Je plante la scène : réunion de famille, un dimanche soir au moment des au revoir.

Z, petite fille bougeante et pétillante de 6 ans, trop souvent cataloguée comme TROP bougeante et TROP répondante… Trop tout.

B, adulte, père de 3 enfants, beaucoup de principes, peu de remise en question de soi, pleins d’idées selon lesquelles à coup sûr, l’adulte sait et commande, l’enfant est ignorant et obéit sans discuter.

B attrape Z par le bras « BON tu me me dis au revoir maintenant !! » . Z ne dit pas au revoir mais réagit naturellement au fait d’être attrapée fort par le bras, tente de se dégager sans succès car il ressert la main, elle le lui dit « tu me fais mal !!!« . Réponse de l’intéressé « ben non je ne te fais pas mal… et si t’as mal c’est parce que tires sur ton bras !!! » . Z avait un ballon gonflé à la main… de dépit, elle lui tape sur le ventre avec son ballon ! Les adultes autour n’avait pas vu l’arrière de la scène (bras serré fort) disent à Z qu’on ne tape pas et commencent à la disputer ! J’interviens en disant que vu qu’il lui serre fort le bras, c’est légitime qu’elle le tape vu l’agression…la fin de la scène se produit avec B qui prend le ballon à Z, Z réclame son ballon et B dit qu’il le rendra si Z dit « s’il te plait tonton que j’aime« …

Et là, j’ai juste la nausée. Parce que j’ai trouvé cette situation violente. Parce que B est comme ça avec les enfants… Il pense sincèrement être quelqu’un de bien, pense qu’il fait bien d’avoir des principes, des idées, et même qu’il est là pour prêcher la bonne éducation aux enfants trop écoutés et trop cocoonés par des parents trop laxistes.

Parce que j’ai été trop lâche pour parler  plus fort que je ne l’ai fait sans avoir dit haut et fort que NON on n’a pas ce genre de comportement dans MA maison ! (ni ailleurs dans l’idéal des cas) . Je n’assume pas encore totalement de vouloir défendre la cause des enfants tellement les adultes réagissent fort lorsque l’on ose le faire.

Et, tombant à point nommé, j’achète le tout nouveau magazine qui vient de sortir, Kaizen de son nom, qui nous propose un article sur l’adultisme. Dans l’article, l’adultisme est définit comme étant le fait de penser que du fait d’être adulte, on a d’office une supériorité à l’enfant qui lui de par son statut d’enfant nous est inférieur et que par conséquent on peut en fin de compte le dominer par nos avis ou nos attitudes.

ça semble extrémiste comme définition ? pourtant, si on y réfléchit deux secondes, en tant qu’adulte on a souvent des attitudes envers les enfants que nous même ne tolèrerions pas une seconde… Et après on s’étonne que les enfants soient parfois existé, énervés, cassent ou mordent… alors qu’ils ne font que ressortir la violence qu’ils reçoivent parfois constamment de la « ligue des parents » qui ont toujours un truc à dire aux enfants ! fais pas ça, mange ceci, va ici, touches pas à ça, met ce vêtement, dis merci, dis s’il te plait, etc…

On s’attend souvent des enfants d’avoir un comportement exemplaire alors que nous même nous aimons sortir des clous, être bordéliques, ne pas dire tout le temps merci ou s’il te plait, etc…

Si je renverse un verre d’eau sur la table chez des amis, est ce que eux vont me disputer et me dire de ramasser ? Bien sûr que non !! Pourquoi, sous couvert d’éducation, estime t’on qu’un enfant doit être irréprochable ? à part lui mettre une pression monstre, lui faire comprendre que lorsqu’on est en apprentissage, on n’a pas le droit à l’erreur sous peine de se faire disputer voire punir, et lui faire comprendre aussi que si on est plus grand, on a un droit légitime à dominer ?

« lorsqu’un groupe d’adultes est traité de la sorte, on appelle cela de l’oppression »

Bref, même si cet article reste assez peu approfondi et que je suis restée sur ma faim, il résonne très fort en moi… Il va jusqu’à l’enfant en moi qui déjà petite était révoltée par cette domination acquise des adultes que je ne comprenais pas, cette douleur de l’humiliation lorsqu’un tante se permet de me railler en public et que les autres adultes rigolent aussi, cette profonde révolte contre l’injustice qui à 6 ans m’a fait faire la grève de la communication avec une institutrice raciste, révolte qui est ancrée en moi encore aujourd’hui contre toutes sortes d’injustices… et il résonne en moi lorsque je vois une petite fille déjà classée comme chiante et qui se tape les délires soit disant éducateur d’un homme qui confond adultisme et éducation, quand je vois des parents mettre des fessées à des enfants, alors qu’ils seraient outrés si on disait normal de frapper son conjoint ou son employé…

« tout au long de notre vie, nous sommes bombardés d’informations sur l’histoire, les coutumes et les traditions, avec souvent un manque de recul favorisant la diffusion des stéréotypes et des préjugés sur certains groupes d’individus, parmi lesquels les enfants, dont le manque de maturité a trop souvent tendance à être considéré comme une déficience. »

Je ne sais pas quelle est la solution, je tente de proposer qu’en respectant profondément nos enfants, on obtient d’eux la coopération, qualité 100 000 fois plus précieuse que l’obéissance ou pire, la peur et la soumission… cette même soumission qui peut avoir des conséquences très graves : quid d’une société qui fait penser aux enfants que l’adulte a toujours raison du fait de son état d’adulte ? Comment cet enfant peut avoir les armes nécessaires pour ne pas obéir à un étranger qui lui dit de le suivre ? Évidemment, ce questionnement est extrême, mais malgré tout il fait partie des angoisses de tout parent, et je trouve éminemment riche pour un enfant qu’il sache qu’il a la même valeur que n’importe quelle autre personne et que adulte ou enfant, il a le droit de ne pas être d’accord et de le dire !

Pourquoi nous, adultes, serions supérieurs à eux ? quelle légitimité avons nous ?

Chaque jour je me pose cette question lorsque je commence à vouloir dire « non » à mes enfants et que je sens en moi le principe plutôt qu’une raison légitime, et pareil quand je veux leur imposer quelque chose… Et j’en tire parfois une vie bien entendu compliquée vu que mes enfants savent qu’ils ont leur mot à dire sur leur propre vie donc ils l’utilisent ce droit, mais j’en tire surtout une richesse dans nos relations, même si pour moi qui ai été habituée culturellement à autre chose doit faire souvent attention pour rester sur cette lignée. Mais ça vaut le coup !

« Même si nous combattons le racisme, même si nous luttons pour un monde plus pacifiste, plus respectueux de l’environnement, si nous abusons de notre pouvoir sur nos enfants, alors nous perpétuons une forme d’oppression. Il serait nécessaire de rééquilibrer cette tutelle en attribuant à l’enfant une grande part de libre-arbitre »

Maman Dragon