Aujourd’hui, cela me touche un peu moins mais quand mon premier enfant est né, je crois que ça m’aurait plu de lire ce livre. De savourer en même temps que ce jeune papa l’émerveillement permanent occasionné par l’observation d’un tout-petit. L’aspect « rassurant » de ce récit, ce moment où on peut se dire (entre une tétée sans fin, une tentative de diversification qui vire en nouvelle tapisserie et une nuit morcelée) : « Ouf, c’est normal, c’est (presque) pareil partout ! ».

C’est en grande partie le besoin qu’a comblé la découverte des blogs parentaux. C’est aussi ce qui m’a amenée, à la lecture de ce livre, à cette étrange pensée : « En fait, c’est un blog de papa sur papier !« . D’ailleurs, aux balbutiements d’Internet, ce sont les blogs que l’on définissait comme des journaux intimes en ligne ! Mais avec l’habitude et l’usage intensif, c’est intéressant de voir comme les représentations s’inversent.

quotidien heureux d'un père et de son bébé

Tout cela pour dire que je l’ai trouvé touchant, et juste, ce papa – par ailleurs traducteur et romancier. Mais je vous préviens, Mathias de Breyne est de parti pris. Ce livre, c’est une ode à la parentalité, à la douceur et au lien parents-enfants :

C’est vraiment génial d’avoir un enfant, encore une phrase qui m’est venue alors que je te regardais. Les discours rabat-joie et faussés d’aucuns sur les nuisances sonores et olfactives et sur le temps et l’implication que demande un enfant sont illusoires, infondés, émis sans connaissance, sans expérience, et seulement par ce qu’ils voient de l’extérieur. Alors que ces aspects réels, certes, tout d’abord s’estompent avec le temps […] et surtout ne durent que peu de temps ; changer une cuche prend quelques secondes et si on sait communiquer avec son enfant, on retourne un énervement ou un passage-bougonnerie en rire ou on attend que ça passe, car ça passe toujours, et on passe à autre chose. Il s’agit de quelques secondes par jour ce qui n’est rien par rapport aux heures quotidiennes de bonheur que sont toute ce temps et toute cette implication que demande un enfant.

Je suis bien d’accord avec cette analyse, même si je pense que notre capacité à gérer les bougonneries est peut-être inversement proportionnel au nombre d’enfants que l’on a et à la fatigue. C’est important de savoir que tout passe mais ça n’enlève pas les difficultés, surtout quand la mère les gère seule toute la journée, pour la grande majorité d’entre nous (qu’il s’agisse du congé maternité, du congé parental ou simplement des horaires plus tardifs du père).

Et l’auteur a d’ailleurs un avis sur la question, d’autant plus qu’il est séparé de la mère de son enfant :

Je veux vivre avec mon enfant, le voir et m’en occuper […] Le père doit s’impliquer (et être impliqué) davantage. Il doit voir et s’occuper de ses enfants autant que la mère et non être un COI (complément d’objet indirect) et les voir accessoirement comme ça, de temps en temps, tous les quinze jours et pendant les vacances. Même si cela a un peu évolué, cette époque devrait être révolue. […] Comme je travaille à la maison, je peux le voir beaucoup et j’ai pu participer autant que la mère […] ; les douze premiers mois, il faut bien être deux pour s’occuper d’un bébé, pour prendre le relais. Conclusion : les deux parent devraient faire une pause boulot et œuvrer ensemble à temps plein pour bébé. Cela a tellement de sens à tous les niveaux, pas seulement pour la somme de travail que cela engendre mais pour l’enfant et pour tout ce bonheur de le voir évoluer au jour le jour, de passer du temps, de passer du temps avec lui, vraiment du temps et pas seulement une demi-heure le matin et une heure le soir. […]

Si, majoritairement, c’est encore la norme aujourd’hui que l’enfant vive avec sa maman, c’est sans doute parce que jusque très récemment le papa étaient aux abonnés absents, ne s’impliquait pas dans les tâches quotidiennes. Il est donc crucial qu’il montre qu’il est capable de s’occuper de son enfant. (pages 22-25)

Je me suis permis de mettre en gras la phrase qui m’a particulièrement touchée parce que pour moi, la première année de l’enfant est vraiment la plus dure, une épreuve particulière (même si d’autres difficultés nous attendent au-delà et que tout n’est pas réglé à 1 an – genre le sommeil, suivez mon regard…).

Au-delà de ces extraits militants, le ton et les chapitres thématiques de cet ouvrage en font un journal paternel, voire des mémoires – mais récentes – où on suit l’évolution du père comme du fils, de 0 à 20 mois. Globalement chronologique, mais avec de fréquents aller-retours dans le temps, au gré des souvenirs et évocations liées à ses observations.

quotidien heureux d'un père et de son bébé extrait

L’auteur alterne les moments de narration de son organisation quotidienne avec son enfant, les moments poétiques de réflexion (vous savez, toutes ces pensées parfois très philosophiques que nous inspirent la contemplation de nos petits bouts) et d’observation avec les remarques pratiques. J’ai bien rigolé en lisant son paragraphe sur le mouche-bébé, qui m’a rappelé mes propres achats, à la limite du banc d’essai, pour trouver l’outil le plus efficace tout en étant doux.

On le sent proche de la nature et en admiration devant sa région, les Pyrénées, et le petit village qu’il semble habiter. Les récits de promenades du père et du fils m’ont touchée. On retrouve de notre quotidien dans les sorties à la médiathèque, l’endormissement en voiture, le résumé des journées chez la nounou, les sensations du « devenir parent » (ce statut que l’on met du temps à apprivoiser et dont on doute encore, parfois, tellement il nous change irrémédiablement et nous emporte), le rituel du coucher, le jeu de cache-cache, le bain, le médecin, les bobos, les repas…

Tu as seize mois dans trois jours et les premiers repas arrivent. L’autre jour, j’ai mélangé du quinoa et du riz avec quelques haricots verts coupés menus et un peu de viande, et ça s’est bien passé.  J’ai acheté les premières mini-pâtes, on essaiera demain !  Un début à tout. Avec toi, ce ne sont que des débuts à tout. C’est extra. (page 73)

Comme l’annonce le titre, il s’agit donc d’un journal « heureux », d’un père que l’on sent pleinement épanoui dans son rôle et conscient de sa chance.

J’emploie le mot « chance » à dessein, il faut que je vous explique pourquoi… J’ai ce livre à chroniquer depuis plusieurs mois. Je l’ai lu et feuilleté plusieurs fois pendant ce laps de temps. Mais récemment, il a eu un impact (ou une résonance ?) différent des fois précédentes. Cela ne vient peut-être pas que de ce livre – qui sait – mais depuis deux semaines, je me sens vraiment plus détendue et positive dans mes soins quotidiens à mes enfants. J’ai le sentiment qu’au-delà des contraintes et de la famille, je savoure plus subtilement ma joie de les avoir, la spontanéité de leurs émotions, leurs attitudes et les expressions de leurs visages – que je fixe attentivement, à l’affût de leurs adorables micro-expressions – quand ils me parlent. Leur vigueur, leur bonheur communicatif. C’est une période très agréable.

Grimper aux arbres

Lors d’une de nos virées récentes avec le rando, nous sommes restés plusieurs heures sur un grand plateau ensoleillé avec ici et là des bosquets et petits bois. Nous nous sommes baladés aux quatre coins de ce plateau magique et, dans un bosquet, nous avons caressé un arbre puis je t’ai dit « on lui fait un bisou ». Cela t’a fait rire mais tu as fait comme moi puis tu as recommandé plusieurs fois, des bisous tout doux à l’arbre, à son beau tronc, sa belle écorce. Ensuite, en traversant un petit bois, je t’ai dit qu’un jour, lorsque tu seras plus grand, tu grimperas aux arbres et tu aimeras ça ; d’ailleurs je t’ai posé sur une branche basse d’un petit chêne, tu étais heureux.

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Madame Sioux