Declikids avait très bien résumé le rapport de l’Académie des sciences paru le 22 janvier dernier.

Et les conseils rappelés nous avaient paru tout à fait raisonnables :

  • pas d’écran pour les touts-petits à part éventuellement des jeux sur tablette avec un adulte
  • toujours les accompagner, ne pas les laisser seuls devant un écran
  • laisser les écrans dans un espace commun
  • en parler

C’est avec un peu de surprise que j’ai lu récemment dans Le Monde un article intitulé « Laisser les enfants devant un écran est préjudiciable« .

L’article est co-signé de :  Michel Desmurget, directeur de recherche en neurosciences à l’Inserm ; Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale ; Bruno Harlé, pédopsychiatre.

A priori des experts dignes de confiance.

Voici quelques extraits :

L’Académie des sciences a publié, le 17 janvier, un avis intitulé « L’enfant et les écrans ». Les recommandations avancées sont si surprenantes, au regard des données d’ensemble de la littérature scientifique et des prises de position récentes de plusieurs institutions sanitaires majeures, que l’on peut s’interroger sur le soin apporté à la rédaction de ce travail.

 

Une grande partie des affirmations avancées dans ce rapport sont dénuées de tout fondement scientifique et ne reflètent que les préjugés ou opinions des auteurs. Par exemple, nos académiciens expliquent que « les tablettes visuelles et tactiles suscitent au mieux (avec l’aide des proches) l’éveil précoce des bébés (0-2 ans) au monde des écrans, car c’est le format le plus proche de leur intelligence« .

Aucune donnée n’est présentée pour étayer ces assertions ou simplement montrer que cette exposition précoce est souhaitable. C’est malheureux, parce que, même si les tablettes sont trop récentes pour que des études fiables existent quant à leurs influences, il apparaît au vu de la littérature scientifique disponible qu’un petit enfant aura toutes les chances de grandir infiniment mieux sans tablette. En effet, certains déficits établis, liés à l’usage de la télévision ou des jeux vidéo, concernent aussi les tablettes.

Je crois que la difficulté est que nous n’avons pas énormément de recul sur l’usage des tablettes.

Nous avons certes tous en tête cette image :

tele2

issue d’une étude publiée an 2006 par le pédiatre allemand Peter Winterstein sur les effets de la télé sur les enfants.

Il s’agit de dessins d’enfants de 5 à 6 ans.

En haut, des dessins d’enfants qui regardent la télé moins d’1h par jour.

En bas, les dessins d’enfants qui regardent la télé plus de 3h par jour.

(J’en parlais sur mon blog perso ici)

 

Les auteurs reprochent aussi des inexactitudes sur les données citées :

le texte parle constamment de pratiques « excessives » mais ne définit jamais clairement ces dernières. Aux Etats-Unis (seuls chiffres globaux précis) les 8-18 ans consacrent plus de 7 h 30 par jour à l’usage, essentiellement récréatif, d’un écran ou d’un autre. En France, sur une tranche d’âge comparable, on est autour de 4h 30 pour le seul couple télévision-Internet (Médiamétrie, étude EU KidsOnline).

Est-ce excessif ? L’Académie semble considérer que non, lorsqu’elle s’abstient de la moindre recommandation quantitative, et conclut que, de toute façon, « il ne sera possible que de réduire à la marge le temps d’exposition aux écrans ».

(…)

A ce sujet, on peut s’interroger sur certaines « erreurs » des auteurs. Ils citent une étude selon laquelle « au-delà de deux heures par jour passées devant un écran non interactif par un enfant en bas âge, et pour chaque heure supplémentaire, il a été noté une diminution de 6 % sur les habiletés mathématiques à 10 ans ».

En fait, cette étude montre une baisse de 6 % par heure de télévision hebdomadaire (!) soit 42 % par heure de télévision quotidienne, dès la première heure ; cette étude ne permet pas d’extrapoler au-delà de deux heures de consommation quotidiennes, qui constituent la limite supérieure de son échantillon. Ces arrangements avec la réalité sont fâcheux dans un texte censé faire référence.

et contestent des apports pédagogiques des jeux vidéos et logiciels pédagogiques.

Là  je pense qu’ils font fausse route, car des « serious game » se développent aujourd’hui et sont notamment utilisés par les orthophonistes et orthopédagoques en remédiation. (voir les logiciels développés par le GERIP  (Groupe d’études et de réalisations informatiques et pratiques) dont il est question dans un dossier de Cerveau et Psycho consacré au langage)

En revanche, en effet, les effets de la trop grande sédentarité, et du repli sur soi induits par la consommation excessive d’écran auraient pu être abordés.

Étonnamment, les effets massifs et reconnus des écrans sur plusieurs grands problèmes de santé publique sont, eux aussi, presque totalement oubliés des académiciens. Rien sur la sédentarité et ses effets sur l’espérance de vie, rien sur l’alcoolisation et le tabagisme (la télévision est le premier facteur d’entrée dans le tabagisme des adolescents), rien sur les troubles du comportement alimentaire, rien sur la violence scolaire, etc.

 

Les auteurs reprochent donc à l’Académie des Sciences de ne pas avoir assez alerté sur les effets négatifs des écrans sur le comportement et le développement de l’enfant.

C’est possible.

 

Mais je crois que les conseils principaux ont été donnés.

Et notamment les plus importants : ne pas laisser les enfants avec un écran pour seule compagnie, et parler avec eux de leurs jeux.

 

Après difficile de faire abstraction des écrans dans notre vie.

A la maison, nous regardons relativement peu la télévision, et la plupart du temps, il s’agit de DVD choisi pour pouvoir être regardés ensemble (j’en ai d’ailleurs fait une rubrique sur mon blog perso, histoire de partager nos trouvailles et déboires, car trouver des films autres que des dessins animés adaptés aux enfants d’une dizaine d’année ne me paraît pas facile tous les jours)

Mais je dois bien reconnaître que depuis que Mr Phypa et moi avons un smartphone, il est toujours à portée de main pour chercher une confirmation d’une information, une vidéo pour illustrer un propos, en lieu et place du dictionnaire auquel nous avions recours lorsque j’étais enfant pour départager certaines discussions.

Partout où nous allons, l’écran est omniprésent.

Parfois même dans certains restaurants. Je me rappelle d’une pizzeria où nous avions atterri tardivement à Paris , à la sortie la Tour Eiffel dont nous avions fait la fermeture, et où un grand écran mural était resté allumé, sans doute à la suite d’un match de foot et d’une émission de variété, mais se trouvait diffuser des images de « la guerre en couleur », pas très adapté à nos enfants qui avaient à l’époque 8 et 10 ans. Nous sommes allés demander l’arrêt des images, ce que nous avons obtenu sans problème : personne n’avait remarqué , la télévision était restée allumée en bruit de fond.

Dans de nombreux magasins aussi.

Alors difficile de s’abstenir de tout écran sous prétexte qu’on a avec soi un petit enfant, qui forcément sera attiré par les activités de papa et maman, … et de la plupart des autres adultes.

De ce point de vue, les conseils de l’Académie des Sciences que nous a résumés Déclikids me conviennent parfaitement.

S’il me paraît évident que les écrans sont à bannir totalement pour les moins de 3 ans, tous les films, et jeux ne sont pas équivalents, et il est important de sélectionner ce que nous laissons regarder à nos enfants en fonction de leur développement et de leur maturité.

Les écrans font partie de notre univers, nous avons certainement tous besoin d’en apprendre l’impact et l’usage.