L’acquisition du language parlé n’est pas qu’une question de bonne volonté du nourrisson, il s’agit du résultat d’une maturation physique, d’un travail moteur et d’un mimétisme acoustique :

(…) le développement de la parole procède d’une modification considérable des divers mécanismes et structures impliqués dans la production et la perception. Un remodelage complexe des cavités de résonance et des articulateurs, de concert avec l’émergence graduelle du contrôle moteur et des structures neuronales, permettent au jeune enfant de réaliser des tâches de parole semblables à l’adulte. (…) Bien que les premiers mots apparaissent dès l’âge d’un an, les caractéristiques fines des coordinations articulatoires, comme en témoignent les études sur la coarticulation, ne sont acquises que tardivement.
Source : Croissance et développement de la parole (2.7)

L’utilisation des mains, que se soit pour attraper, caresser quelque chose ou pointer du doigt, se fait beaucoup plus tôt et c’est en exploitant cette compétence que l’on peut permettre à un jeune bébé ou à un bambin entendant* de s’exprimer sur des thématiques qu’il ne pourrait aborder verbalement.
C’est en effet vers 9 mois que la préhension est acquise : l’enfant est capable d’utiliser précisément ses doigts pour saisir des objets.

Trois conditions doivent être réunies pour qu’un bébé entendant « signe » tout en continuant son apprentissage verbal :

  1. Il doit avoir envie de communiquer avec ses mains
  2. Il doit comprendre le sens et la signification des mots
  3. Un « enseignant » doit utiliser le signe de concert avec le mot parlé

Dans la pratique

Je n’ai pas eu l’occasion d’avoir de livre sur les bébés signeurs entre les mains ou de faire de formation.
J’ai trouvé les signes pour bébé sur Internet (ici et ) et j’ai complété ceux dont j’avais besoin en regardant les dictionnaires en ligne généraliste et en simplifiant le signe (lorsqu’il y a avait besoin).

J’ai commencé à coupler les signes à mes mots vers les 6 mois de l’Ainé, j’ai préféré commencer par 3 mots (lait, encore et boire).
Ensuite j’ai fait à la demande : je me rendais compte de notions qu’il avait acquises et pour lesquelles il pouvait avoir besoin de vocabulaire ou bien de choses qu’il souhaitait exprimer mais pour lesquelles il avait des difficultés.

C’est ainsi que nous j’ai complété les signes, certains ont été retenus, d’autres pas.
Lorsqu’un signe été bien acquis, j’arrêtais de l’utiliser.

Les gens qui souhaitaient comprendre lorsqu’il parlait étaient obligés à un moment de me demander de décoder : il parle deux langues (français et allemand) et même en français ses mots sont loin d’être tous parfaits (faut le savoir par exemple que Aka c’est un tracteur).
Les problèmes de compréhension de l’entourage ne sont pas réservés aux bébés signeurs.
Est-ce que sous prétexte que personne ne devine que Aka veut dire Tracteur je dois lui interdire ce mot jusqu’à ce qu’il l’emploi correctement et soit compris de son entourage ?

D’expérience les signes Encore, Manger, Boire, Lait (les plus importants à mon sens) sont intégrés en moins de 3 minutes par les adultes qui entourent un bébé signeur et qui veulent faire l’effort de le comprendre.

Ni on père ni sa nounou ne signaient, mais ils connaissaient les mots de plus importants, et l’Ainé a même contaminé les autres enfants de la nounou avec le signe Encore.

A l’usage

Cette technique n’est pas magique, ni indispensable pour comprendre son enfant, mais j’ai trouvé qu’elle évitait beaucoup de jouer au jeux des devinettes (tu veux quoi dans le placard ?) et qu’elle permettait aussi à l’Ainé d’exprimer des choses qu’il n’aurait pas pu dire autrement.

En pleine nuit j’étais heureuse qu’il soit capable à 10 mois de m’indiquer s’il avait soif d’eau, de lait, bobo ou s’il voulait sa sucette. Je repartais plus vite me coucher.
J’étais émue qu’il me réclame aussi clairement Encore des bisous.

Rarement il s’est mis à pleurer ou en colère parce que nous ne comprenions pas ce qu’il souhaitait exprimer.
Il était toujours content d’apprendre un nouveau signe et un nouveau mot et de pouvoir s’exprimer.

Et après ?

Signe inventé par l’ainé signifiant que son papa est parti travailler loin en avion

Vers 21 mois environ il voulait exprimer le fait que son père n’était pas là et qu’il travaillait mais ne savait dire que “papa pa(r)ti”.
Comme il ne savait à ce moment là pas gérer les sons R et AIL, le mot “travail” était hors de sa portée (il n’essayait même pas de le dire), je suis donc allée chercher le signe sur le web et il l’a intégré immédiatement et utilisé jusqu’à ce qu’il sache le dire suffisamment bien.

A 23 mois il avait plus de 120 mots de vocabulaire oral en français et allemand confondus (pas tous toujours bien dit) et utilisait occasionnellement la langue des signes.

A partir de 25 mois il n’avait plus du tout besoin de la langue des signes même s’il en utilisait encore quelques uns pour augmenter la signification ce qu’il disait (dire et signer Dodo simultanément montre qu’il a vraaaaiiiment sommeil).

Il me réclamait même des signes pour le plaisir des mains.

Le mot avion n’est pas évident à signer et il était très fier d’y arriver, en s’appliquant beaucoup à ne déployer que le pouce et l’annulaire.
Lorsque nous lui avons expliqué que son papa partait plusieurs dodo travailler très loin et qu’il y allait en avion, il a inventé une nouvelle combinaison de signe en tapant le signe avion sur son poing (comme pour le signe travail).

Aujourd’hui a presque 5 ans, l’Ainé est un vrai moulin à paroles bilingue français/allemand, et nous commençons lui et moi à signer pour son petit frère de 4 mois.

Carpediem

* Je n’ai pas la compétence pour l’apprentissage de la langue des signes pour les bébés malentendants, je précise donc que notre expérience s’est faite dans une famille entendante avec un enfant sans problème notoire.