J’ai toujours été très mal à l’aise avec la distinction « fille » vs « garçon » dans les magasins de jouets ou de vêtements pour enfants, et ce dès le plus jeune âge. Cette distinction des genres m’énervait et les jouets sexistes me crispaient. Les premières années de ma fille (qui a 4 ans aujourd’hui), je lui achetais des camions, des salopettes, des vêtements « surtout pas rose »: je savais que les poupées, les Barbies, les robes, poussettes,  viendraient bien assez vite, offerts comme cadeaux par notre entourage. Ce fut effectivement le cas : ma fille fut très rapidement envahie de vêtements et jouets très marqués « fille » et bien entendu de couleur rose…

Qu’est-ce que c’était que ce choix, arbitraire à mes yeux, d’une certaine couleur qui était censée être l’apanage des filles ?

Il n’en a pas toujours été ainsi, et la dichotomie « rose pour les filles » / « bleu pour les garçons » est même très récente, comme le souligne Peggy Orenstein dans son article paru dans The Observer, et repris par Courrier International (« Contre la dictature du rose, CI n° 1090 – 22/09/11) :

« L’attirance des petites filles pour le rose a beau nous sembler irrépressible, comme inscrite dans leur ADN, elle ne l’est pas, nous dit Jo Paoletti, maître de conférences en études américaines à l’université du Maryland. Jusqu’au début du XXe siècle, il n’y avait pas de code couleur pour les enfants : avant l’arrivée des machines à laver, tous les bébés portaient du blanc pour des raisons pratiques, puisque la seule manière d’avoir du linge propre était de le faire bouillir. Qui plus est, garçons et filles portaient à l’époque des tenues qui n’étaient propres à aucun des deux sexes. Quand la layette a commencé à prendre des couleurs, le rose était en fait considéré comme une teinte plus masculine, une version pastel du rouge, la couleur associée à la force. Le bleu, associé à la Vierge Marie, à la constance et à la fidélité, symbolisait la féminité. »

Ah bon ! Il y a une période pas si lointaine, c’était l’inverse ! Bleu pour les filles, rose pour les garçons… Voilà qui fait sacrément relativiser cette histoire de couleurs…

« On ne sait pas exactement quand ni pourquoi la permutation a eu lieu, mais beaucoup des premières héroïnes Disney – Cendrillon, la Belle au bois dormant, Wendy, Alice au pays des merveilles, la Jane Banks de Mary Poppins – portaient différentes nuances de bleu (lorsque l’entreprise a lancé la gamme Princesse Disney, elle a teint la robe de la Belle au bois dormant en rose, officiellement pour la distinguer de Cendrillon). Ce n’est que vers le milieu des années 1980, époque où l’amplification des différences d’âge et de sexe devint une stratégie clé du marketing ciblant les enfants, que le rose entra véritablement en jeu et qu’on se mit à penser qu’il plaisait forcément aux filles, qu’il était un élément de leur identité féminine, au moins pendant les premières années cruciales de leur vie. »

Le marketing…. On en revient donc à cette société de consommation, et aux techniques pour augmenter les ventes et donc les profits des industriels:

« Répartir les enfants ou les adultes en catégories de plus en plus étroites est une méthode éprouvée pour booster les ventes. Et l’un des moyens les plus simples de segmenter un marché est d’amplifier artificiellement les différences entre les sexes – ou de les inventer lorsqu’elles n’existaient pas auparavant. »

Cela me laisse pantoise. L’auteure exprime en termes très clairs ce qui titillait mes neurones depuis pas mal de temps. Et je peux conclure en citant à nouveau l’auteure :

« Je n’aurais jamais pensé, en ayant une fille, que l’une de mes tâches les plus importantes serait d’empêcher la société de consommation de faire main basse sur son enfance. »

Mamaurèle