Les Editions Ecole Vivante nous ont envoyé leur ouvrage sur  la « Pédagogie Montessori pas à pas », présenté comme un outil complet de formation comprenant un fascicule de 20 pages qui explique les principes fondateurs, un de 134 pages pour la vie sensorielle, un autre de 172 pages pour la lecture, l’écriture et le français, et et enfin un dernier fascicule de 317 pages concernant les mathématiques. Quel énorme travail que cette somme de plus de 500 pages ! Bravo à ses trois auteurs, I. Patron, V. Toinet, et S. Dorance qui nous proposent quelque chose d’aussi complet.

Je me suis portée volontaire pour vous présenter « Pédagogie Montessori pas à pas » car en ce moment, Montessori est un terme qui a la côte. Pour beaucoup de parents d’élèves, cela représente le top des méthodes favorisant la réussite et l’épanouissement des enfants (alors même que, curieusement, ces méthodes n’ont pas été réellement évaluée, la seule étude que j’ai trouvé, plutôt positive, étant ici). Mais, dans le fond, connaissons nous réellement ce que recouvre le terme de « pédagogie Montessori » ? Ces ouvrages nous permettent de voir en détail ce qu’est cette méthode en nous expliquant en détail les principes Montessoriens, en décrivant la fabrication du matériel et son utilisation. On a souvent une vision édulcorée et partielle de ce que propose Montessori et ces fascicules nous offre une présentation plus précise. Ces ouvrages s’adresssent en particulier à ceux qui seraient tenté par l’école à la maison, mais intéressera aussi les autres parents et enseignants.

Tout d’abord, peut-être, pour mieux comprendre l’esprit Montessori, peut-être faut-il connaître un peu l’histoire de son auteur, Maria Montessori, née en 1870. Son courage et sa détermination lui ont permis de devenir la première femme médecin d’Italie. Après ses études, Maria a travaillé avec des enfants considéré comme déficients mentaux, avec des résultats extraordinaires, puisqu’elle a amené ces enfants aux certificats d’étude. Loin de se contenter de ce succès ; elle se dit que si des enfants handicapés peuvent se hisser au niveau d’enfants dits normaux, c’est peut-être aussi parce que les capacités de ses derniers ont sous exploités.Il lui vient donc l’idée de transposer cette méthode pour les enfants lambda, qui sera appliqué dans la « Casa dei bambini » (la maison des enfants) dès 1907.

Le premier tome de « Montessori pas à pas » expose les principes fondateurs de la méthode dont il faut s’imprégner. C’est aussi une vision de l’enfant particulière : en lui-même l’enfant a une force de vie qui le pousse à grandir et à apprendre. Comme une plante, il se développera sans peine si son milieu est favorable. Il est en quelque sorte « préprogrammé » pour faire tel apprentissage à tel moments : ce sont les périodes sensibles. Par exemple, la période sensible du langage s’étend de 2 mois à 6 ans. Naturellement, l’enfant est attiré par les activités qui lui permettent de développer les compétences de la période sensible dans laquelle il est. Inversement, un apprentissage imposé avant ou après ces périodes sera inefficace ou du moins malaisé. Tout comme les jardiniers savent que pour que la meilleure graine germe, il faut également un milieu particulier, les éducateurs doivent « créer un climat serein de confiance et de dialogue ». Ce cadre serein est facilité par l’ordre matériel (un mobilier à la taille des enfants, un rangement pratique). L’enfant sait où est rangé son matériel et peut se concentrer sur les apprentissages sans que son attention soit parasitée par les problèmes matériels. L’adulte donne le ton de la relation en se montrant respectueux et chaleureux pour que confiance et respect mutuel se construisent. Dans cet optique, l’éducateur observe avant de faire, et agit le moins possible.

Dans la méthode Montessori, les apprentissages se font au moyen d’un matériel spécifique. « Coloré, il ressemble souvent aux cubes des jeux de construction ou aux jeux d’éveil pour les tout-petits. Il est clairement fait pour séduire grâce à son aspect esthétique et ludique. 3mais cela n’est pas gratuit. Il ne s’agit pas de gadgets destinés « à faire passer la pilule » d’un enseignement amer.

S’il est conçu pour plaire, c’est parce qu’ainsi, non seulement il attire et retient l’attention des enfants, mais qu’en plus il permet de percevoir, de comprendre et de mémoriser le contenu des enseignements par les sens ». L’enfant a libre accès au matériel pour le manipuler aussi souvent qu’il le désire. Cerise sur le gâteau ce matériel permet l’autocorrection, qui permet de travailler en autonomie en s’affranchissant du « couperet » du jugement de l’adulte.

Les leçons ont lieu selon un rituel précis. On montre le matériel à l’enfant, on s’installe tranquillement, avant d’aborder « la leçon en trois temps », qui peut s’étaler sur plusieurs jours et ne présente qu’un petit nombre de notions. Les auteurs nous expliquent en quoi celle-ci consiste :

  » Les trois temps :

Dans la première phase, la leçon en trois temps met en relation l’objet ou le concept et son vocabulaire associé.

Dans la deuxième phase, celle qui dure le plus longtemps, elle aidel’enfant à mémoriser le vocabulaire et sa relation avec tel ou tel objet ou concept.

Enfin dans sa troisième phase, elle permet de vérifier la parfaite assimilation, qui, seule, rend possible une réutilisation du vocabulaire dans d’autres contextes.

Un exemple :

Le déroulement de la leçon en trois temps est immuable et vous le retrouverez souvent dans nos ouvrages pratiques. Pour le décrire en détails et de façon concrète, nous prenons ici l’exemple des chiffres rugueux.

Temps 1

Pour cette leçon et pour des raisons de clarté, vous choisirez trois chiffres contrastés, par exemple le 4, le 2 et le 7. Isolez devant l’enfant, par exemple, la plaque du 4. Touchez le chiffre en suivant sa forme du bout du doigt, dans le sens de l’écriture. Dites : »C’est 4″. Ainsi de suite pour les trois plaques. Lorsque les trois plaques sont posées, reprenez-les dans l’ordre et nommez-les en les touchant. Vous pouvez éventuellement recommencer le lendemain, avant de passer au temps 2.

Temps 2

Ce 2ème temps prend la forme de devinettes. Cette phase est à la fois très plaisante et stimulante pour l’enfant car elle est comme un défi intellectuel. Placez les trois plaques sur le tapis, dans l’ordre de la première présentation. Demandez à l’enfant « Montre-moi le 4 », « Montre-moi le le 2 », « Montre-moi le 7 ». Après quoi prenez soin de mélanger les plaques pour stimuler l’enfant et recommencez l’exercice. Petit à petit l’enfant devient capable de reconnaître les chiffres dans n’importe quel ordre et de les associer à leur nom. Il faut éviter de mettre l’enfant en échec, c’est pour cette raison que le 2° temps est la période la plus longue. il dure plusieurs séances et doit être poursuivi jusqu’à ce qu’il soit évident que l’enfant a parfaitement maîtrisé l’association forme-nom (mais l’adulte doit s’arrêter avant que l’enfant ne s’ennuie l).Attention ! C’est cette étape « répétitive » mais ludique qui est généralement négligée alors qu’elle consolide la mémoire en construction.

Temps 3

Le 3ème temps n’est proposé que si l’enfant a manifesté une grande aisance avec le 2e temps. Dans le cas de notre exemple, l’enfant réussit à nommer les trois chiffres sans difficulté. Isolez une plaque au hasard devant l’enfant et demandez-lui : « Qu’est-ce que c’est ? « 7″. Procédez de même pour les autres plaques. A ce stade, l’enfant devrait être à l’aise avec le vocabulaire. Ce n’est que lorsqu’il sera capable de nommer tous les chiffres sans hésitation que l’on pourra considérer qu’ils sont parfaitement assimilés et que l’on pourra lui proposer trois nouveaux chiffres. »

Le grand intérêt de ces livres est que le matériel est présenté de façon très détaillé. Certaines choses peuvent se faire soi-même en étant un peu bricoleur, et d’autres devront être achetées.

 

De la même façon, l’utilisation est très bien expliquée. J’ai particulièrement apprécié le volume sur les mathématiques qui présentent un matériel riche et varié. L’approche « précoce » des grands nombres est très intéressante, tout comme les activités sur les opérations (bien qu’on tique un peu en voyant la division présentée uniquement dans sa fonction de partage  )

Je pense sincèrement que ce matériel peut aider les enfants du primaire, pour lesquels on manque souvent d’idées pour rendre les notions mathématiques concrètes. Dans le volume consacré à la lecture, l’écriture est le français se trouvent aussi d’autres pépites, comme une présentation « visuelle » de l’analyse grammaticale, que j’aurais bien aimé connaître lorsque j’enseignais en CE1/CE2.  Mais,  il me semble que nous devons nous laisser libres de pouvoir s’éloigner de ce modèle pour proposer autre chose (problèmes, défis, exercices « classiques » d’entraînement sur papier…).

Je dois dire aussi que l’aspect rigide des leçons me rebute un peu, et que les « leçons en trois parties » me paraissent légèrement surannées. Certes, un peu de simplicité ne fait pas de mal, car nous avons tous -et moi la première- tendance à noyer les enfants sous un déluge de paroles au risque de les embrouiller inutilement. Cependant, la leçon en trois temps reflète une conception particulière de l’apprentissage, vue comme sur un escalier dans lequel on doit monter marche après marche, en répétant jusqu’à ce que les choses soient intégrés. L’erreur est dédramatisée, certes, mais n’est pas forcément exploitée. On évite l’erreur, comme on contournerait un obstacle, en négligeant le fait qu’elle peut être un tremplin. J’ai également quelques doutes sur la possibilité de transférer ce qui a été ainsi appris au seul moyen des manipulations du matériel  (pour ceux ou celles que ça intéresse, je vous renvoie là bas).

De même, montrer à l’enfant, « ceci est un 4 » et « ceci est un sept » peut paraître de bon sens mais c’est nier que l’enfant de 2013 a déjà vu ces signes et a peut-être une idée de ce qu’ils représentent… En gros, l’enfant n’est pas une page vierge de toute connaissance, ou au moins, de représentations plus ou moins juste. Enfin, je m’étonne un peu du manque de place fait à l’expression orale. Notamment, je trouve très important le fait d’aider l’enfant à verbaliser pour expliquer ce qu’il apprend et la façon dont il s’y prend (en gros, ce qu’on nomme du nom barbare de métacognition). Expliquer, se justifier et débattre fixe les apprentissages et prépare l’enfant pour la suite (gardons en tête qu’ un jour notre chérubin aura 17 ans et fera des disserts de philo ! ).

En outre, dans cette optique, l’enfant travaille quasiment toujours seul. Cependant, on apprend aussi PAR et AVEC les autres… C’est vrai qu’il est difficile d’organiser du travail à plusieurs avec des tout-petits (mais pas impossible), mais négliger le groupe et les interactions qui en découlent peut être un manque pour des enfants de 6 ou 7 ans. Dans le fascicule introductif, les auteurs mentionnent l’idée de tutorat par les enfants plus âgés, idée qui aurait mérité peut-être d’être développée (car dans la pratique, c’est une autre paire de manches !)

Ces fascicules seront d’une grande utilité à ceux qui souhaitent appliquer ces principes car le travail de présentation et d’explication, très précis et détaillé, est vraiment formidable. Il donne envie de fabriquer ou de commander (très cher, quand même !) le matériel pour l’essayer avec les enfants. Les auteurs recommandent pour ceux qui voudraient se lancer , en particulier dans le cas de l’école à la maison, de ne pas stresser et de prendre le temps nécessaires pour se préparer, ce qui est un très sage conseil. J’ai apprécié aussi qu’une progression soit proposée, à titre indicatif et en fonction de l’âge de l’enfant, qui permet de voir quand même où l’on va.

Cela peut sembler être une méthode « prête à l’emploi », mais gardons à l’esprit qu’une telle méthode n’existe pas. « Faire du Montessori » peut donner des résultats formidables. A condition d’être appliquée avec souplesse et discernement, en se référant à l’esprit (autonomie, confiance, bienveillance et climat serein) plutôt qu’à la lettre (focalisation sur le matériel et leçon en trois temps). La réussite, comme souvent dépendra des personnalités des enfants: par exemple, certains apprécient les rituels immuables qui les sécurisent alors que d’autres s’ennuieront. Mais selon moi, même ceux auxquels la méthode apportera énormément, devront à un moment passer à autre chose. N’oublions donc pas les prolongements « hors Montessori », par exemple la lecture de la littérature de jeunesse qui permettra de ne pas rester dans une approche « mécanique de la lecture », et aussi les autres pédagogies qui respectent laussi e rythme et l’autonomie à l’enfant, comme la pédagogie Freinet…

Flolasouricette