvera ici le compte-rendu d’un colloque sur le thème de l’hypersexualisation des jeunes filles (les tranches d’âge concerné commencent à environ 8 ans)  qui indique à quel point cette tendance de la mode, des médias est néfaste pour la construction de l’identité de nos enfants, et plus particulièrement des filles.

Extrait :
 » Que regardent les jeunes à la télé et dans les médias en général? Des images qui parlent d’elles-mêmes et véhiculent à chaque instant des idéaux restreints de beauté et des rapports hommes/femmes stéréotypés: homme dominateur, femme sexy mais soumise. C’est ce modèle relationnel que relaient lesmédias. Ces derniers constituent de  véritables reflets de la société de consommation. L’industrie de la musique et celle de la publicité diffusent abondamment des images de femmes-objets adultes, dénudées et sensuelles, ainsi que de jeunes femmes sous les traits de petites filles aguichantes. Le message ici est  sans équivoque : « Viens me chercher ». On n’a qu’à penser aux clips de chanteuses pop comme Christina Aguilera ou Chakira : quelle image d’empowerment offrent-ils aux jeunes filles qui s’identifient à ces vedettes du girl power? Et les vidéos des rappeurs : quel rôle y trouve-t-on pour les femmes? Certaines publicités vont plus loin encore et utilisent l’image de corps de jeunes filles sans montrer leur tête, évoquant ainsi la  Méduse décapitée.

Cet endoctrinement des préados par des messages sexualisés constamment répétés soulève des enjeux identitaires. Séduites par ces artifices omniprésents de la commercialisation, nos fillettes peuvent manquer de sens critique et d’emprise sur la situation. Leur formation identitaire se fonde ainsi sur l’apparence : ce que l’on a l’air importe beaucoup plus que ce que l’on est ou ce que l’on fait. Avec le retour aux vieux stéréotypes masculin et féminin, on assiste à un déplacement des intérêts intellectuels vers les projets reliés au corps. Le souci de l’image corporelle, la tenue vestimentaire et la volonté d’imiter le monde de la femme-objet adulte vendu par les médias, déclassent en importance, par exemple, la préoccupation pour les résultats scolaires.  »

Je trouve particulièrement juste cette phrase de Francine Descarries, (Professeure, département de sociologie, UQAM) :
«  L’hypersexualisation valorise le paraître aux dépens de l’être; l’avoir plutôt que le savoir « 

C’est dès la petite enfance que les stérétoypes creusent les inégalités hommes -femmes et qu’on en arrive

Quelles solutions ?
Pas facile de s’opposer à la norme sociale, surtout avec nos enfants qui veulent à tout prix être normaux.

On a récemment parlé dans divers média de la crèche Bourdarias qui s’inspire d’un modèle suédois .

Pour les enfants des CP et CE1, la ligue de l’enseignement propose un livret sur le thème « cassons les stéréotypes »

On peut trouver sur le site de l’association Adequation des ressources  pour une éducation non sexiste qui est très riche en références et documents à télécharger.

Mais les enfants étant quotidiennement confrontés aux modèles de consommation posés par les pairs, difficile de convaincre mon fils qu’il a le droit d’aimer le rose, et ma fille d’aimer le rugby :-)), et les deux que Chakira c’est pas le top du top …

Phypa